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Herpès labial récurrent ou Bouton de fièvre

dernière mise à jour le 05/11/2015

I/ Les mots et les faits

  • Herpès : maladie virale causée par le HSV (Herpes Simplex Virus).
  • Il existe deux types d’HSV : HSV1 et HSV2
    • Classiquement, HSV1 est responsable des infections orales (lèvres, langue, bouche)
    • Classiquement HSV2 est responsable des infections des organes génitaux (nous n’en parlons pas ici)
    • En réalité, la séparation est de moins en moins nette, et il y a de plus en plus d’infections génitales à HSV1
  • Ganglion de Gasser : ganglion nerveux situé sur le nerf sensitif des yeux et des mâchoires (nerf trijumeau)
  • Primo-infection : première rencontre avec un virus (ou une bactérie)
  • Une primo-infection peut provoquer ou non des symptômes. Lorsqu’une primo-infection ne donne aucun symptôme, on dit qu’elle est « asymptomatique ». C’est le cas de nombreuses primo-infections virales (herpès, rubéole, etc.)
  • Infection latente : lorsque le virus est toujours présent, mais ne donne aucun symptôme. On parle aussi de « porteur sain » du virus.
  • Réactivation : lorsque le virus se « réveille » sans provoquer de symptômes. On parle aussi d’excrétion virale asymptomatique
  • Récurrence : lorsque le virus se réveille et provoque des symptômes.

 

II/ Combattre les idées reçues

  • Presque tous les adultes sont infectés par le HSV1 (de 60% à 100% selon les populations)
  • La primo-infection a généralement lieu entre 6 mois et un an, lorsque le nourrisson perd les anticorps maternels. La transmission se fait à partir d’un adulte asymptomatique.
  • Les primo-infections par les virus herpès sont asymptomatiques 9 fois sur 10. Aussi bien pour l’herpès génital que pour l’herpès buccal
  • Chez l’adulte, la réactivation du virus dans la salive est souvent asymptomatique, donc favoriser la transmission aux nourrissons par des baisers.

 

III/ Les idées forces

  • HSV1 peut rester en sommeil (latence) toute la vie dans le ganglion de Gasser
  • La récurrence se traduit presque toujours par une lésion de la lèvre (parfois de la bouche et bien plus rarement de la conjonctive)
  • La réactivation avec symptômes est nommée herpès récurrent. On parle aussi de « virus de sortie »
  • Il peut y avoir diverses causes à la récurrence :
    • toutes les fièvres quelle qu’en soit la cause (d’où le terme de « bouton de fièvre »
    • la période avant les règles chez les femmes
    • l’exposition au soleil
    • les séjours en montagne
    • les contrariétés, la fatigue, le stress (l’herpès labial récurrent est parfois considéré comme une maladie psychosomatique)
    • Les soins de la face au laser
  • L’analyse virologique est inutile en cas d’herpès labial, car le diagnostic est évident.
  • Aucun traitement n’a démontré une efficacité dans l’herpès labial récurrent, ni sous forme de pommade, ni sous formes de comprimés
  • Les traitements prolongés ou réguliers pour éviter les récidives d’herpès labial sont tous inutiles. Les formes pommades ou comprimés n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité.
  • Il n’existe aucun vaccin contre l’herpès

 

IV/ Espace d'éducation et de progrès

  • HSV1 et HSV2 appartiennent à la grande famille des herpesviridae qui comprend aussi le virus de la varicelle (VZV), le virus d’Ebstein Barr, le cytomégalovirus et les herpès virus humain HHV6 et HHV8 qui peuvent parfois donner des maladies très graves (hors de notre sujet)
  • HSV 1 et 2 sont des virus fragiles qui ne survivent pas dans le milieu extérieur. La transmission se fait donc par contact direct et non par des objets
  • HSV peut donner aussi des infections plus graves (hors de notre sujet)
    • Une conjonctivite : lorsqu’il y a un œil rouge associé à un herpès labial, il ne faut jamais donner de collyre aux corticoïdes pour calmer la douleur, car cela peut provoquer une infection de la cornée. C’est une grave erreur.
    • L’herpès du nouveau-né est très rare (1 pour 10 000 naissances). Il s’agit d’un HSV2 transmis par les voies génitales de la mère. Il ne se limite pas à la bouche et peut atteindre tous les organes. Il est souvent très grave .
    • L’encéphalite herpétique de l’adulte est très rare et très grave. 50 cas par an en France.
    • L’herpès chez les personnes immunodéprimées (SIDA, porteurs de greffe) peut avoir des formes très graves.
    • Les lésions de la peau (plaies, brulûres, eczéma) peuvent favoriser des formes graves d’herpès. (Un nourrisson eczémateux ne doit pas être embrassé par une personne souffrant d’herpès labial.)
  • L’aciclovir est le traitement antiviral de référence des formes graves (nouveau-né, immunodéprimés, encéphalites). On utilise aussi le famciclovir et le valaciclovir. Il existe des formes en perfusion et en comprimés

V/ Radio trottoir des erreurs quotidiennes

  • On me dit que ça ne guérit jamais et que je vais garder ça toute ma vie. (Le virus de l’herpès peut effectivement souvent rester toute la vie en vous. Cela ne veut pas dire que vous aurez obligatoirement des récidives. La récurrence diminue régulièrement avec les années.)
  • Je fais des récidives tous les deux mois, je dois prendre un traitement continu. (Non, aucun traitement local ou en comprimé n’a montré son efficacité sur les récidives.)
  • J’ai peur d’embrasser mes enfants. (Il vaut mieux éviter de les embrasser pendant les quatre ou cinq premiers jours du bouton de fièvre. En dehors de cela, il n’y a aucun risque. Il faut aussi savoir qu’en cas d’excrétion virale, vous êtes contagieux sans avoir aucun symptôme. De toutes façons, vos enfants sont déjà certainement porteurs du virus.)
  • C’est parfois tellement douloureux que je prends des anti-inflammatoires. (Il faut absolument éviter les antiinflammatoires et les corticoïdes, même sous forme de pommade ou de collyre, car ils sont un facteur d’aggravation)

 

Bibliographie

Chi CC, Wang SH, Delamere FM, Wojnarowska F, Peters MC, Kanjirath PP
Intervention pour la prévention de l'herpès labial
Cochrane library, août 2015
DOI : 10.1002/14651858.CD010095.pub2

Faculté de médecine Pierre et Marie Curie
Les herpesviridae
http://www.chups.jussieu.fr/polys/viro/poly/POLY.Chp.2.2.html

Société française de dermatologie
Prise en charge de l'herpès cutanéo-muqueux chez le sujet immuno-compétent
Conférence de consensus, ANAES, 7 nov 2001

 

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La phrase biomédicale aléatoire

Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem

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