lucperino.com

Maladies de soi-même

humeur du 01/07/2020

Le terme générique de « maladies non transmissibles » (MNT) est utilisé en opposition aux maladies infectieuses, donc transmissibles.
Le confort, l’hygiène et la médecine ont diminué le fardeau des infections, jusqu’à placer les MNT au premier plan. Ces nouvelles maladies tumorales, dégénératives ou cardiovasculaires sont devenues la première préoccupation de la médecine suite à ses victoires sur les maladies transmissibles.
Cependant, la mortalité est différente : souvent prématurée (avant 65 ans par définition) dans les infections et « non prématurée » dans les autres.
Pour le dire plus simplement, ces MNT sont les diverses faces de la « mort naturelle ». Les avoir hissées aux premiers rangs de la mortalité est une victoire. En diminuer le poids relatif signifierait un retour des maladies responsables de morts prématurées, donc une régression.

La réalité des 25 dernières années confirme et consolide les progrès de la médecine qui a encore fait gagner 5 années/qualité de vie dans 200 pays par le contrôle des maladies transmissibles et de la périnatalité : ses domaines d’excellence.
Inversement, pour les MNT, le bilan est « heureusement » mauvais pour les morts non prématurées. Hélas, il est devenu désastreux pour les morts prématurées qui ne cessent d’augmenter. Les nouveaux défis, désormais au premier rang des morts prématurées, sont les addictions et intoxications volontaires, les céphalées chroniques et insuffisances rénales liées aux médicaments, le diabète de type 2, les jeunes cancers du tabagisme, l’hypertension et les accidents vasculaires prématurés, la dépression, le suicide, la pathologie iatrogène, ainsi que les accidents, l’alcool et les drogues chez les 25-44 ans. Sachant que l’obésité et la sédentarité créent ou aggravent la plupart de ces maladies.
Aux USA, la sédentarité coûte chaque année 60 milliards de dollars. Ne me demandez pas comment on en arrive à parler en dollars, faites confiance aux américains sur ce point ! Dans le monde, l’obésité est responsable de 3,5 millions de décès annuels, et le tabac de 3 millions. De quoi faire pâlir les vieux conquérants de l’infectiologie !

Les lecteurs les plus perspicaces auront noté que toutes ces morts sont attribuables à des comportements et à des modes de vie. L’ennemi n’est pas externe, il est en soi-même.
Pour éviter d’être lynché, je précise que les crises économiques aggravent le tabagisme, les dépressions et le suicide, que les obèses ne sont pas coupables de leur enfance et que nul n’est responsable de ses gènes. Néanmoins, la médecine ne peut rien contre ces ennemis-là. Pire, la médecine s’avère délétère devant ces MNT : les antidépresseurs aggravent le suicide et la pathologie iatrogène est devenue une cause majeure de mort prématurée.

Ainsi la plupart des maladies prises en charge aujourd’hui sont des maladies de soi-même, et sur ce point, l’échec de la médecine est logique, historique et constant.
Rendons cependant à César...

Bibliographie

Aouba A, Eb M, Rey G, Pavillon G, Jougla E
Données sur la mortalité en France : principales causes de décès en 2008 et évolution depuis 2000
Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, 2011, n°. 22, p. 249-55

Bergen H, Hawton K, Waters K, et al
Premature death after self-harm: a multicentre cohort study
Lancet. 2012;380(9853):1568-1574
DOI : 10.1016/S0140-6736(12)61141-6

Bhaskaran K, Douglas I, Forbes H, dos-Santos-Silva I, Leon DA, Smeeth L
Body-mass index and risk of 22 specific cancers: a population-based cohort study of 5•24 million UK adults
Lancet. 2014 Aug 30;384(9945):755-65
DOI : 10.1016/S0140-6736(14)60892-8

Carter BD, Freedman ND, Jacobs EJ
Smoking and mortality. Beyond established causes
N Engl J Med. 2015;372(22):2170
DOI : 10.1056/NEJMc1503675

Chang SS, Stuckler D, Yip P, Gunnell D
Impact of 2008 global economic crisis on suicide: time trend study in 54 countries
BMJ. 2013;347:f5239. Published 2013 Sep 17
DOI : 10.1136/bmj.f5239

Chen H, Chen G, Zheng X, Guo Y
Contribution of specific diseases and injuries to changes in health adjusted life expectancy in 187 countries from 1990 to 2013: retrospective observational study
BMJ. 2019 Mar 27;364:l969
DOI : 10.1136/bmj.l969

Ding D, Lawson KD, Kolbe-Alexander TL, Finkelstein EA, Katzmarzyk PT, van Mechelen W, Pratt M
The economic burden of physical inactivity: a global analysis of major non-communicable diseases
Lancet. 2016 Sep 24;388(10051):1311-24
DOI : 10.1016/S0140-6736(16)30383-X

Finucane MM, Stevens GA, Cowan MJ, Danaei G, Lin JK, Paciorek CJ, Singh GM, Gutierrez HR, Lu Y, Bahalim AN, Farzadfar F, Riley LM, Ezzati M; Global Burden of Metabolic Risk Factors of Chronic Diseases Collaborating Group
National, regional, and global trends in body-mass index since 1980 : systematic analysis of health examination surveys and epidemiological studies with 960 country-years and 9.1 millions participants
Lancet. 2011 Feb 12;377(9765):557-67
DOI : 10.1016/S0140-6736(10)62037-5

Fond G, Zendjidjian X, Boucekine M, Brunel L, Llorca PM, Boyer L
The World Health Organization (WHO) dataset for guiding suicide prevention policies: A 3-decade French national survey
Journal of Affective Disorders, Volume 188, 1 December 2015, Pages 232–238
DOI : 10.1016/j.jad.2015.08.048

Kontopantelis E, Buchan I, Webb RT, Ashcroft DM, Mamas MA, Doran T
Disparities in mortality among 25–44-year-olds in England: a longitudinal, population-based study
Lancet Public Health. 2018 Dec;3(12):e567-e575
DOI : 10.1016/S2468-2667(18)30177-4

Makary MA, Daniel M
Medical error—the third leading cause of death in the US
BMJ 2016;353:i2139
DOI : 10.1136/bmj.i2139

Ng M, Fleming T, Robinson M et al
Global, regional, and national prevalence of overweight and obesity in children and adults during 1980-2013: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013
Lancet. 2014 Aug 30;384(9945):766-81
DOI : 10.1016/S0140-6736(14)60460-8

 

RARE

Site médical sans publicité
et sans conflit d'intérêts.

 

Vous aimerez aussi ces humeurs...

N'injuriez pas avec l'anus - En termes évolutionnistes, l’anus est un achèvement parfait. [...]

Laurent chez le calculateur pharaonique - Laurent est un cadre quinquagénaire, gourmand de technologie et avide de progrès. Pour son [...]

Les huitres sont cuites - Pour les colons d’Afrique, leurs domestiques représentaient l’archétype de l’individu [...]

Overdose - Souvenez-vous, c’était à la fin des années 1980 et au début des années 1990, suite à [...]

Sociologie du dépistage - D’après les méta-analyses les plus récentes, le dépistage du cancer du sein [...]

Vous aimerez aussi...

Pourquoi les humains ont perdu leur fourrure ? - Les théoriciens de l'évolution ont avancé de nombreuses hypothèses sur les raisons pour [...]

Diabète de type 1, immunologie et évolution - Essais de vaccination/prévention dans le diabète de type 1    Il est désormais bien établi [...]

Les hommes préhistoriques soignaient bien leurs enfants - Une étude publiée dans la revue PLOS ONE a révélé la découverte d'un enfant paléolithique [...]

Proportion trop élevée de maladies mentales. - Les maladies mentales ont certainement une multitude de causes environnementales [...]

Phases de vie : importance clinique de l'adolescence - L'épidémiologie « des parcours de vie » peut se définir comme l'étude des effets à long [...]

La phrase biomédicale aléatoire

Les psychotropes ont joué un rôle important et non innocent dans l'évolution des concepts diagnostiques. C'est surtout le marketing pharmaceutique qui en est responsable. Comme il y a une justice en ce bas monde, il a, comme conséquence, stérilisé la recherche en matière de psychotropes.
― Edouard Zarifian

Haut de page