humeur du 06/02/2017
Les radios de service public ont su épargner à leurs auditeurs les publicités pour ménagères de moins de cinquante ans. Les rares messages publicitaires proviennent d’ONG, fondations, mutuelles ou ministères. Nous constatons aussi que les sujets de santé sont de plus en plus nombreux : prévention (vaccinations, tabac), économie (génériques), dépistage (octobre rose). Récemment, quatre messages sanitaires se sont succédé sur France Inter avant le journal de 13h.
Le premier émanait d’une station thermale dont les bienfaits étaient démontrés par 60% des utilisateurs qui déclaraient moins souffrir de leur arthrose après la cure. Une preuve basée sur des réponses subjectives relatives à un symptôme subjectif, n’est pas une preuve. Bref, un message dépourvu de science
Le second message en provenance du ministère mettait en garde contre la transmission du virus grippal. Félicitons notre ministère de rappeler que l’hygiène est, de loin, le premier des progrès de l’infectiologie. Mais la grippe et sa prévention sont si rebattues que les cartes en deviennent brouillées. Bref, un message pourvu de suspicion.
Le troisième encourageait à poursuivre le dépistage du cancer du col par frottis vaginal après 45 ans. Ce dépistage a toujours été l’un des mieux suivis, et presque le seul dont les résultats sont peu contestables. Bref un message superflu (sauf à rappeler en filigrane le vaccin anti-HPV, ou à préciser que ce vaccin ne dispense pas encore du frottis).
Enfin, le dernier incitait à consulter le plus tôt possible un ophtalmologiste pour prévenir la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), responsable de cécité partielle. Ce message aurait certainement inspiré un sketch à notre regretté Coluche : « puisque cette maladie est liée à l’âge, le plus sûr moyen d’éviter ce diagnostic est de consulter quand on est jeune… ».
Malgré sa bouffonnerie, ce message avait une certaine franchise, car son auteur, Novartis, était clairement nommé. Ce laboratoire vend un médicament capable de ralentir un peu la progression de la DMLA chez 15 à 20% des patients. Ce traitement n’ayant aucun intérêt dans les formes précoces de la maladie, la supercherie sautait aux yeux (si j’ose dire) ; le but mercatique étant d’élargir la cible des consommateurs. En effet, nul ne peut s’attendre à une prévention philanthropique de la part d’un laboratoire qui a fait un scandaleux procès à l’Etat pour empêcher la commercialisation d’un médicament identique et 40 fois moins cher (25 € la dose au lieu de 1000 € !). Malgré les revenus de cette publicité, l’État ne pourra jamais récupérer les milliards d’euros que ce laboratoire lui a fait perdre. Bref un message insolent.
Certes, ce ne sont que des publicités. Mais quatre messages successifs, flous ou fourbes, à une heure de grande écoute, m’ont interpellé. Il ne faut pas prendre le risque de transformer tous les auditeurs en patients encore plus perméables que les ménagères de moins de cinquante ans…
Messages publicitaires sur le thème sanitaire
France Inter le 31 janvier 2017 à 12h 55
Michel de Pracontal
Novartis et la DMLA: un scandale à 500 millions d’euros par an
Mediapart - 31 août 2012
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La porte du cabinet de consultation s’ouvre. D’emblée, les premiers gestes du patient, avant même que la porte ne soit refermée, ont livré une bonne part des éléments du puzzle qui va se construire. Les mouvements de cet homme ou de cette femme ont déjà une syntaxe qui esquisse la grammaire des symptômes à délivrer. La marche jusqu’à son siège est une préface, un avertissement à l’observateur clinicien, sa cadence est celle du verbe à venir, les hésitations y auront une fréquence identique à celle des pas. L’empathie commence par les mots d’accueil du praticien, les invites à se mettre à l’aise, les mimes d’ouverture sur la scène des phrases… Justement, voilà les premiers mots qui arrivent, avant ou après que le praticien ne se soit assis. Avant : ils informent de leur insignifiance ou d’une certitude de leur faible apport dans le décryptage du cas. Pendant : il faudra y mettre de l’ordre, car le bruit des chaises est un prétexte à leur brouillon. Après : ils vont requérir plus d’attention, voire en exiger s’ils sont très tardifs.
― Luc Perino