humeur du 24/01/2011
L’affaire du Mediator arrive à la suite d’une série déjà longue qui avait commencé avec le Stalinon en 1954 et la Thalidomide en 1957 et qui sera certainement suivie de beaucoup d’autres...
Je serais ravi que l’on découvre une véritable corruption avec de l’argent sale versé sur le compte suisse d’un directeur de cabinet ministériel fou d’amour pour une danseuse bulgare. Cela me redonnerait confiance en l’homme et aurait beaucoup plus de panache que nos mièvres abdications.
Hélas, il n’en sera rien ! On ne trouvera rien de bien nouveau à se mettre sous la dent. Le laboratoire Servier est l’archétype du capitalisme pseudo-maffieux. La plupart des médecins le savent depuis longtemps. Son arsenal mercatique était grossier, nous en avons maintes fois souri lors de nos réunions professionnelles : mini jupes des visiteuses médicales, dossiers trafiqués, médicaments inaugurant toujours une nouvelle classe pharmacologique, lobbying harcelant, kyrielle d’avocats brandissant de discrètes menaces. Peut-être avions-nous tort de ne faire qu’en sourire ?
Entre les médecins « amis » qui ne prescrivaient que du Servier et les révoltés qui n’en prescrivaient jamais, il y avait tout le marais des normatifs qui ont décidé, une fois pour toutes, que les académies et les institutions ne peuvent pas se tromper.
L’affaire Médiator révèle les plus graves défauts de nos démocraties vieillissantes. Une foi naïve en la Justice et le Libéralisme majuscules avec l’idée sous-jacente d’une main invisible pour guider nos élus et nos technocrates dans la complexité de la République. On est certain que la vérité finira toujours par éclater. Si cela peut être parfois vrai, notre passivité de repus de la démocratie retarde le moment de cet éclat. Pour Servier, il ne fallait pas seulement sourire ou ironiser, il fallait dénoncer incessamment, il fallait se révolter. Peu l’ont fait.
Ceux qui l’ont fait ne sont pas des héros, ils ont simplement fait leur travail. Les autres ne l’ont pas fait, moins par fatigue ou négligence, que par excès de confiance en la main invisible des autres.
Ils n’ont même pas connu la magnificence d’une corruption active. Les médecins se sont laissé acheter avec de ridicules gadgets ou des soirées de « formation » dinatoire. Les universitaires ont méprisé la pharmacovigilance qui leur paraît sans noblesse et sans avenir de carrière. Les fonctionnaires de l’AFSAPS ont prudemment constaté que leur hiérarchie était la copine de Servier. Les directeurs d’agence ont compté le nombre d’avocats qu’il fallait enjamber avant de se faire entendre. Les directeurs de cabinet ont accompagné leurs ministres et présidents qui décoraient monsieur Servier de l’ordre du mérite ou de la légion d’honneur. La mécanique de la confiance en une démocratie divinisée a fonctionné à merveille, le relais s’est passé de l’un à l’autre comme une patate chaude dans le silence des délégations successives de responsabilité.
Non hélas, nous n’aurons pas de corruption bien juteuse à croquer.
Les obèses meurent depuis longtemps en silence, car ils ont la stupidité de croire ceux qui leur disent qu’un comprimé peut résoudre leur problème. Ils meurent surtout, car ceux, médecins, industriels, chercheurs ou fonctionnaires qui devraient les protéger se sont depuis longtemps mis à genou devant le système qui les nourrit. La nouvelle force du capitalisme est de pouvoir asservir chacun tranquillement sans même être obligé de le corrompre. Pour laminer le sens critique, la technocratie qui accompagne le marché est encore plus efficace que l’Eglise qui s’acoquinait avec les souverains.
Si les morts du Mediator n’ont pas plus d’efficacité que les paradis fiscaux et les bonus bancaires pour nous montrer la limite de notre système, ils seront morts pour rien. Et ils n’auront même pas connu le plaisir d’avoir maigri avant de mourir.
Nous sommes tous des obèses crédules.
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