humeur du 30/03/2012
Les campagnes électorales sont l'occasion de grands débats sur l'indépendance des institutions, l'autonomie du pouvoir et la contrainte des marchés. La médecine et la santé sont généralement absentes de ces débats.
Nous pourrions nous en étonner, mais à la réflexion, cela semble logique. La médecine et le monde sanitaire disposent d'une indépendance par rapport au marché et d'une autonomie par rapport au pouvoir dont ne dispose aucune autre institution.
- En déterminant eux-mêmes le contenu des études médicales, les médecins confèrent l'autonomie scientifique à leurs universités.
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En orientant la recherche sur les sujets financés par l'inductrie, les médecins confèrent l'autonomie financière à leurs centres de recherche.
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En rédigeant eux-mêmes le code de déontologie médicale reconnu par l'Etat, les médecins assurent l'indépendance de leur justice. L'ordre des médecins, auquel ils ont à rendre compte, ne dépend que de leur propre autorité. Le statut exclusif de la prescription crée une hiérarchie au sein des professions sanitaires que les membres de statut inférieur (infirmières, kinésithérapeuthes, etc.) ne peuvent contester puisqu'ils en dépendent. Cette hiérarchie stable ne pose guère de problème de débordement syndical hors de l'institution médicale.
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La possibilité de décider seuls du nombre d'actes pour les patients, le principe du paiement à l'acte et le remboursement de la majorité de ces actes par la collectivité, sont trois paramètres dont la conjonction crée une liberté marchande et une autonomie financière qu'aucune autre profession ou institution ne possède.
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La progression fulgurante du dépistage et de l'industrie du diagnostic associée au refus sociétal de l'inexorabilité de la mort fournissent un champ illimité à la pathologie. Ce marché potentiel gigantesque devient le seul déterminant de la recherche scientifique et renforce l'autocontrôle scientifique, donc l'autonomie.
Ce marché potentiel est aussi la plus importante réserve de progression du PIB dont aucun pouvoir politique ne peut se passer.
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L'adhésion populaire à cette pathologie illimitée est très forte et l'image du médecin dans les sondages d'opinions reste au meilleur niveau depuis des décennies sans aucun signe de déclin.
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La forte représentation des professions médicales parmi les élus régionaux et nationaux est une force de lobbying dont ne dispose aucune autre profession.
- Les médias affectionnent les annonces mirifiques de découvertes des sciences biomédicales et favorisent leur amalgame avec le soin individuel du quotidien et le bonheur qui peut en découler.
Très rares sont les zones sombres de cette perfection institutionnelle. La convention entre le monde libéral et les organismes sociaux n'est l'objet que de discussions symboliques. Le caractère sacro-saint de la protection sociale éloigne régulièrement le problème de la contrainte budgétaire. Les récentes "affaires" autour du médicament jettent un discrédit temporaire vite oublié par l'annonce d'une découverte biomédicale majeure.
Devant un tel enthousiasme et un tel consensus, la médecine et la santé n'ont effectivement pas à apparaître dans les débats électoraux.
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