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Être sous...

humeur du 16/08/2011

Être sous...

Prendre le train, prendre sa valise, prendre des photos ou prendre le pain et les enfants à l’école en revenant du boulot.
Le verbe prendre, décidément ubiquitaire, concerne aussi l’oralité primaire : prendre le sein ou son biberon, puis l’oralité secondaire : prendre l’apéritif ou reprendre du gigot.

Lorsque l’on prend des vitamines, c’est pour prendre des forces. Cependant, la plupart des produits pharmaceutiques pris oralement n’ont pas toujours cette connotation volontaire. La disparition du verbe « prendre » signe une dépendance à la volonté du médecin.

Je suis « sous antidépresseurs ». Ces psychotropes semblent n’être jamais pris. Le patient s’estompe sous une volonté qui le recouvre. Le patient qui se déclare sous antidépresseurs est probablement plus atteint que celui qui déclare les prendre.

« Prendre des antibiotiques » est quasiment l’aveu d’une automédication, alors qu’être « sous antibiotiques » veut signifier la gravité du mal à l’entourage.

On ne prend presque jamais d’anticoagulants, on est « sous anticoagulants » pour bien marquer cette soumission à la médecine garante de la survie.

Pour l’insuline, où la soumission est pourtant définitive, les choses sont différentes, car le traitement a été si bien compris par le patient que le médecin en est exclu. Les patients ne sont pas sous insuline, ils la prennent et se l’injectent seuls. Idéal de la réussite médicale : des patients qui ne sont pas « sous » ?

Personne n’est sous somnifère, mais on se vante d’en prendre de plus en plus, comme si l’insomnie était l’ennemie qu’il fallait intimider par ces actes de bravoure pharmaceutique. La même vanité entoure la prise de tranquillisants. Quant aux neuroleptiques, ni on est sous, ni on ne les prend, le patient donne juste le nom commercial d’un médicament qui ne doit appartenir à aucune famille.

Il est des classes pharmacologiques qui ne sont ni dominatrices, ni dominées, tels que les hypolipémiants, les antihypertenseurs, les hypoglycémiants oraux. Dans ces cas, on ne cite ni la famille, ni le nom commercial, mais seulement leur cible supposée. On prend des médicaments pour le cholestérol, la tension, le cœur, les artères. Dans ces cas, ni le patient, ni le médecin ne peuvent afficher leur suprématie définitive. Il y a comme un doute permanent, une sorte de statu quo de l’objectif thérapeutique.

Le langage parlé n’est jamais anodin.

Félicitons la bonne santé chronique de ceux qui affirment ne jamais rien prendre. Il faudra tenir compte de leur refus d’être « sous » influence en cas de détresse aigue. Lorsque leur langage sera devenu plus insignifiant que leur mal.

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