humeur du 19/05/2020
La question de l’enseignement des médecines alternatives à l’université est un serpent de mer. Ce débat impose de dissocier les deux grands domaines de la médecine : diagnostic et soin.
Le diagnostic est basé depuis longtemps sur de solides preuves, grâce à la riche sémiologie issue de la méthode anatomoclinique et aux apports de l’imagerie et des analyses biologiques.
Inversement le soin a toujours été empirique, donc très difficile à formaliser pour un enseignement universitaire.
Dans les années 1960, l’EBM (evidence based medicine) a introduit les statistiques dans l’évaluation des soins, permettant de comparer entre abstention ou placebo et action thérapeutique. Le soin ainsi formalisé devenait plus académique.
L’anglais « medicine » signifie médecine ou médicament. L’EBM a concerné exclusivement les médicaments, car eux seuls pouvaient être comparés à des placebos.
Ainsi, les soins non pharmacologiques ou sans preuve statistique ont été négligés par les facultés. Non seulement l’acupuncture ou l’homéopathie, mais aussi étonnamment, la chirurgie, les psychothérapies, les thérapies comportementales, le sport, la nutrition, la kinésithérapie, etc.
Les progrès de la biologie moléculaire ont majoré cette domination, puisque l’action enzymatique ou synaptique des médicaments pouvait apporter un support théorique séduisant, avant tout essai clinique.
Hélas, les cliniciens de terrain ont assez vite constaté la non-concordance entre l’expérience clinique (ancien empirisme), la preuve statistique et la démonstration théorique. Le « feeling » ou l’abstention pouvaient avoir autant de réussite qu’un protocole chirurgical. La preuve statistique était sans intérêt devant l’individu. La validité théorique ne garantissait pas le succès clinique. Bref, le diagnostic était une science, mais le soin restait une pratique.
Il en est encore ainsi aujourd’hui, tant pour les troubles fonctionnels et les douleurs existentielles que pour la chirurgie cardio-vasculaire ou la cancérologie. Les biais affectifs, statistiques, cognitifs, mercatiques et culturels sont innombrables.
Les diagnostics de certitude peuvent conduire à des soins d’une certaine rigueur scientifique. Mais pour les diagnostics flous ou en attente, pour les symptômes, pour la prévention, les corrections métaboliques, les dépistages, chaque médiateur de soin possède sa pertinence individuelle. Le cadre supérieur fait confiance à l’oncologue, le plombier au cardiologue, le professeur à l’homéopathe, l’ingénieur au pharmacologue, le sportif à l’ostéopathe, l’internaute au gourou, l’avocat au psychanalyste, le comptable au confesseur, le notaire au ministère, le préfet au généticien, le ministre au magnétiseur etc. La vérité du soin se trouve au sein de ces couples improbables.
Les facultés peuvent enseigner les diagnostics, mais pour les soins, académiques ou alternatifs, elles sont bien loin de la qualité qu'exige la rigueur universitaire.
Alvarez-Nemegyei J, Bautista-Botello A, Dávila-Velázquez J
Association of complementary or alternative medicine use with quality of live, functional status or cumulated damage in chronic rheumatic diseases
Clin Rheumatol. 2009 May;28(5):547-51
DOI : 10.1007/s10067-008-1082-y
Barnett K, Mercer SW, Norbury M, Watt G, Wyke S, Guthrie B
Epidemiology of multimorbidity and implications for health care, research, and medical education: a cross-sectional study
Lancet Volume 380, No. 9836, p37–43, 7 July 2012
DOI : 10.1016/S0140-6736(12)60240-2
Chan AW, Altman DG
Epidemiology and reporting of randomised trials published in PubMed journals
Lancet. 2005 Mar 26-Apr 1;365(9465):1159-62
de Barra M, Eriksson K, Strimling P
How feedback biases give ineffective medical treatments a good reputation
J Med Internet Res. 2014 Aug 21;16(8):e193
DOI : 10.2196/jmir.3214
Dickersin K, Min Y, Meinert CL
Factors influencing publication of research results: follow-up of application submitted to two institutional reviews boards
JAMA 1992;267:374-378
Downing NS, Aminawung JA, Shah ND, Krumholz HM, Ross JS
Clinical Trial Evidence Supporting FDA Approval of Novel Therapeutic Agents, 2005- 2012
JAMA. 2014 Jan 22-29;311(4):368-77
DOI : 10.1001/jama.2013.282034
Easterbrook PJ, Berlin JA, Gopalan R, Matthews DR
Publication bias in clinical research
Lancet 1991;337:867-872
Ioannidis JPA
Why Most Clinical Research Is Not Useful
PLoS Med. 2016 Jun 21;13(6):e1002049
DOI : 10.1371/journal.pmed.1002049
Ioannidis JPA
Evidence-based medicine has been hijacked: a report to David Sackett
J Clin Epidemiol. 2016 May;73:82-6
DOI : 10.1016/j.jclinepi.2016.02.012
Markus PM, Martell J, Leister I, Horstmann O, Brinker J, Becker H
Predicting postoperative morbidity by clinical assessment
Br J Surg. 2005 Jan;92(1):101-6
Mcgauran N, Wieseler B, Kreis J, Schüler YB, Kölsch H, Kaiser T
Reporting bias in medical research - a narrative review
Trials. 2010 Apr 13;11:37
DOI : 10.1186/1745-6215-11-37
Oreskes Naomi et Conway Erik M
Les marchands de doute
Le Pommier, 2012
Perino L
Evidence based medicine : critique raisonnée d'un monopole - Deuxième partie
Médecine, Volume 9, N° 10, 459-62, décembre 2013
DOI : 10.1684/med.2013.1040
Perino L
Evidence Based Medicine : critique raisonnée d'un monopole Première partie : aux sources de l'EBM
Médecine. Volume 9, Numéro 9, 416-9, Novembre 2013
DOI : 10.1684/med.2013.1028
Smaldino PE, Mcelreath R
The natural selection of bad science
RSOS, 1 September 2016
DOI : 10.1098/rsos.160384
Site médical sans publicité
et sans conflit d'intérêts.
Devinettes et numéros discrets - Première devinette. Quelle est la maladie dont on parle tous les jours sur tous les médias, [...]
Le médecin expert de demain - On ne cesse de s’interroger sur l’évolution et l’avenir de la médecine. Vulgarisation [...]
Rendons à César - Après les polémiques soulevées par McKeown qui contestait le rôle de la médecine dans [...]
La médecine n’a pas de projet social - Que les soignants submergés par leur altruisme, les médecins obsédés par la norme [...]
Cibler le syndrome de sevrage - Fut un temps où le marché consistait à fournir aux clients ce dont ils avaient besoin pour [...]
La vie est courte, l'art est long, l'occasion fugitive, l'expérience trompeuse, le jugement difficile. Il faut non seulement faire ce qui convient, mais faire encore que le malade, les assistants et les choses y concourrent.
― Hippocrate