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Brève pharmacologie de la longévité

humeur du 22/11/2018

Au Danemark, la dépense en médicaments est de 200 € par an et par personne pour une espérance moyenne de vie de 80,6 ans. Les Pays-Bas, avec une dépense de médicaments un peu plus élevée de 365 € atteignent une espérance de vie de 82 ans. La France, pour 425 € annuels de médicaments par personne arrive à une espérance de vie de 82.5 années. On aurait envie de voir continuer cette belle corrélation pour connaître le budget pharmaceutique d’une population centenaire, hélas la progression perd brutalement de son charme, car l’Allemagne qui atteint une dépense de 480 € a une espérance moyenne de vie de 81 ans, à peine supérieure à celle du Danemark. Et au sommet de cette série se trouvent les USA qui, avec une dépense de 725 € de médicaments par an et par personne (presque deux fois celle de la France et quatre fois celle des Pays Bas), ont une espérance de vie d’à peine 78 ans.

Cette corrélation se traduit par une courbe dite en « U inversé ». Ce qui signifie que, pour le cas où existerait une relation de causalité entre le budget pharmaceutique d’un pays et l’espérance moyenne de vie de ses habitants, ce ne serait que jusqu’à un certain montant au-delà duquel, la courbe s’inverse et l’espérance de vie diminue.

Je reconnais la faiblesse clinique de cette démonstration et la probable ténuité du lien entre pharmacie et espérance de vie.

Par ailleurs, à l’intérieur d’un même pays, ce sont ceux qui consomment le plus de médicaments qui ont la plus courte espérance de vie. Cette nouvelle corrélation peut être analysée de deux façons grossières. La première est d’accuser méchamment les médicaments de diminuer la durée de vie. La seconde est de suggérer que les plus gros consommateurs de médicaments sont ceux qui avaient la santé la plus fragile, donc la plus faible espérance de vie. La première analyse est injustement agressive envers les médicaments, bien qu’ils soient une cause majeure de mortalité. Si la seconde analyse semble plus honnête et plus réaliste, on peut néanmoins affirmer que les médicaments ne suffisent pas à combler le déficit initial d’espérance de vie.

 Pour donner un peu plus de rigueur à cette courte dialectique, nous pouvons appliquer le principe de consilience. Lorsqu’aucune démonstration n’est suffisante à elle seule, ce principe consiste à juxtaposer plusieurs hypothèses indépendantes concourant à mieux cerner un phénomène.

La consilience nous permet alors de conclure avec parcimonie que les médicaments ne sont manifestement pas la meilleure option pour la vie éternelle.

Bibliographie

Herr M, Sirven N, Ankri J, Pichetti S, Sermet C
Fragilité et consommation de médicaments en population âgée
BEH 16-17, 11 juillet 2017, p 311-317

OCDE
Panorama de la santé 2017
Les indicateurs de l'OCDE, nov 2017

Wikipedia
Liste des pays par espérance de vie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_esp%C3%A9rance_de_vie

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La phrase biomédicale aléatoire

Etonnons-nous de la ferveur avec laquelle le corps médical lui-même accueille les remèdes charlatanesques de l'industrie. C'est une aberration professionnelle qui par sa complaisance et sa complicité contribue à l'exploitation de la crédulité publique, alors que le médecin devrait servir de garde-fou et de critique. Les fortunes des marchands de produits charlatanesques s'édifient rapidement sur des fondements qu'il est difficile d'ébranler. La publicité pharmaceutique étant celle qui paie le mieux, elle est recherchée non seulement par notre presse professionnelle, mais par toutes les presses et plus spécialement par la presse politique. Autrement dit, l'industrie des produits charlatanesques est maîtresse de l'opinion. Elle a les protecteurs les plus puissants, ceux qui agissent sur le Parlement, sur le gouvernement, sur la bureaucratie. Retourner contre elle l'opinion est une oeuvre de salut public.
― Edouard Rist en 1924 dans "Charlatanisme et tuberculose"

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