dernière mise à jour le 13/08/2023
Les généticiens commencent à démêler le rôle de l'évolution dans la maladie mentale.
Des indices montrent que les environments passés pourraient avoir influencé les troubles psychiatriques. Ces troubles peuvent être débilitants et impliquent souvent une composante génétique, cependant l'évolution ne les a pas éliminés. Des travaux récents commencent à révéler le rôle de la sélection naturelle, offrant un aperçu de la façon dont les fondements génétiques de la maladie mentale ont changé au fil du temps.
De nombreux troubles psychiatriques sont polygéniques : ils peuvent impliquer des centaines ou des milliers de gènes et de mutations de l'ADN. Il peut être difficile de suivre l'évolution de tant de régions génétiques, et de telles études nécessitent de grands ensembles de données génomiques. Mais l'avènement de bases de données massives sur le génome humain permet de rechercher d'éventuels liens entre les maladies mentales et les conditions environnementales et sociétales qui auraient pu conduire à leur émergence et à leur développement. D'autres études se tournent vers les séquences génétiques de Néandertal pour aider à éclairer l'image de ces troubles, ainsi que les capacités cognitives, chez l'homme.
Une étude a découvert que l'évolution sélectionnait des variants d'ADN censés protéger contre la schizophrénie. Elle a examiné des centaines de milliers de génomes humains à l'aide d'une méthode statistique qui a identifié des signaux de sélection au cours des 2 000 dernières années. Il n'y avait aucun signe de sélection dans les régions génétiques associées à toute autre maladie mentale.
De nombreux symptômes de la schizophrénie, tels que les hallucinations auditives et les phrases confuses, impliquent des régions du cerveau liées à la parole. Au cours de l'évolution des hominidés, la capacité de parler aurait pu l'emporter sur le risque faible mais inévitable que les gènes impliqués dans le langage puissent mal fonctionner et entraîner la schizophrénie chez un petit pourcentage de la population.
Une quête de contexte
Une autre équipe tente de démêler les liens entre les facteurs environnementaux, les maladies mentales et les traits de comportement. En examinant 2 455 échantillons d'ADN d'individus sur 23 sites à travers l'Europe, on a pu quantifier le risque génétique global de chaque personne pour des troubles mentaux, tels que l'autisme, ou des traits de personnalité, tels que l'extraversion. Elle a ensuite calculé si ce risque était associé à certains facteurs environnementaux, tels que les précipitations, les températures hivernales ou la prévalence de maladies infectieuses, explorant l'idée que ces facteurs auraient pu être impliqués dans la sélection des traits humains.
Les personnes qui vivent dans des régions européennes où les températures hivernales sont relativement plus basses, semblent légèrement plus sujettes à la schizophrénie. L’étude suggère que si les gènes qui aidant les gens à tolérer le froid étaient situés à proximité de variants qui favorisent la schizophrénie dans le génome, alors ces derniers auraient pu être « embarqués » par l'évolution selon le processus nommé « auto-stop génétique ».
Ce résultat à confirmer est toutefois une belle première tentative de mettre en évidence les liens entre contexte environnemental et les variantes polygéniques associées aux maladies mentales
Pour et contre
Il sera cependant difficile de démêler les rôles de la génétique et de l'environnement, car des conditions environnementales inconnues dans le passé auraient pu sélectionner des traits qui étaient alors avantageux, mais considérés comme négatifs aujourd'hui. Et d'autres facteurs évolutifs pourraient contribuer indirectement à la maladie mentale. On pense qu'un système immunitaire hyperactif est impliqué dans de nombreux troubles psychiatriques, tels que la dépression, mais un système immunitaire plus fort aurait été bénéfique au cours de l’évolution pour lutter contre les maladies infectieuses.
D’autres études examinent les différences possibles de l'activité des gènes entre Néandertaliens et humains modernes. L’une d’entre elles a montré que les gènes associés au développement neurologique étaient régulés différemment dans le cerveau de ces deux espèces. Ainsi, le gène FOXP2, associé au langage, est identique chez les deux espèces d’homme, mais le cerveau humain moderne pourrait avoir produit plus de protéine associée à ce gène, expliquant l'augmentation de la capacité linguistique. Ces résultats pourraient éventuellement conduire à une meilleure compréhension de troubles psychiatriques en relation à l’expression modulée des gènes (épigénétique).
Certes, l'étude de l'évolution de la maladie mentale en est encore à ses débuts, mais la possibilité d'utiliser des bases de données massives sur le génome humain est une avancée passionnante. Il faut évidemment avancer prudemment, mais il faut poursuivre, car nous avons déjà la conviction que l’environnement joue un rôle sur les maladies mentales.
Reardon S
Geneticists are starting to unravel evolution's role in mental illness
Nature. 2017 Oct 30;551(7678):15-16
DOI : 10.1038/nature.2017.22914
Par catégorie professionnelle | |
Médecins | 27% |
Professions de santé | 33% |
Sciences de la vie et de la terre | 8% |
Sciences humaines et sociales | 12% |
Autres sciences et techniques | 4% |
Administration, services et tertiaires | 11% |
Economie, commerce, industrie | 1% |
Médias et communication | 3% |
Art et artisanat | 1% |
Par tranches d'âge | |
Plus de 70 ans | 14% |
de 50 à 70 ans | 53% |
de 30 à 50 ans | 29% |
moins de 30 ans | 4% |
Par motivation | |
Patients | 5% |
Proche ou association de patients | 3% |
Thèse ou études en cours | 4% |
Intérêt professionnel | 65% |
Simple curiosité | 23% |
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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