humeur du 06/11/2021
Au XVI° siècle, la théorie des « signatures » s’est développée sur d’antiques croyances qui avaient établi un rapport entre la forme et la couleur des plantes et leurs propriétés médicinales. Comme la carotte et la chélidoine dont le suc jaune devait être efficace contre la jaunisse.
Cette théorie devint si influente qu’elle en modifia l’appellation de certaines plantes. Une bourrache devint « pulmonaire » en raison de la similitude entre la marbrure de ses feuilles et les poumons ; on alla jusqu’à établir un lien entre les taches de la plante et les nodules tuberculeux. Une autre borraginacée à la tige tachetée et aux graines en forme de tête de vipère fut nommée vipérine et soigna les morsures de ce serpent. L'anémone hépatique soignait le foie, car les lobes de sa feuille ressemblaient à ceux de cet organe. La figue à forme très évocatrice a été proposée dans les hémorroïdes.
Certaines analogies étaient plus alambiquées. Le chou et le laurier chassaient l’ivresse, car les sarments d’une vigne plantée à leur proximité s’en éloignaient naturellement. La reine des prés, comme elle pousse les pieds dans l’eau, devait être efficace contre les rhumatismes, tout comme la graisse de gazelle qui devait receler la vélocité de cet animal. Le polytric, fixé au sol par de nombreuses fibrilles, devait prévenir la calvitie. Les semences de millet, ressemblant au gravier urinaire, étaient utilisées contre la gravelle et les coliques néphrétiques. Les graines de cumin, en forme de reins, étaient donc diurétiques.
Ce sont évidemment les analogies polissonnes qui eurent le plus grand succès. La racine de l’orchidée satyrion, ressemblant aux organes génitaux masculins devait agir contre l’impuissance. La racine de mandragore avait les mêmes vertus, son prix augmentait si la forme était mâle plutôt que femelle, et le prix devenait faramineux lorsque la racine dédoublée évoquait un couple en plein coït. Machiavel s'en est amusé en y ajoutant nombre d’évocations comme un pendu, la queue d’un chien ou le « cri » de la plante.
Ce ne sont que quelques exemples d’un ésotérisme thérapeutique que nous aurions tort de regarder comme appartenant à un passé révolu. Aujourd’hui en Chine, première puissance économique mondiale, la racine de ginseng suscite les mêmes fantasmes que celle de la mandragore. Et la corne de rhinocéros se vend à prix d’or, pour une évocation encore plus triviale qui risque d’entraîner l’extinction de cette espèce.
Dans le domaine thérapeutique, les croyances et la crédulité ne connaissent aucune limite et les signatures n’ont pas fini de nous leurrer de cent façons plus subtiles. Les publications d’essais cliniques entièrement façonnés et rédigés par des industriels, deviennent paroles d’évangile lorsqu’elles sont signées par un leader d’opinion. Lequel ne les a pas toujours lues avant de vendre sa signature. Machiavel s’en serait certainement encore amusé à sa façon.
Chast François
Histoire contemporaine des médicaments
La découverte, 2002
Faure Olivier
Histoire sociale de la médecine
Anthropos Historiques, 1994
Perino Luc
Brève histoire du médicament
Jean-Claude Behar (l’œil neuf), 2009
Teyssou Roger
Quatre siècles de thérapeutique médicale du XVI° au XIX° siècle
L'Harmattan, 2007
Par catégorie professionnelle | |
Médecins | 27% |
Professions de santé | 33% |
Sciences de la vie et de la terre | 8% |
Sciences humaines et sociales | 12% |
Autres sciences et techniques | 4% |
Administration, services et tertiaires | 11% |
Economie, commerce, industrie | 1% |
Médias et communication | 3% |
Art et artisanat | 1% |
Par tranches d'âge | |
Plus de 70 ans | 14% |
de 50 à 70 ans | 53% |
de 30 à 50 ans | 29% |
moins de 30 ans | 4% |
Par motivation | |
Patients | 5% |
Proche ou association de patients | 3% |
Thèse ou études en cours | 4% |
Intérêt professionnel | 65% |
Simple curiosité | 23% |
Dépistage de la normalité - En 2014, résumant les dernières années de recherche, George Johnson osait affirmer « Le [...]
Auto-prescription - (NB : Il s'agit bien ici de la prescription d'actes médicaux par les médecins et non de [...]
L'idiot utile - Un recensement annuel du nombre de personnes porteuses de cancers entre 1970 et 2020, n’a [...]
Mots et lieux de l'hystérie - Les noms des maladies ont varié au gré des connaissances. Mais plus souvent, c’est [...]
D’un mab à l’autre - Dans les années 1940, la synthèse des alcaloïdes a ravivé la pharmacologie et fait croire [...]
Quel que soit l’effet objectif de la médecine prédictive sur notre longévité, il est subjectivement négatif, puisqu’elle ne cesse de ressasser notre finitude.
Les médecines curatives et préventives nous avaient donné l’ivresse d’une domination possible de notre environnement, la médecine prédictive a transformé cette ivresse en une crispation sur nos fragilités internes.
― Luc Perino