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Géographie de la dépression

dernière mise à jour le 28/09/2019

Dépressions majeures selon le degré de latitude et de population

Malgré leur place importante en psychiatrie, des incertitudes planent encore sur l’épidémiologie des épisodes dépressifs majeurs (EDM) et notamment l’influence de l’environnement : ainsi les contrées « hyperboréales » (comme le Grand Nord canadien, proche du cercle Arctique) sont-elles plus ou moins propices aux dépressions que les régions de latitude moins élevée ? Et la vie citadine prédispose-telle davantage à ces troubles que la vie en milieu rural ?

Plus à la ville qu’aux champs

S’appuyant sur « 11 études (canadiennes) transversales » portant au total sur près de 480 000 sujets, et réalisée à l’Université de Calgary, dans l’Alberta, au Canada, une méta-analyse[1] confirme que la prévalence des EDM s’avère effectivement « plus élevée dans les régions urbaines » de ce pays. Toutefois, comme la différence constatée (Odds ratio =1,18 intervalle de confiance à 95 % [1,12–1,25], p < 0,01) s’élève ainsi à « 18 % d’EDM supplémentaires en ville par rapport à la campagne», elle demeure, estiment les auteurs de cette  recherche, « insuffisante pour imputer des besoins de services différents », c’est-à-dire pour planifier une augmentation de l’offre de soins liée à ce surcroît de morbidité psychiatrique entre villes et campagnes, indépendamment de l’offre déjà majorée par la plus forte densité de population urbaine, par rapport aux zones rurales.

Et plus on est proche du pôle

Émanant également de l’Université de Calgary et portant aussi sur près de 500 000 sujets, une autre étude[2] évalue cette fois l’incidence possible de la latitude sur la prévalence des EDM. L’information sur la latitude où vit l’intéressé est obtenue d’après son code postal. S’appuyant sur une analyse des données en régression logistique et des modèles « incluant la latitude comme variable continue », les auteurs constatent l’existence d’une « association statistiquement significative » entre la latitude et la prévalence des EDM, laquelle augmente « avec la latitude croissante », et cette association persiste après correction pour divers « facteurs de risque connus. » Cependant, l’effet de ce gradient de latitude sur la majoration du risque dépressif n’a qu’une « magnitude modeste », car on observe seulement une « augmentation de 1 à 2 % de prévalence des EDM » par degré supplémentaire de latitude. On note aussi une limitation inhérente à la géographie humaine : vu l’insuffisance de données, ce gradient ne peut pas être « généralisé au-delà des centres de population majeurs qui ont tendance à se situer à moins de 55° de latitude Nord au Canada. »

Étant la première à évaluer l’incidence de la latitude sur le risque dépressif, cette étude demande à être répliquée pour confirmation, en appréciant aussi d’autres facteurs comme « l’exposition à la lumière, les modèles météorologiques ou des déterminants sociaux. » Quoi qu’il en soit, le rapprochement de ces deux enquêtes épidémiologiques montre que les EDM ont assurément, parmi leurs facteurs étiologiques, certaines composantes en rapport avec la géographie humaine (habitat urbain ou rural) ou même physique (latitude).

Abstract de Alain Cohen

Bibliographie

Patten SB, Williams JVA, Lavorato DH, Wang JL, Bulloch AGM
Major Depression prevalence increases with latitude in Canada
Can J Psychiatry. 2017 Jan; 62(1): 62–66
DOI : 10.1177/0706743716673323

Wiens K, Williams JVA, Lavorato DH, Bulloch AGM, Patten SB
The prevalence of Major Depressive Episodes is higher in urban regions of Canada
Can J Psychiatry. 2017 Jan; 62(1): 57–61
DOI : 10.1177/0706743716659246

Médecine évolutionniste (ou darwinienne)

Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon. Voir ICI

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La phrase biomédicale aléatoire

A l'aide des sciences expérimentales actives, l'homme devient un inventeur de phénomènes, un véritable contremaître de la création; et l'on ne saurait, sous ce rapport, assigner de limites à la puissance qu'il peut acquérir sur la nature, par les progrès futurs des sciences expérimentales. Maintenant reste la question de savoir si la médecine doit demeurer une science d'observation ou devenir une science expérimentale. Sans doute la médecine doit commencer par être une simple observation clinique. Ensuite, comme l'organisme forme par lui-même une unité harmonique, un petit monde (microcosme) contenu dans le grand monde (macrocosme), on a pu soutenir que la vie était indivisible et qu'on devait se borner à observer les phénomènes que nous offrent dans leur ensemble les organismes vivants sains et malades, et se contenter de raisonner sur les faits observés. Mais si l'on admet qu'il faille ainsi se limiter, et si l'on pose en principe que la médecine n'est qu'une science passive d'observation, le médecin ne devra pas plus toucher au corps humain que l'astronome ne touche aux planètes. Dès lors l'anatomie normale ou pathologique, les vivisections, appliquées à la physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique, tout cela est complètement inutile. La médecine ainsi conçue ne peut conduire qu'à l'expectation et à des prescriptions hygiéniques plus ou moins utiles; mais c'est la négation d'une médecine active, c'est-à-dire d'une thérapeutique scientifique et réelle.
― Claude Bernard

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