lucperino.com

Inaptitude chronique au diagnostic

humeur du 07/02/2018

Lorsque, dans un grand média, un article fait le point sur une maladie, il commence immanquablement par dire que cette maladie est sous-diagnostiquée. Elle serait en réalité bien plus fréquente qu’on ne le croit, et les coupables tout désignés de ce sous-diagnostic sont les généralistes puisqu’ils sont en première ligne.

Les omnipraticiens ont donc une incapacité chronique à porter des diagnostics. Et cela est fort dommageable, car une fois qu’ils ont porté un diagnostic, ils peuvent faire entrer le patient dans un système de soins où il sera alors correctement pris en charge. Et si cette prise en charge du patient par divers spécialistes s’avère peu efficace, il faudra en conclure que c’est à cause du retard diagnostique. On peut toujours affirmer qu’un diagnostic plus précoce aurait permis la guérison, car cela est conforme à l’intuition. En toute logique, si tous les diagnostics possibles avaient été posés assez tôt, la vie serait éternelle...

Pauvres généralistes, après notre incapacité à diagnostiquer le diabète, l’impuissance, la dépression, le syndrome des jambes sans repos, la migraine, les névralgies, ils deviennent inaptes à diagnostiquer la fibromyalgie, les insomnies, les cancers, la DMLA, la surdité et la maladie d’Alzheimer. Toutes ces pathologies anciennes ou modernes ont chacune à leur tour, la particularité de faire l’objet d’un relookage, d’un changement de dénomination ou d’un nouvel intérêt médiatique au moment ou un laboratoire est dans la phase pré-marketing d’un médicament ou d’un test dont l’indication est précisément l’une d’entre elles.

La grossièreté de ces manœuvres arrive rarement à la conscience claire du grand public. Il est grand temps que les acteurs de la santé et les médias s’interrogent sur la productivité sanitaire de ce genre de dénigrement systématique du généraliste.

Dans mon schéma de pensée traditionnel (peut-être désuet), le rôle des médecins est de définir les pathologies et de porter les diagnostics, quant au rôle de l’industrie, il est de fournir les médicaments que les praticiens sollicitent et espèrent. Il est surprenant qu’un laboratoire fasse une étude sur les conditions de diagnostic d’une maladie et qu’il détermine lui-même les bonnes ou mauvaises façons de porter ce diagnostic. Comment l’Université peut-elle rester aussi inerte devant cette inversion des rôles de chacun ? Peut-être que l’université, elle non plus, n’arrive pas à faire les diagnostics assez tôt !

Par ailleurs, toutes les autorités s’alarment du manque d’omnipraticiens et de la désertification médicale. Mon expertise de clinicien m’incite à faire un lien entre l’augmentation du dénigrement de la médecine générale et la diminution du nombre de ses gérants...

Lire les chroniques hebdomadaires de LP

RARE

Site médical sans publicité
et sans conflit d'intérêts.

 

Vous aimerez aussi ces humeurs...

Végétariens et cancers - Il n’est plus besoin de faire d’études pour prouver que la baisse de consommation de [...]

Ne plus déclencher la venue au monde - Dans la série des informations alarmistes sur les médicaments, le dernier épisode est celui du [...]

Savez-vous planter les choux ? - Les paroles souvent absconses des chansons enfantines proviennent de leur origine secrète. Les [...]

Vaccins en général et en particulier - La communication sur les vaccins se fait souvent sans nuance, tant par les ministères qui les [...]

Le sport nuit à la médecine - On ne cesse de répéter que la France souffre d’un manque de médecins. Plusieurs solutions [...]

La phrase biomédicale aléatoire

Prouver que j'ai raison serait accorder que je puis avoir tort.
― Beaumarchais

Haut de page