humeur du 18/03/2019
Les sciences de la santé étant les plus faciles à corrompre, voici dix points devant susciter la méfiance, lors de la lecture d’un article parlant d’un médicament dans la presse générale.
1/ S’il est dit que la maladie concernée est sous-diagnostiquée ou diagnostiquée trop tardivement, l’article est probablement lié à des conflits d’intérêts ou sous influence directe de l’industriel. Manipuler l’opinion par la nécessité d’un diagnostic précoce est très efficace, car conforme à l’intuition populaire.
2/ S’il est question de « fléau du siècle », il faut vérifier si le fléau correspond à la maladie citée. Dire que le cancer est un fléau n’a pas de pertinence pour parler de certains cancers (prostate, col de l’utérus, mélanome) dont chacun a un faible poids dans la mortalité. En outre, la grande fréquence d’une maladie ne signifie pas que l’article qui en parle soit pertinent. Cela devrait plutôt indiquer l’échec de ceux qui en ont la charge.
3/ Lorsqu’il s’agit d’une étude en cours, on peut cesser la lecture dans l’attente de résultats concrets. Car les échecs des études médicamenteuses sont généralement passés sous silence, contrairement aux échecs de la fusée Ariane qui sont tous mentionnés.
4/ Lorsque l’article surexploite le mythe du progrès. Vanter des succès historiques n’est pas suffisant pour anticiper un succès futur. Particulièrement dans le domaine de la santé.
5/ Lorsque l’article se résume à un ou plusieurs témoignages de cas individuels, cela ne suffit pas à établir une vérité médicale. Que ce soit l’exploitation d’un seul incident pour dénigrer un vaccin, ou la satisfaction d’un seul patient pour clamer l’efficacité d’un médicament.
6/ Lorsque la « charité » domine. La compassion et l’altruisme sont communs à tous les primates. Il est raisonnable de penser que les médecins ne font pas exception. Celui qui clame trop ostensiblement sa compassion est suspect. Très souvent la flamboyance de l’altruisme est proportionnelle au coût des thérapeutiques qui le sous-tendent.
7/ L’argument de l’action. En écho au fléau et à la compassion, le fameux « nous devons absolument faire quelque-chose » est une démagogie qui élimine, a priori et sans preuve, la possible supériorité de l’abstention.
8/ Lorsque l’article comporte des attaques ad hominem, comme accuser les adversaires du médicament d’être des intégristes ou des ayatollahs. On peut être intègre sans être intégriste.
9/ Lorsque la démonstration moléculaire est théoriquement trop parfaite. Le réductionnisme ne fonctionne pas pour les pathologies multifactorielles. Il faut attendre les résultats sur la quantité-qualité de vie. Production de recherche et production de santé ne sont pas synonymes.
10/ Enfin il faut déchirer tout article vantant une pharmacologie préventive dans les domaines où il est évident que seule la prévention hygiéno-diététique est efficace. Ce sont hélas les plus nombreux.
Perino L
Décrypter un article médical dans un journal non médical
Médecine, vol 8, N° 7, septembre 2012, p:323-327
DOI : 10.1684/med.2012.0866
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Plus le niveau sanitaire d’un pays est élevé, plus la notion de maladie est omniprésente. Plus les soins sont performants, plus la subjectivité de souffrance est grande. Plus les sciences biomédicales progressent, plus la subjectivité de bonne santé se dégrade. Creusement régulier de l’écart entre la science médicale et son vécu par le patient.
― Luc Perino