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Différences sexuelles pour le choix du partenaire

dernière mise à jour le 06/02/2025

Résumé

Les préférences contemporaines en matière de partenaires peuvent fournir des indices importants sur l’histoire reproductive humaine. On sait peu de choses sur les caractéristiques que les gens apprécient chez leurs partenaires potentiels. Les sciences de l’évolution ont établi cinq prédictions sur ces préférences selon les sexes. Elles sont basées sur les concepts évolutionnistes de l’investissement parental, de la sélection sexuelle, de la capacité reproductive humaine et des asymétries sexuelles concernant la certitude de la paternité par rapport à la maternité.

Pour évaluer la justesse de ces prédictions, l’étude a testé comment chaque sexe a évalué les traits avantageux de son partenaire. Ces traits sont les suivants : ambition/assiduité/persévérance/entreprise, jeunesse, l’attrait physique et chasteté. Ces prédictions ont été testées sur des données provenant de 37 échantillons tirés de 33 pays situés sur six continents et cinq îles, soit plus de 10 000 personnes. Pour 27 pays, les données démographiques sur l’âge réel au mariage ont permis de vérifier la validité des données du questionnaire. On a constaté que les femmes accordaient plus d’importance que les hommes aux signaux d’acquisition de ressources. Les caractéristiques signalant la capacité de reproduction étaient plus valorisées par les hommes que par les femmes. Ces différences entre les sexes peuvent refléter des pressions de sélection évolutionnistes différentes exercées sur les hommes et les femmes ; elles fournissent de solides preuves interculturelles des différences actuelles entre les sexes dans les stratégies de reproduction.

 

Les préférences de partenaire prennent de l'importance dans au moins trois contextes scientifiques. Premièrement, elles peuvent affecter la direction actuelle de la sélection sexuelle en influençant les individus exclus ou inclus de l'accouplement. Les caractéristiques avantageuses et héritables seront généralement plus représentées dans les générations suivantes et inversement. Deuxièmement, les préférences actuelles de partenaire peuvent refléter des pressions de sélection antérieures, fournissant ainsi des indices importants sur l'histoire reproductive d'une espèce. Troisièmement, les préférences de partenaire peuvent exercer des pressions sélectives sur d'autres composants du système d'accouplement. Dans le contexte de la compétition intrasexuelle, par exemple, les tactiques utilisées pour attirer et retenir les partenaires doivent être fortement influencées par les préférences des partenaires du sexe opposé.

En raison des conséquences reproductives considérables de l'accouplement préférentiel, il est raisonnable de supposer que les préférences de partenaire s'écarteront du hasard et évolueront par sélection sexuelle. Cette hypothèse, avancée pour la première fois par Darwin, a été documentée empiriquement pour une variété d'espèces non humaines.

Malgré l'importance des préférences de partenaire, on ne sait pas précisément quelles caractéristiques sont susceptibles d'influencer ces préférences chez les hommes et les femmes. Les études interculturelles deviennent alors cruciales pour tester les hypothèses évolutionnistes.

 

Théorie de l'investissement parental

Trivers a postulé que la sélection sexuelle est en partie déterminée par les différents niveaux d'investissement des mâles et des femelles dans leur progéniture. Chez les humains et les autres mammifères, l'investissement parental mâle est moins élevé que l'investissement parental femelle. La fécondation des mammifères se produit en interne chez les femelles, tout comme la gestation. Une copulation qui nécessite un investissement masculin minimal conduit à un investissement de 9 mois chez la femelle, en temps, énergie, ressources et exclusions d'autres partenaires. Bien plus de 9 mois, même, car l'investissement ne commence pas avec la fécondation et ne se termine pas avec la parturition.

Trivers décrit plusieurs formes d'investissement masculin. Les mâles peuvent fournir de la nourriture à leurs partenaires, trouver ou défendre des territoires, défendre la femelle contre les agresseurs et nourrir et protéger les petits. Les mâles humains offrent en outre des opportunités d'apprentissage, ils peuvent transférer un statut, un pouvoir ou des ressources, et ils peuvent aider leur progéniture à former des alliances réciproques. Ces formes d'investissement masculin, lorsqu'elles sont fournies, tendent à réduire les disparités d'investissement entre les mâles et les femelles.

La ​​théorie de Trivers propose que le sexe qui investit le plus dans la progéniture (généralement la femelle) sera sélectionné pour avoir de plus fortes préférences concernant les partenaires d'accouplement. Car un accouplement sans discrimination aboutit toujours au même coût très élevés pour la femelle, alors qu’un accouplement résultant d’un choix optimise ce coût. Les coûts d'un accouplement moins discriminant seront plus faibles pour le sexe qui investit le moins et les avantages seront plus importants. Chez les espèces où l'investissement des mâles et des femelles dans leur progéniture est équivalent, on peut prédire qu'ils fassent preuve d'une égale discrimination dans le choix de leurs partenaires d'accouplement.

Quelles caractéristiques de l'accouplement peuvent être prédites par ces bases théoriques dans les préférences de sélection des femelles ? Chez les espèces où l'investissement des mâles est important, comme Homo sapiens, les femelles devraient chercher à s'accoupler avec des mâles qui ont la capacité et la volonté de fournir des ressources telles que la nourriture, l'abri, le territoire et la protection.

La prédiction de Trivers ne devrait s'appliquer que dans les contextes où les ressources peuvent être accumulées, monopolisées et défendues, où les mâles ont tendance à contrôler ces ressources et où la variance des mâles dans l'acquisition des ressources est suffisamment élevée. L'hypothèse selon laquelle les femelles s'accoupleront de préférence avec des mâles qui ont de meilleurs dons, qui détiennent de meilleurs territoires ou qui affichent un rang plus élevé a été confirmée empiriquement chez de nombreuses espèces non humaines.

Ces ressources peuvent fournir (a) un avantage matériel immédiat à la femelle et à sa progéniture, (b) un avantage reproductif accru pour la progéniture grâce à des bénéfices sociaux et économiques acquis, et (c) un avantage reproductif génétique pour la femelle et sa progéniture si la variation des qualités qui conduisent à l'acquisition des ressources est en partie héréditaire.

Chez les humains, les ressources se traduisent généralement par une capacité de gain. Cela suggère que les femmes valoriseront les partenaires ayant ces capacités, telles que l'ambition, l’assiduité/persévérance et l’esprit d’entreprise.

 

Prédictions basées sur la fertilité et la valeur reproductive

Pour les hommes plus que pour les femmes, la reproduction est limitée par l'accès à des partenaires fertiles ou ayant une valeur reproductive. La valeur reproductive actuarielle est définie en unités de reproduction future attendue, soit la mesure dans laquelle les personnes d'un âge et d'un sexe donnés contribueront à une descendance. La fécondité est définie comme la probabilité de reproduction actuelle. Chez les femmes, la valeur reproductive atteint généralement un pic avant la vingtaine et diminue logiquement de manière continue avec l'âge. La fertilité atteint généralement un pic au milieu de la vingtaine et diminue régulièrement avec l'âge. La ​​différence entre fécondité et valeur reproductive peut être illustrée en comparant deux femmes, âgées de 13 et 23 ans. La plus jeune femme a une valeur reproductive plus élevée que la plus âgée car, actuariellement, sa reproduction future est plus élevée. En revanche, la femme de 23 ans est plus fertile que celle de 13 ans car sa probabilité actuelle de reproduction est plus élevée. La fertilité et la valeur reproductive diffèrent selon les cultures et sont affectées par des facteurs tels que les normes culturelles, les pratiques contraceptives et les différences de mortalité selon l'âge. Dans toutes les cultures, cependant, la fertilité et la valeur reproductive des femmes dépendent fortement de l'âge. Ainsi, l'âge fournit un puissant indice sur la capacité reproductive des femmes, un indice qui peut être déduit par des attributs physiques et comportementaux ou par l'utilisation d’actes civils ou de systèmes de comptage. La préférence des mâles pour des attributs associés à la valeur reproductive ou à la fertilité, dépend de l’histoire évolutionniste de leur tendance à rechercher des partenaires d'accouplement à long ou à court terme. Plus précisément, si les mâles de notre passé évolutif ont eu tendance à rechercher des partenaires d'accouplement à court terme, la sélection aurait dû favoriser les préférences des mâles pour les femmes d'une bonne vingtaine d'années qui présentent des indices positivement corrélés à la fertilité. Si les mâles de notre passé évolutif ont eu tendance à rechercher des partenaires d’accouplement à long terme, la sélection aurait dû privilégier les femelles plus jeunes ayant une haute valeur reproductive.

Les théoriciens de l’évolution discutent de la part de ces deux hypothèses. Symons soutient que les mâles ont été sélectionnés pour trouver les femelles à haute valeur reproductive. Williams, au contraire, prédit une compromis entre la valeur reproductive et la fertilité en raison de l’existence à la fois de liens d’accouplement à long terme et des possibilités de divorce et d’accouplements hors couple.

Les caractéristiques physiques et comportementales associées à la jeunesse tels que peau lisse, bon tonus musculaire, cheveux brillants, lèvres charnues, niveau d'énergie élevé et démarche enjouée, sont supposés fournir les indices les plus forts de la capacité de reproduction des femmes. L'attirance sexuelle et les normes de beauté auraient évolué pour correspondre à ces caractéristiques. Ainsi, les mâles qui ne préfèrent pas les femelles possédant ces attributs laissent, en moyenne, moins de descendants que les mâles qui préfèrent s'accoupler avec des femelles présentant ces attributs.

Le succès reproducteur des femelles, contrairement au succès reproducteur des mâles, n'est pas aussi étroitement lié à l'obtention de partenaires fertiles. La fertilité masculine, dans la mesure où elle est valorisée par les femelles, est moins fortement graduée en fonction de l'âge à partir de la puberté que la fertilité féminine et ne peut donc pas être évaluée avec autant précision à partir de l'apparence physique. L'apparence physique devrait donc être moins centrale dans le choix fait par les femmes que par celui fait par les hommes.

Ces prémisses conduisent à des prédictions spécifiques : les hommes, plus que les femmes, valoriseront la jeunesse relative et l'attrait physique chez les partenaires potentiels en raison de leurs liens avec la fertilité et la valeur reproductive. Prédire que les hommes valoriseront l'attrait physique chez les femmes en raison de son association avec la capacité reproductive ne nie cependant pas l'existence de déterminants culturels et autres des normes d'attrait.

Ford et Beach ont documenté la variabilité culturelle des normes d'attrait féminin selon les dimensions de la corpulence ronde ou mince, de la peau claire ou foncée et de l'accent mis sur des caractéristiques particulières telles que les yeux, les oreilles ou les organes génitaux. Symons a suggéré que la régularité des caractéristiques, la proximité avec la moyenne de la population et l'association avec le statut pourraient également exercer une influence importante sur les normes d'attrait. Les différences prédites entre les sexes dans les préférences des partenaires pour la jeunesse et l'attrait physique devraient cependant transcender les variations culturelles et les autres déterminants des normes de beauté.

Les signes physiques et comportementaux qui signalent la jeunesse et la santé et qui sont considérés comme attirants devraient être liés à la capacité de reproduction des femmes humaines dans toutes les cultures. Ces différences entre les sexes sont censées être typiques de l'espèce chez Homo sapiens, malgré des variations interculturelles pour les préférences d'âge absolues, la présence ou l'absence de systèmes de comptage de l'âge, ou d’autres critères culturels d’attractivité féminine indépendants de la capacité de reproduction.

 

Prédiction basée sur la probabilité de paternité

Chez les espèces ou l’investissement parental paternel est élevé, la sélection devrait favoriser les mâles qui agissent de manière à s'assurer que leur investissement est dirigé vers leur propre progéniture et non vers la progéniture d'un autre mâle. La jalousie sexuelle est un mécanisme qui a été proposé pour augmenter la probabilité de paternité. La jalousie sexuelle masculine sert vraisemblablement à protéger une partenaire et à dissuader les compétiteurs intrasexuels, réduisant ainsi la probabilité d'insémination étrangère. Daly et Wilson présentent des preuves convaincantes que de nombreux homicides et beaucoup de violence masculine proviennent de la jalousie sexuelle masculine.

Un autre mécanisme possible de probabilité de paternité est l'évaluation de la chasteté chez une partenaire potentielle. Les mâles qui préféraient les femelles chastes dans notre environnement d’adaptation évolutive, ceteris paribus, ont probablement connu un plus grand succès reproductif que les mâles indifférents à l’activité sexuelle hors couple de sa partenaire potentielle. Avant l’utilisation des dispositifs contraceptifs modernes, la chasteté d’une partenaire potentielle fournissait un indice de confiance en la paternité. En supposant une certaine stabilité temporelle des dominantes comportementales, la chasteté fournirait également un indice de fidélité future. Un mâle qui n’exprimerait pas une telle préférence risquerait de perdre le temps et l’énergie pour la séduction d’une partenaire et d’investir dans une progéniture qui ne serait pas la sienne.

L’association entre la chasteté et la probabilité de parentalité montre cependant une asymétrie sexuelle. Dans notre environnement adaptatif, la maternité n’a jamais été mise en doute. Une femme est toujours certaine que ses enfants sont les siens, quel que soit ses rapports sexuels antérieurs.

Cette asymétrie sexuelle donne lieu à une prédiction spécifique : les mâles valoriseront davantage la chasteté chez une partenaire potentielle que les femelles. Il existe des preuves limitées à quelques cultures concernant l'importance du manque d'expérience sexuelle antérieure dans les critères de choix du partenaire. Il convient de noter que cette différence prédite entre les sexes serait compromise si l'expérience sexuelle antérieure d'un mâle fournissait un signal indiquant le détournement de ressources au détriment de la femelle et de sa progéniture. Si tel était le cas, les femelles devraient également valoriser la chasteté chez un partenaire potentiel.

En résumé, trois groupes de différences entre les sexes dans les préférences de partenaire ont été prédits, sur la base d'une explication évolutionniste. La valeur d’un partenaire mâle devrait être davantage déterminée par sa capacité à produire des ressources, plus que par sa fertilité. La valeur d’une femme est d’avantage liée à son apparence physique. La chasteté devrait également être valorisée, car elle permet d'augmenter la probabilité de paternité des hommes. Les caractéristiques indiquant le potentiel d'une personne à fournir des ressources, telles que la capacité de gain, l'ambition et l'assiduité, devraient avoir plus d'importance dans les préférences des femmes en matière de partenaire. Cette étude a été conçue pour tester ces hypothèses dans 37 cultures très différentes en termes d'écologie, de localisation, de composition raciale et ethnique, d'orientation religieuse, d'inclination politique et de nature du système de reproduction.

 

Résultats

Potentiel de gain et ambition/assiduité

La différence prédite entre les sexes est confirmée dans toutes les cultures. Les femmes accordent plus d'importance aux "bonnes perspectives financières" chez un partenaire potentiel que les hommes. La seule exception était l'échantillon d'Espagne où la variable classée "bonne capacité de gain" n'a pas montré de différence significative entre les sexes. Il faudra d’autres études pour savoir si cette absence de différence significative est due aux particularités du système d'accouplement espagnol, à des caractéristiques socio-écologiques plus large ou à une fluctuation aléatoire de l'échantillon.

Pour l'évaluation de « l'ambition et du travail ». Pour les deux sexes, les échantillons nigérians, zoulous, chinois, taïwanais, estoniens, palestiniens, colombiens et vénézuéliens accordaient une valeur particulièrement élevée à cette caractéristique du partenaire. Dans aucun échantillon l'ambition et le travail n'étaient jugés faibles. Les échantillons des Pays-Bas, de Grande-Bretagne, d'Allemagne de l'Ouest et de Finlande, cependant, exprimaient moins de préférence pour cette caractéristique du partenaire que les autres échantillons. Trente-quatre des 37 échantillons (92 %) pour l'ambition et le travail allaient dans le sens prévu, les femmes exprimant une valeur plus élevée que les hommes.

Dans 29 échantillons (78 %), la différence entre les sexes était statistiquement significative (p< 0,05). Trois échantillons - Colombiens, Espagnols et Zoulou d'Afrique du Sud - montrent une différence opposée entre les sexes, significative uniquement dans l'échantillon zoulou. Selon le collaborateur qui a recueilli les données sur les Zoulous, on considère que le travail des femmes consiste à construire la maison, à aller chercher de l'eau et à effectuer d'autres tâches physiques pénibles, tandis que les hommes se déplacent souvent de leurs foyers ruraux vers les centres urbains pour travailler. Cette division locale du travail pourrait expliquer l'inversion de la différence entre les sexes chez les Zoulous. En résumé, les résultats confirment l’importance de ce signal, bien que la différence entre les sexes ne puisse pas être considérée comme universelle.

 

Différences d'âge

Dans chacun des 37 échantillons, les hommes préfèrent les partenaires plus jeunes, ce qui est cohérent avec l'hypothèse selon laquelle les hommes apprécient les partenaires ayant une capacité de reproduction plus élevée. Ces différences entre les sexes sont les plus importantes, montrant une signification statistique (p<0.0001) dans chacun des 37 échantillons.

Les préférences d'âge exprimées par les hommes pour les femmes correspondent-elles plus étroitement à la valeur reproductive maximale (milieu de l'adolescence) ou à la fertilité maximale (milieu de la vingtaine) ? En soustrayant la différence d'âge moyenne préférée entre les hommes et leurs compagnes (2,66 ans) de l'âge auquel les hommes préfèrent se marier (27,49 ans), on peut en déduire que les hommes de ces échantillons préfèrent épouser des femmes qui ont environ 24,83 ans. Cette préférence d'âge est plus proche du pic de fertilité féminine que du pic de valeur reproductive.

Bien que pas spécifiquement prévu, mais présent dans tous les pays, les femmes préfèrent des partenaires plus âgés qu'elles. En effet, les femmes semblent préférer une plus grande différence d'âge (3,42 ans de plus) que les hommes (2,66 ans de moins). En ajoutant la différence d'âge moyenne préférée par les femmes à l'âge auquel les femmes préfèrent se marier (25,39 ans), on obtient un âge de partenaire préféré de 28,81 ans. Les échantillons varient considérablement en termes de préférences en matière de différence d'âge. Le Nigéria et la Zambie sont les deux pays dans lesquels les hommes préfèrent la plus grande différence d'âge entre eux et leur partenaire, respectivement 6,45 et 7,38 ans de moins. Ce sont les deux seuls pays de cette étude qui pratiquent une polygamie substantielle. Dans les systèmes d'accouplement polygyne, les hommes sont généralement plus âgés lorsqu'ils acquièrent une femme que dans les systèmes d'accouplement monogames.

 

Différence d'âge réelle au mariage : contrôle de validité

On peut se poser deux questions cruciales sur la validité des méthodes et la réalité des préférences indiquées par cette étude : les préférences autodéclarées sont-elles des indices précis des préférences réelles ? Les préférences des partenaires se reflètent-elles dans les décisions d'accouplement réelles ? Pour commencer à répondre à ces questions, des données ont été obtenues à partir du dernier annuaire démographique (Nations Unies 1988) et du Demographic Fact Book (République de Chine 1987) sur l'âge réel au mariage. Des statistiques démographiques ont été obtenues pour 27 des 33 pays échantillonnés dans cette étude. L'âge réel au mariage n'est pas la même variable que l'âge souhaité au mariage ou l'âge souhaité du partenaire. L'âge réel au mariage est sans aucun doute déterminé par de nombreux facteurs, notamment les préférences personnelles, les préférences parentales, les préférences exercées par les membres du sexe opposé, le ratio des sexes, la disponibilité locale des partenaires et peut-être les ressources actuelles. Néanmoins, les préférences personnelles, si l’on veut qu’elles revêtent l’importance conceptuelle qui leur est attribuée dans cette étude, devraient se refléter dans une certaine mesure dans les décisions d’accouplement réelles.

L’âge réel au mariage a été estimé à partir des données de chaque pays, ventilées par âge de la mariée et âge du marié dans chacune d’une série de tranches d’âge de 5 ans (par exemple, 15-19 ; 20-24 ; 25-29 ans). L’âge moyen estimé au mariage a été obtenu en prenant le point médian de chacune de ces tranches d’âge et en le pondérant par le nombre réel de mariées ou de mariés se situant dans cette tranche. C’est une bonne approximation de l’âge réel au mariage. Plusieurs contrôles de validité peuvent être effectués en comparant ces données avec l’âge souhaité au mariage, la différence d’âge souhaitée entre soi et son conjoint, et l’âge souhaité du conjoint dérivé de ces variables. Les comparaisons entre la différence d’âge souhaitée entre soi et son conjoint et la différence d’âge réelle entre les partenaires du mariage sont peut-être les plus centrales dans cet article.

Dans les 27 pays, les différences d’âge réelles entre les hommes et les femmes au moment du mariage varient de 2,17 ans (Irlande) à 4,92 ans (Grèce), toutes montrant que les femmes sont en moyenne plus jeunes que leurs maris. La différence d’âge moyenne pondérée par unité entre les maris et les femmes dans les différents pays est de 2,99 ans. La présente étude a révélé que les hommes préfèrent que leur partenaire soit en moyenne 2,66 ans plus jeune, tandis que les femmes préfèrent que leur partenaire soit 3,42 ans plus âgé. En faisant la moyenne entre les sexes, on obtient une différence d’âge préférée moyenne de 3,04 ans, ce qui correspond étroitement à la différence d’âge réelle de 2,99 ans entre les conjoints. Ainsi, les différences d’âge préférées entre les conjoints se reflètent effectivement dans les différences d’âge réelles au moment du mariage. Une deuxième vérification de validité peut être effectuée en comparant les valeurs absolues de l'âge réel au mariage avec (a) l'âge préféré au mariage et (b) l'âge du partenaire préféré. Les hommes de cette étude indiquent un âge moyen préféré au mariage de 27,5 ans, avec un âge préféré du conjoint de 24,8 ans. Les femmes expriment une préférence pour se marier à 25,4 ans, et un conjoint préféré à 28,8 ans. L'âge préféré au mariage et l'âge préféré du partenaire correspondent étroitement en valeur absolue à l'âge moyen réel des mariés (28,2) et des mariées (25,3).

Un troisième contrôle de validité, plus subtil, peut être effectué entre les pays en corrélant l’ampleur de la différence d’âge souhaitée avec l’ampleur de la différence d’âge réelle. Cette corrélation entre les pays est de + 0,68 (p<0,001) pour les hommes et de + 0,71 (p<0,001) pour les femmes. Les échantillons préférant des différences d’âge plus importantes résident en effet dans des pays où les mariages réels montrent des différences d’âge plus importantes. Les échantillons de pays préférant des différences d’âge plus faibles habitent des pays où les mariages réels montrent des différences d’âge plus faibles. Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ces contrôles de validité. Tout d’abord, ils fournissent une validation solide de la méthode d’auto-évaluation utilisée pour obtenir les préférences d’âge et, par implication, une validation circonstancielle des autres mesures d’auto-évaluation. Deuxièmement, ils apportent la preuve que les préférences déclarées se reflètent dans les décisions d’accouplement réelles. Troisièmement, ils apportent un soutien supplémentaire à l’hypothèse évolutionniste selon laquelle les hommes préfèrent et choisissent les femmes présentant des indices de capacité reproductrice élevée.

 

Attractivité physique

Pour la variable notée « beauté », les 37 échantillons montrent des différences entre les sexes dans la direction prédite, avec 34 échantillons significatifs (p<0,05). Pour les trois pays (Inde, Pologne et Suède) où la différence n'était pas significative pour la « beauté », la différence entre les sexes était significative dans la direction prédite pour la variable classée « attirance physique ». Ainsi, l'hypothèse selon laquelle les hommes accordent plus d'importance à l'attrait physique des partenaires potentiels que les femmes est fortement appuyée par ces données interculturelles.

 

Chasteté : absence de rapports sexuels antérieurs

Pour cette variable, l’étude montre qu’elle varie énormément selon les cultures. Les échantillons de Chine, d’Inde, d’Indonésie, d’Iran, de Taïwan et d’Israël accordent une grande valeur à la chasteté chez un partenaire potentiel. À l’extrême opposé, les échantillons de Suède, de Norvège, de Finlande, des Pays-Bas, d’Allemagne de l’Ouest et de France indiquent que l’expérience sexuelle antérieure n’est pas pertinente ou sans importance chez un partenaire potentiel. Quelques sujets ont même indiqué par écrit que la chasteté n'était pas souhaitable chez un partenaire potentiel. L'échantillon irlandais se démarque des autres échantillons d'Europe occidentale en accordant une importance modérée à la chasteté. Les échantillons d'Afrique, du Japon, de Pologne et de la République soviétique d'Estonie montrent également une valorisation modérée de la chasteté. Il convient de noter que la chasteté montre une plus grande variabilité interculturelle que toute autre variable évaluée dans cette étude.

Contrairement à la forte cohérence interculturelle des différences entre les sexes constatées avec les quatre variables précédentes, seuls 23 (62 %) des échantillons montrent des différences significatives entre les sexes dans la direction prédite. Les 14 échantillons restants (38 %) ne montrent aucune différence significative entre les sexes dans l'évaluation de la chasteté. Ces résultats n'apportent qu'un soutien modéré à l'hypothèse évolutionniste de probabilité de paternité. Ils apportent également des preuves tout aussi convaincantes des influences culturelles immédiates sur le degré d'importance accordé à l'absence de rapports sexuels antérieurs chez un partenaire potentiel.

 

Conclusions

Chacune des cinq prédictions évolutionnistes a reçu un certain soutien empirique. Les femmes valorisent davantage la capacité financière des partenaires potentiels que les mâles. L'ambition et l'assiduité, les indices d'acquisition de ressources, ont également tendance à être plus valorisées par les femmes que par les hommes dans toutes les cultures. La preuve a été forte pour la prédiction de la capacité financière (36 échantillons sur 37) et modéré pour la prédiction de l'ambition et de l'assiduité (29 échantillons sur 37). Bien que ces résultats apportent un soutien puissant à l'hypothèse évolutionniste selon laquelle les femmes préfèrent les hommes ayant une grande capacité de production de ressources, les fonctions précises de cette préférence restent obscures. À titre de comparaison, la capacité du mâle de la sterne arctique à apporter de la nourriture à la femelle pendant la parade nuptiale est un bon prédicteur de sa capacité à nourrir les poussins. Le potentiel de gain fournit-il un indice similaire chez les humains ? Ou bien fournit-il un signal de statut accru, de protection et peut-être même de "bons gènes" qui seront transmis à la progéniture ? D’autres recherches sont nécessaires pour identifier ces fonctions et examiner les caractéristiques qui signalent non seulement la capacité à acquérir des ressources, mais aussi la volonté du mâle de consacrer ces ressources à une femelle et à sa progéniture. Les hommes accordent plus d'importance à l'attrait physique et à la jeunesse relative des partenaires potentiels que les femmes – cette différences se constate remarquablement dans toutes les cultures. Nos données démographiques corroborent les données de préférence, montrant que les femelles sont plus jeunes que les mâles à l'âge réel du mariage. La plus grande préférence masculine pour la jeunesse relative et l'attrait physique soutient l'hypothèse évolutionniste de la préférence masculine pour les femelles présentant des indices de capacité reproductive élevée. Ces résultats sont particulièrement remarquables dans la mesure où ils contredisent l’idée reçue suggérant que les femmes dans une majorité de cultures ont tendance à être plus exigeantes dans leurs préférences de partenaire sur de nombreuses caractéristiques. Bien que les variations culturelles existent en ce qui concerne les critères de beauté, ces variations ne semblent pas l'emporter sur les différences entre les sexes dans l'importance accordée à l'attrait physique. La préférence des hommes pour les femmes d'un peu moins de 25 ans implique que la fertilité a été une cause évolutionniste plus forte que la valeur reproductive. Le fait que cette préférence d'âge semble se situer plusieurs années au-delà du pic de fertilité suggère cependant que d'autres variables telles que la similarité, la compatibilité et peut-être la maturité pourraient également affecter ces préférences d'âge. Des données récentes suggèrent que la fertilité pourrait atteindre son pic plus tard chez les femmes que ce que l'on pensait auparavant, peut-être juste après le milieu de la vingtaine. Si ces estimations récentes se confirment, alors les préférences d'âge des hommes pourraient s'avérer étroitement calibrées avec la fertilité des femmes. Bien que ces données semblent contredire l'hypothèse de Symons selon laquelle les hommes préfèrent les femmes à haute valeur reproductive plutôt que celles à forte fertilité, une mise en garde s'impose. Ces résultats sont basés sur l'inférence selon laquelle la soustraction de la différence d'âge préférée entre soi et son partenaire de l'âge auquel on préfère se marier représente avec précision l'âge réel préféré des partenaires. Il est possible que cette inférence soit injustifiée et que lorsque les hommes atteignent réellement l'âge auquel ils décident de se marier, ils préfèrent les femmes plus jeunes. Néanmoins, le contrôle de validité de l'âge réel au mariage corrobore les résultats sur les différences d'âge préférées entre soi et son partenaire, ainsi que le résultat selon lequel les femmes ont tendance à se marier en moyenne à environ 25 ans. Des recherches futures pourraient explorer cette question de manière plus approfondie en examinant les préférences d'âge des partenaires et les âges réels dans les relations d'accouplement à court et à long terme.

Le fait que les femmes préfèrent des partenaires un peu plus âgés dans les 37 cultures n’avait pas été spécifiquement prédit. Ce résultat, associé à la corrélation positive connue entre l’âge et le revenu chez les hommes, fournit des preuves circonstancielles supplémentaires à l’hypothèse selon laquelle les femmes préfèrent les partenaires qui présentent des caractéristiques associées à une grande capacité de production de ressources. L’âge avancé des hommes pourrait également fournir un indice de longévité, de maturité, de prouesse, de confiance, de jugement ou d’expérience. D’autres recherches sont nécessaires pour découvrir les fonctions de cette préférence féminine transculturelle robuste pour les hommes plus âgés.

La cinquième prédiction évolutionniste, selon laquelle les hommes valoriseraient davantage la chasteté chez leurs partenaires potentiels que les femmes, a été confirmée dans 23 des 37 échantillons. Dans les 14 échantillons restants, aucune différence significative entre les sexes n’est apparue. Les échantillons d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Amérique du Sud et d'Europe de l'Est montrent généralement les différences prédites pour la préférence de chasteté. De nombreux échantillons indiquant aucune différence entre les sexes étaient concentrés en Europe occidentale, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Chine et en Indonésie. Ces résultats apportent un soutien modeste à l'hypothèse évolutionniste basée sur la probabilité de paternité. La grande variation dans la préférence pour la chasteté suggère que les différences culturelles, écologiques ou les différences de système d'accouplement exercent des effets puissants sur la valeur accordée à la chasteté.

La chasteté diffère de toutes les autres variables en ce qu’elle est moins directement observable. Même les tests physiques de virginité féminine ne sont pas fiables en raison des variations de la morphologie de l’hymen, de la rupture due à des causes non sexuelles et d’une altération délibérée. La sélection sexuelle devrait favoriser les mécanismes de préférence pour les signaux qui sont associés de manière fiable à des caractéristiques qui présentent un avantage en termes de valeur sélective du partenaire. Lorsque les signaux ne sont pas directement observables ou ne peuvent pas être évalués de manière fiable, comme dans le cas de la chasteté, il est difficile d’imaginer comment des mécanismes de préférence spécifiques auraient pu être façonnés par la sélection sexuelle. Ces considérations, bien sûr, n’excluent pas la sélection d’un mécanisme plus général tel que la jalousie sexuelle qui favorise une préoccupation accrue concernant les contacts sexuels des femmes avec d’autres hommes, que ce soit avant ou après le choix du partenaire. Ces spéculations mettent en évidence notre profond manque de connaissances sur les mécanismes psychologiques de base impliqués dans les décisions d’accouplement chez les humains.

En résumé, trois des cinq prédictions – celles concernant les préférences du partenaire en matière de potentiel de gain, de jeunesse relative et d’attrait physique – ont été fortement confirmées dans toutes les cultures. La prédiction concernant l’ambition et le travail assidu n’a été confirmée que dans 29 échantillons, et a montré une inversion significative chez les Zoulous. La prédiction de chasteté a reçu encore moins de soutien empirique, avec seulement 23 des 37 échantillons montrant des différences significatives entre les sexes.

 Traduction de Luc Perino

Bibliographie

Buss DM
Sex differences in human mate preferences: Evolutionary hypotheses tested in 37 cultures
Cambridge University Press 04 February 2010

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et sans conflit d'intérêts.

 

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La phrase biomédicale aléatoire

L'ardeur que l'on met à rechercher des médicaments nouveaux, à les faire connaître au monde savant avant même qu'ils aient commencé à faire leurs preuves, à multiplier hâtivement les observations qui permettent d'appuyer sur des données cliniques les vues qu'on s'efforce de faire prévaloir ; toute cette fièvre pharmacologique a inspiré aux praticiens des habitudes d'intervention turbulente qui ne sont pas toujours dans les intérêts des malades.
― Léon Lereboullet en 1886

Sexe / Genre / Appariement

• Appariement : les muscles du mâle humain. • Appariement : la pilule modifie le choix [...]

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