dernière mise à jour le 28/08/2025
Précisons d’abord la différence entre un microbiote toujours spécifique à un organe particulier (intestin, vagin, poumons, peau, etc.) et le microbiome qui désigne l’ensemble des microbiotes humains et de leurs génomes. Cependant on utilise souvent le terme microbiote quand on parle du microbiome, même dans les articles scientifiques.
L’enthousiasme récent pour le microbiome s’est accompagné de certaines idées fausses ou mal étayées, abondamment relayées par les médias. Compte tenu de l’importance potentielle du microbiome sur la santé humaine, il est nécessaire de lutter contre ces « mythes », parfois anecdotiques, mais dont le cumul peut favoriser la désinformation médicale.
La recherche sur le microbiote n’est pas « nouvelle », comme on le dit souvent. Certes, les techniques de séquençage à haut débit ont permis une accélération exponentielle des travaux et des publications ces 15 dernières années. Cependant, on avait déjà découvert Escherichia coli en 1885 et des bifidobactéries en 1899. Metchnikoff avait déjà évoqué les bénéfices des microorganismes intestinaux au début des années 1900. Quant au célèbre axe « intestin-cerveau », il est étudié depuis des siècles. Il n’est pas vrai non plus que Joshua Lederberg a inventé le terme « microbiome » en 2011, car ce terme était utilisé depuis plus de dix ans auparavant.
Le microbiome ne pèse pas 2 kg
Une affirmation souvent mentionnée, sans référence aucune. Sachant que la majorité du microbiote humain réside dans le côlon, et que le poids des selles humides est de 200 g en moyenne, le poids total du microbiome est très probablement inférieur à 500 g.
Il y a moins de 1012 bactéries par gramme de fèces
Pas tout à fait. En utilisant diverses méthodes quantitatives directes, les chercheurs sont capables d’affirmer qu’il y aurait entre 1010 et 1011 bactéries/g de poids humide de matières fécales.
Les cellules de nos microbiotes ne sont pas dix fois plus nombreuses que les cellules humaines.
Cette affirmation semble tirée d’une erreur de calcul remontant aux années 1970. Le ratio le plus probable compte tenu des connaissances actuelles serait plutôt de 1/1 mais il est important de noter qu’il dépend de nombreux facteurs comme la taille de l’hôte, la quantité de matières fécales dans son côlon ou encore de son origine géographique. Cependant ce rapport de 1/1 est déjà très impressionnant !
Le microbiote n’est pas totalement hérité de la mère à la naissance.
Certes, certains micro-organismes sont directement transférés de la mère à l’enfant durant l’accouchement mais peu de ces espèces persistent à l’âge adulte. En effet, la diversité du microbiome s’enrichit de façon spectaculaire les premières années de vie jusqu’à atteindre, à l’âge adulte, une configuration unique propre à chaque individu.
Les communautés microbiennes adultes semblent être principalement façonnées par des expositions environnementales stochastiques antérieures, ainsi que des facteurs tels l’alimentation, l’antibiothérapie et le fond génétique de l’hôte. L’héritage « direct » de la mère à la naissance semble jouer un moindre rôle, même si des recherches sont encore nécessaires afin de pouvoir totalement l’affirmer.
La majorité des maladies ne sont pas caractérisées par un « pathobiome »
Ce terme décrit « les interactions délétères entre les microbiotes et leur hôte qui conduisent à une maladie ». Il est trop souvent utilisé et beaucoup trop simpliste, car l’impact des micro-organismes et de leurs métabolites sur notre santé dépend fortement du contexte. Par exemple Clostridium difficile peut être porté tout au long de la vie de façon asymptomatique et ne devient délétère qu’en cas d’immunodépression et d’antibiothérapie.
Il est vrai que les maladies inflammatoires de l’intestin, sont corrélées à des dysbioses (altérations de la composition du microbiote intestinal), mais cette composition est extrêmement variable entre les individus, et ne permet pas de corrélations suffisamment rigoureuses pour la pratique clinique.
De plus, la causalité reste très difficile à établir à partir des études d’association car des facteurs de confusion tels que l'âge, l'indice de masse corporelle (IMC), le sexe et les médicaments ne sont pas toujours pris en compte, de même que les interactions entre les différents microbiotes ou les changements qui résultent de modifications immunologiques, métaboliques ou fonctionnelles chez l'hôte. Conclure qu'un pathobiome caractéristique joue un rôle dans une maladie est donc une affirmation qui est loin d’être fondée sur des preuves.
Les kits commerciaux de test du microbiome ont par exemple permis de décrire un déséquilibre dans le rapport Firmicutes/Bacteroidetes qui sont les deux plus grands embranchements du microbiote intestinal. Pourtant, la reproductibilité des études est faible. Par ailleurs, il est impossible de déterminer si cette dysbiose est une cause ou une conséquence de l’obésité.
La question de la méthodologie est cruciale
Pour établir des comparaisons robustes entre les études, de nombreux chercheurs souhaiteraient une « standardisation » des méthodes. Cependant, comme en recherche clinique, toutes les méthodes comportent des biais potentiels qu’il est important de connaitre. Même le séquençage à haut débit n’est pas dénué de biais qui peuvent être introduits à chaque étape du séquençage : de la collecte au stockage des échantillons, de l’extraction de l’ADN au choix des bases de données de référence utilisées pour l’analyse.
Une idée répandue est qu’il est très difficile, voire impossible, de cultiver en les germes des microbiotes en laboratoire. Il est important de rappeler qu’une proportion importante des bactéries et archées composant notre microbiome a déjà été cultivée en laboratoire grâce notamment à des travaux pionniers remontant aux années 1970. Cette culture nécessite hélas de gros investissements, mais elle permet une compréhension plus mécanistique des associations entre le microbiote et les phénotypes de l’hôte, ce que ne permet pas le séquençage à lui seul.
Ajoutons que la plupart des études publiées sur le microbiote intestinal humain sont basées sur des échantillons fécaux. Cependant, les selles ne fournissent qu’une indication partielle de ce qui se passe dans notre intestin
Conclusion
Le microbiome est un vaste domaine de médecine évolutionniste et de recherche en santé humaine qui suscite un vif intérêt du public. Dans la volonté de vulgariser des informations scientifiques, nous devons garder à l’esprit que répéter constamment des affirmations fausses ou non étayées ne les rendent pas forcément vraies…
Walker AW, Hoyles L
Human microbiome myths and misconceptions
Nat Microbiol 2023 Aug 8 8 1392 1396
DOI : 10.1038/s41564-023-01426-7
Par catégorie professionnelle | |
Médecins | 27% |
Professions de santé | 33% |
Sciences de la vie et de la terre | 8% |
Sciences humaines et sociales | 12% |
Autres sciences et techniques | 4% |
Administration, services et tertiaires | 11% |
Economie, commerce, industrie | 1% |
Médias et communication | 3% |
Art et artisanat | 1% |
Par tranches d'âge | |
Plus de 70 ans | 14% |
de 50 à 70 ans | 53% |
de 30 à 50 ans | 29% |
moins de 30 ans | 4% |
Par motivation | |
Patients | 5% |
Proche ou association de patients | 3% |
Thèse ou études en cours | 4% |
Intérêt professionnel | 65% |
Simple curiosité | 23% |
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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