humeur du 11/01/2021

Il est difficile de se mettre dans la tête des virus : ils sont les plus éloignés de nous dans la généalogie du vivant et n’ont pas de tête. Néanmoins, ils répondent comme nous à la première loi de l’évolution : se reproduire et diffuser. Sur ces deux points, nous sommes experts parmi les vertébrés, ils le sont parmi les microorganismes. Notre supériorité est l’autonomie reproductrice, alors qu’eux dépendent d’un hôte pour se reproduire. L’évolution a compensé ce handicap majeur des virus par de multiples avantages patiemment sélectionnés, comme s’ils avaient finalement une « petite tête » dans laquelle je vais tenter de m’immiscer.
Je suis un virus. Mon hôte est tout pour moi : transport, nid, garde-manger, diffusion de ma progéniture. Je dois le chérir, le respecter, voire l’assister ou le protéger de mes méchants concurrents. Ma réussite est totale lorsque mon hôte arrive à ignorer ma présence. Je dois bien choisir l’espèce à coloniser, certaines m’éliminent vite, d’autres comptent trop peu d’individus – les ours blancs risquent d’être une impasse pour ma progéniture. La virulence est la pire des stratégies, car la mort de l’hôte signe la mienne. Je peux me permettre d’être virulent avec les bactéries, car elles se reproduisent souvent avant que je les tue. L’idéal est de coloniser plusieurs espèces, mais c’est ardu. Je sais utiliser les comportements de mon hôte au profit de ma diffusion. Les copulations des mammifères sont un excellent passeport d’un individu à l’autre. Le sang peut être utilisé chez les animaux qui se mordent, ou la peau chez ceux qui s’entassent dans la même niche.
Homo sapiens est le diffuseur idéal : des milliards d’individus qui se frottent à toutes les espèces et se mélangent de mille façons. Chez lui, je dois éviter les symptômes trop visibles qui le conduisent à se réfugier au fond d’un lit, gênant ainsi ma diffusion. Il a aussi ajouté des armes techniques à son armada immunitaire. Je dois alors savoir profiter des symptômes que j’ai parfois provoqué, malgré moi. La toux a longtemps été ma meilleure alliée pour passer d’un homme à l’autre. Mais maintenant qu’ils sont très nombreux et ne cessent de bouger, leur peau et leur respiration suffisent à garantir mon avenir sur toute la planète. Hélas, la discrétion devient difficile, car ils sont de plus en plus vigilants. J’ai beau sélectionner les moins virulents de ma progéniture, épargner leurs embryons et leurs enfants, les hommes cherchent maintenant à me détecter même quand ils n’ont pas de symptômes. Ils ont désormais des comportements imprévisibles, comme cesser de bouger, de se réunir, de se toucher ou de parler, jusqu’à bouleverser dangereusement leur écologie comportementale.
J’ai déjà commencé à sélectionner mes descendants les plus contagieux et ceux qui peuvent échapper à leurs tests. Mais la route sera longue, car les hommes vont jusqu’à accuser injustement ceux d’entre mes frères qui se sont malheureusement fourvoyés chez un mourant ou un hôte sans avenir.
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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L’éthique est le nouveau mot d’ordre en temps de crise. C’est la promesse moderne faite pour corriger, amoindrir, adoucir la dureté et la violence du monde que nous mettons en place. Elle est une solution pour humaniser le champ des pratiques sociales à grands renforts de processus, de normes et de règles. Quand l’homme n’est plus capable de vivre la bienvenue fondamentale qui bouleverse l’existence, il se rabat sur les substituts normatifs (moraux, juridiques, réglementaires) qui ont le goût et l’odeur de la bienvenue, mais n’en ont pas la texture.
― Marc Grassin et Frédéric Pochard