humeur du 12/09/2013
Le dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA est dénoncé comme inefficace, depuis 20 ans, tant par les praticiens de terrain qui constatent son inadéquation avec la réalité clinique, que par les méta-analyses les plus rigoureuses.
Avec quelques généralistes, nous avons tenté de lutter contre la promotion exagérée de ce test par l’Association Française d’Urologie (AFU) et par l’industrie du diagnostic biologique.
Mais comment expliquer à un patient le contraire de ce qu’il entend sur tous les médias ? Je me souviens d’un « débat » sur France Inter, où les trois invités étaient tous des urologues de l’AFU ! Cela ne s’invente pas ! Comment expliquer que ce dépistage est une « perte de chance », si notre patient a été convaincu de l’inverse par un spécialiste urologue sans contradicteur.
Même les praticiens de tempérament « David » ont vite compris qu’il fallait mille fois plus de temps pour convaincre de l’inutilité du test que pour le prescrire, car « Goliath » s’était glissé entre eux et leurs patients. Le « paiement à l’acte » a certainement été le principal étouffoir de la polémique…
Je me souviens, il y a quinze ans, avoir répondu à un proche de 81 ans, qui me demandait ce qu’il devait faire, car son PSA était positif. « Rien », lui ai-je dit, en déchirant sa feuille de résultats. Je ne me serais jamais risqué à un tel geste avec tout autre patient, car un médecin ne peut protéger que sa famille contre les excès de la médecine. Ce parent, aujourd’hui âgé de 96 ans, ignore où en est son PSA, mais il continue allègrement à conduire sa voiture de la même marque !
En 2010, la Haute Autorité de Santé (HAS) refusait définitivement la mise en place d’un dépistage de masse réclamé par l’AFU. Malgré cela, 75% des patients continuaient à réclamer leur PSA, alors que la participation au dépistage du cancer du sein, pourtant vanté par tous les ministères, ne dépassait pas les 53% !
En 2011, la HAS américaine recommande, avec un haut niveau de preuve, de ne pas dépister le cancer de la prostate avec le PSA, suivie par la France en 2012, même chez les hommes à haut risque ! La surprise a été telle que certains médecins ont demandé le retrait de ce texte, car ils ne sauraient comment l’expliquer à leurs patients ! Pour la première fois, dans l’histoire du dépistage en cancérologie, il existait une forte preuve de la supériorité de l’abstention sur l’action !
Mais à l’interface entre médecine et société, rien n’est jamais simple, car ce test décrété inutile, a continué à être remboursé. Vous ne comprenez pas… Désolé, moi non plus.
Enfin, un nouveau pas est sur le point d’être franchi, puisque le rapport Vernant, dans le cadre du troisième Plan Cancer, propose le déremboursement de ce test. Attendons…
Rien ne peut désormais m’étonner dans les aventures du PSA. L’AFU ayant un accès facile aux médias, saura jouer sur d’autres registres que celui des preuves. Plus l’erreur a duré, plus il est difficile de la corriger sans perdre la face… Soyons optimistes, certains urologues commencent à se désolidariser…
Une chose est certaine : la saga du PSA sera, un jour, un excellent sujet de Sciences Humaines et Sociales pour les étudiants.
Dépistage des cancers de la prostate par PSA. Trop d’effets indésirables
Prescrire, mars 2012, t. 32, n° 341, p. 207-209.
Dupagne Dominique
Dépistage du cancer de la prostate
http://www.atoute.org/n/article117.html
ERSPC
The European Randomised Study of Screening for Prostate Cancer
Invités : Pascal Richman : Président de l'Association française d'urologie - Laurent Salomon, professeur d'urologie à Henri Mondor. - Stéphane Droupy, professeur d'urologie au CHU de Nîme
Emission : Le téléphone sonne
France Inter. Mercredi 15/09/2010.
Johansson J. E. et coll
Natural history of early, localized prostate cancer,
JAMA, 2004, 291, p. 2713-2719.
Meyer M. S. et al.
Homogenous prostate cancer mortality in the Nordic countries over four decades,
Eur Urol, 2010, 58, p. 427-432.
PLCO
The Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer ScreeningTrial
Perino Luc
Dépistage du cancer de la prostate : réflexion sur une polémique dépassée.
Médecine, vol 7, N° 8, octobre 2011, p:371-376 DOI :
DOI : 10.1684/med.2011.0752
Perino Luc
Il est urgent de repenser la cancérologie. Première partie : les éléments du débat.
Médecine, vol 6, N°4, avril 2010, p:170-174
DOI : 10.1684/med.2010.0547
Perino Luc
Il est urgent de repenser la cancérologie. Deuxième partie : des exemples.
Médecine, vol 6, N° 5, mai 2010, p:228-232
DOI : 10.1684/med.2010.0562
Perino Luc
Sociologie du dépistage
http://www.lucperino.com/blogs/depistage_sociologie.php
Sandblom G. et coll
Randomised prostate cancer screening trial : 20 year follow-up,
BMJ, 2011, 342, p. d1539.
US Preventive Services Task Force
USPSTF, Screening for prostate cancer : recommendation statement draft : summary of recommendation and evidence,
http://www.uspreventiveservicetaskforce.org/draftrec3.htm. october 7, 2011
Uchio E. M. et coll
Impact of biochemical recurrence in prostate cancer among US veterans,
Arch Intern Med, 2010, 170, p. 1390-1395.
Site médical sans publicité
et sans conflit d'intérêts.
Déficits légers - Avec les années, je constate que ma peau est moins élastique, plus rêche, et plus [...]
Le marronnier d’hiver - Le nombre de SDF qui meurent chaque année dans la rue est d'environ 300. Les causes sont [...]
Biais de participation - Une étude sociologique dans les usines électriques Hawthorne a été réalisée dans les [...]
Cordon de sécurité - Les essais cliniques concernant des médicaments sont majoritairement biaisés, alors que ceux [...]
La science prise en grippe - Comme chaque année, l’assurance-maladie envoie les documents de prise en charge gratuite du [...]