humeur du 12/07/2020
Un recensement annuel du nombre de personnes porteuses de cancers entre 1970 et 2020, n’a aucune signification de santé publique. La progression fulgurante des cas ne tient pas à l’évolution de la maladie, mais aux progrès de la détection. Depuis les grosses tumeurs cliniquement révélées au médecin jusqu’aux biopsies guidées par imagerie, le diagnostic en cancérologie illustre parfaitement les progrès technologiques de la biomédecine.
Inversement, si l’on considère la mortalité, le taux a légèrement diminué chez la femme, et un peu plus chez l’homme essentiellement par baisse du tabagisme. Ainsi, en cancérologie, sans crime de lèse-majesté, cette trop faible diminution de la mortalité ne permet pas de conclure à un véritable progrès des soins médicaux.
La polémique est ancienne et peut se résumer ainsi : il ne faut pas confondre les épidémies de diagnostic et les épidémies de maladie.
En cancérologie, comme en infectiologie, la biographie des patients est plus souvent modifiée par l’annonce biomédicale que par la réalité morbide.
Cet aspect ubuesque de nos progrès est connu des épistémologistes et de quelques médecins attentifs, il est parfois suspecté par le public, mais il reste ignoré des grands médias.
Cette ignorance est devenue perverse avec l’épidémie de covid-19 où l’on continue à évoquer, sans précaution ni discernement, les cas et les morts. Devant une telle maladie à faible létalité (morts par rapport au nombre de cas), seul le chiffre de la mortalité (morts par rapport à toute la population) donne une indication exacte de la gravité de l’épidémie.
Maintenant que de nombreux tests (d’ailleurs plus ou moins fiables) font logiquement exploser les cas, il est machiavélique de continuer à parler de leur nombre. On s’alarme de la progression de la maladie aux USA au Brésil ou en Inde, en omettant de dire que la mortalité par million d’habitant y reste très inférieure à celle de la majorité des pays d’Europe.
Si on laisse les médias continuer à faire de l’épidémiologie de façon aussi sordide et vulgaire, de nouveaux risques vont apparaître. Cet écart grandissant entre la réalité sanitaire, le catastrophisme médiatique et son corollaire démagogique, sera de plus en plus perçu par les populations qui risquent alors de basculer vers insouciance prématurée, incrédulité définitive ou franche révolte. Avec des problèmes socio-sanitaires de plus grande ampleur.
La seule vérité épidémiologique scientifiquement recevable en infectiologie comme en cancérologie est la mortalité.
Toutes cette hérésie épidémiologique, m’a conduit pour la première fois à faire cas d’un propos de Donald Trump. Ce dirigeant fantasque, dont l’ensemble cognitif n’avait encore jamais eu d’intersection avec le mien, a simplement dit : « Cessons de faire des tests et l’épidémie disparaîtra ».
J’ai alors pensé qu’il pouvait, à sa façon, jouer le rôle de « l’idiot utile ».
Arnold M et al
Progress in cancer survival, mortality, and incidence in seven high-income countries 1995-2014 (ICBP SURVMARK-2): a population-based study
Lancet Oncol. 2019 Sep 11. pii: S1470-2045(19)30456-5
DOI : 10.1016/S1470-2045(19)30456-5
Ferlay J, Autier P, Boniol M, Heanue M, Colombet M, Boyle P
Estimates of the cancer incidence and mortality in Europe in 2006
Ann Oncol. 2007 Mar;18(3):581-92
Fitzmaurice C et al, Global Burden of Disease Cancer Collaboration
Global, Regional, and National Cancer Incidence, Mortality, Years of Life Lost, Years Lived With Disability, and Disability-Adjusted Life-Years for 29 Cancer Groups, 1990 to 2016
JAMA Oncol. 2018 Nov 1;4(11):1553-1568
DOI : 10.1001/jamaoncol.2018.2706
OMS
WHO Coronavirus Disease (COVID-19) Dashboard
https://covid19.who.int/
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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