dernière mise à jour le 14/06/2015
Étant donné que la sélection naturelle est si efficace pour optimiser les adaptations à la complexité de l’environnement, pourquoi n’a-t-elle pas réussi à éliminer les gènes et allèles qui prédisposent à des maladies mentales nocives, communes et héritables telles que la schizophrénie ou le trouble bipolaire?
Il y a trois principales explications à ce paradoxe apparent de la génétique psychiatrique.
- 1 : La neutralité ancestrale : hypothèse classique qui postule que les allèles de susceptibilité n’étaient pas nocifs chez nos ancêtres.
- 2 : La sélection équilibrante qui postule que les allèles de susceptibilité aient pu augmenter la valeur sélective dans certaines conditions.
- 3 : L’équilibre mutation-sélection polygénique qui postule que la charge mutationnelle persiste malgré l’élimination de certains allèles par la sélection, tant il y a de gènes qui sous-tendent le comportement humain.
Les deux premières explications sont classiques en génétique psychiatrique et en psychiatrie darwinienne, tandis que la troisième est moins connue. Les trois modèles peuvent expliquer la variabilité génétique persistante de certains traits sous certaines conditions, mais les deux premiers ont de graves difficultés à expliquer les troubles mentaux humains.
La neutralité ancestrale est en contradiction avec la faible prévalence des troubles mentaux, tout en ayant besoin de trouver un improbable coefficient de sélection contre les troubles mentaux, compte tenu de leur coût reproductif.
La sélection équilibrante englobe divers processus : variations spatio-temporelles de la sélection, avantage hétérozygote, pléiotropie antagoniste et sélection fréquence-dépendante. Elle tend à favoriser les adaptations contingentes (qui ne sont donc pas héritables) ou les allèles à haute fréquence (dans ce cas la génétique psychiatrique aurait déjà dû les trouver).
Seule la troisième hypothèse : l’équilibre mutation-sélection polygénique peut tout expliquer. Elle semble cohérente avec les taux de prévalence des troubles mentaux, avec les coûts évolutifs, avec la rareté des allèles de susceptibilité, et elle peut aussi expliquer l’influence des traumatismes cérébraux, de la consanguinité et de l’âge paternel sur le risque de maladie mentale.
Ce cadre de travail sur l’évolution génétique des troubles mentaux peut avoir d’importantes implications pour la psychologie, la psychiatrie, la génétique du comportement, la génétique moléculaire, et les approches évolutionnistes du comportement humain.
Keller MC, Miller G.
Resolving the paradox of common, harmful, heritable mental disorders: which evolutionary genetic models work best ?.
Behav Brain Sci. 2006 Aug;29(4):385-452
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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