humeur du 24/03/2021
Que les soignants submergés par leur altruisme, les médecins obsédés par la norme biologique et les chirurgiens maniaques de la survie ne soient pas choqués si je prétends que la médecine n’a plus de projet social ; cette assertion n’enlève rien à leur humanité et à leurs compétences.
Dès ses origines, la médecine s’est structurée sur des demandes individuelles et des réponses à l’urgence. Sa temporalité s’est allongée avec l’idée de santé publique et l’hygiénisme du XIX°. La santé des travailleurs, la protection maternelle et infantile et les vaccinations sont devenues les sujets régaliens de la prévention. Cette vision a plus long terme a également gagné l’urbanisme, l’architecture et l’économie ; on appelait cela le progrès social.
Aujourd’hui, le court-termisme est devenu la norme, tant dans le monde politique que dans celui des affaires, mais on était en droit d’attendre que la médecine y échappe, avec l’idée d’une survie plus égalitaire des individus et plus harmonieuse des populations de notre espèce. Il n’en est rien, hélas.
L’allocation d’énormes ressources de temps et d’argent à des réanimations et chimiothérapies qui ne produisent que des gains infimes de quantité et qualité de vie grèvent d’autant les ressources que l’on peut allouer à des personnes plus jeunes, à des soins plus productifs, à la prévention et à l’éducation sanitaire. La médecine n’a pas été épargnée par le grand courant des années 1970 qui a conduit à la domination du marché sur la politique ; l’allocation des ressources est décidée quasi exclusivement sur le retour financier espéré. Le paludisme et la tuberculose intéressent moins que la maladie d’Alzheimer ou la greffe cardiaque.
Dans d’autres registres on fait du dépistage anténatal pour éviter les malformations mais on réanime les prématurés jusqu’à des limites où le risque de handicap devient extrême. La médecine répond aux demandes de couples stériles jusqu’à 45 ans, et se soumet aux demandes d’IVG à 25 ans pour convenance. Elle prescrit la pilule à des nullipares jusqu’à 40 ans et leur propose la PMA pour la stérilité quasi-physiologique qui suit cette contraception. Les progrès de l’obstétrique, césariennes, déclenchements et anesthésies ont outrepassé les besoins jusqu’à oublier que l’accouchement concerne aussi les générations futures.
La médecine prescrit des psychotropes sans s’étonner de l’inflation des diagnostics psychiatriques, des antalgiques sans se préoccuper de l’addiction. La chirurgie plastique et la dermatologie négligent la disgrâce pour d’illusoires cosmétiques au risque de chambouler la sociologie de la séduction.
On me rétorquera que l’eugénisme était un projet social et que la thérapie génique en est un autre. C’est vrai. Alors contentons-nous d’admirer les progrès passés de la médecine et acceptons que cette activité humaine ne puisse, à son tour, échapper à la domination du marché et du court-termisme.
Site médical sans publicité
et sans conflit d'intérêts.
Hépatoscopie pronostique - Dans la médecine mésopotamienne, l’hépatoscopie n’avait rien d’un examen [...]
Agneaux de l’agnotologie - Le danger des additifs au plomb dans l’essence a été découvert dans les [...]
DSM américain contre psychiatrie française - A chaque sortie d’une nouvelle version du DSM [1], de nombreux psychiatres et [...]
Douteux avenir sanitaire des bracelets connectés - Comme la plupart des badauds, j’ai regardé au moins une fois les applications proposées par [...]
Economie d'hier et santé d'aujourd'hui - « Pendant sa grossesse, la future mère ne doit pas se livrer à un travail pénible, ne [...]
En ce qui concerne son langage, l'honnête homme ne laisse rien au hasard.
― Confucius
Érythème toxique du nouveau-né - 30% à 70% des nouveau-nés présentent une dermatose bénigne qui s’estompe progressivement [...]
Ethologie et psychiatrie selon Albert Demaret - Maladies mentales: la part de l'animal (Article intégral de Philippe Lambert à l'occasion de la [...]
Origine géographique de l'antibiorésistance - La « phylogéographie» peut être définie comme une branche de la [...]
Symbiose bactéries, poux et primates - Abstract Les insectes ayant un régime alimentaire restreint dépendent des bactéries [...]
Cancer et inflammation, quelle est la force du lien - L’inflammation est connue depuis longtemps comme réaction de protection localisée des tissus à [...]