lucperino.com

L'âge n'est pas un facteur de risque

humeur du 10/08/2020

Comme leur nom l’indique, les « facteurs de risque » sont les facteurs qui augmentent la probabilité de survenue d’un évènement. Par exemple l’alcool, le brouillard et les pneus lisses sont des facteurs de risque d’accident de la route. Evidemment, pour chaque évènement, les facteurs de risque sont multiples et n’ont pas le même poids.
En médecine, le risque de survenue d’une maladie augmente avec la présence de chacun de ces facteurs, mais il faut du temps pour qu’ils agissent. Le risque ne peut se révéler qu’avec les années.
Les gènes BrCa augmentent le risque du cancer du sein, mais le cancer éventuel n’apparaîtra qu’après 40 ou 50 ans, bien que les gènes soient présents dès la naissance. Le tabac augmente fortement la probabilité de tous les cancers, mais il faut des années de tabagisme avant que n’apparaisse un éventuel premier cancer. Le sucre, l’obésité, l’arythmie, le cholestérol, les anévrysmes, l’hypertension, la sédentarité et le stress sont des facteurs de risque d’évènement cardio-vasculaire (infarctus, hémorragie, AVC, phlébite, etc.), mais il faut longtemps pour que chacun de ces facteurs, le plus souvent associé à d’autres, soit la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ce sont les années qui confèrent une réalité aux facteur de risque : le temps est le cofacteur de tous les risques.

Bénigne ou grave, chaque maladie est toujours plurifactorielle. Même une maladie infectieuse caricaturale nécessite d’autres facteurs que le microorganisme. Un virus peut passer inaperçu chez un enfant et donner une maladie mortelle chez une personne âgée ou immunodéficiente. Le déficit immunitaire pouvant lui-même résulter de bien d’autres facteurs de risque non liés à l’âge.

Dire qu’il n’existerait aucun facteur de risque sans l’écoulement du temps apparaît comme une tautologie. Mais considérer le temps comme un facteur de risque apparaît comme une stupidité. C’est pourtant dans cette stupidité que baignent négligemment nombre de médecins, épidémiologistes ou commentateurs qui affirment que l’âge est un facteur de risque pour telle ou telle maladie. Non, l’âge n’est le facteur de risque d’aucune maladie, il est le révélateur des facteurs de risque, il est la condition nécessaire à leur propre existence.

Cette négligence épistémologique est encore aggravée par la confusion fréquente entre facteur de risque et maladie. Les diverses hypertensions, mutations génétiques, bactériuries, ou hyperlipidémies non perçues par les patients ne sont pas des maladies, mais de banals facteurs de risque. Les maladies dont ils augmentent les risques n’arriveront peut-être jamais ou bien surgiront par l’apparition d’un énième facteur de risque ignoré jusqu’alors.

De tels simplismes profitent très certainement aux aspects marchands de l’exercice médical au détriment de ses aspects cliniques et scientifiques.  

Non, l’âge et le temps ne peuvent logiquement pas être des facteurs de risque par eux-mêmes ; ils sont simplement la condition de leur définition et de leur existence.

RARE

Site médical sans publicité
et sans conflit d'intérêts.

 

Vous aimerez aussi ces humeurs...

Nous y revoilà - Google est un outil extraordinaire qui me permet d'accéder à presque tous les livres de notre [...]

Je suis un virus - Il est difficile de se mettre dans la tête des virus : ils sont les plus éloignés de nous [...]

Un comprimé contre cent kilos de sucre - La consommation annuelle de sucre en Europe en 1830 était de 5 kilos par an et par [...]

Vaccins en général et en particulier - La communication sur les vaccins se fait souvent sans nuance, tant par les ministères qui les [...]

À la recherche des contrées spermatiques - Parfois les chiffres s’expriment d’eux-mêmes sans qu’il soit nécessaire de les faire [...]

Vous aimerez aussi...

Épigénétique du syndrome de stress post-traumatique - Nous savons que l’environnement influence la méthylation de l’ADN. C’est la base de [...]

Diabète de type 1, immunologie et évolution - Essais de vaccination/prévention dans le diabète de type 1    Il est désormais bien établi [...]

Le comportement social modifie l'évolution du cancer chez les mouches - Il semble que les mouches cancéreuses se regroupent pour mieux lutter contre la maladie qui les [...]

Microbiote et risque cardiovasculaire : rôle du TMAO - Le microbiote n’a pas fini de faire parler de lui. Déjà impliqué dans des maladies aussi [...]

Longévité et cancer chez les mammifères - L'origine biologique de l'espérance de vie reste une question scientifique fondamentale et sans [...]

La phrase biomédicale aléatoire

La psychiatrie entre dans le domaine médical en transformant des entités morales dont la personne est responsable en entité médicales dont la personne est atteinte.
― Alain Ehrenberg

Haut de page