dernière mise à jour le 13/02/2016
Un cas pratique d'évolution darwinienne a pu être mis en évidence dans une tribu de Papouasie-Nouvelle-Guinée dont les ancêtres anthropophages ont failli être décimés par une épidémie de kuru.
Entre 1950 et 1965, cette maladie dégénérative du système nerveux a tué environ 2500 membres de cette tribu, essentiellement des femmes et des enfants. Lors des rites anthropophagiques mortuaires, les femmes et les enfants devaient consommer le cerveau des défunts.
Comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou la tremblante du mouton, le kuru est une encéphalopathie spongiforme transmissible. Un type de maladie provoqué par l'accumulation d'un prion : protéine incorrectement repliée et transmissible par consommation d'organes contaminés. Au fur et à mesure de leur accumulation, ces prions ramollissent littéralement le cerveau jusqu'à le rendre spongieux. La maladie provoque de graves troubles neurologiques, dont des tremblements, crises d’épilepsie et troubles visuels. La maladie a disparu lorsque ces rites anthropophages ont été interdits.
Un exemple saisissant d'évolution darwinienne vient d’être fourni par la découverte récente, d’une mutation génétique capable de protéger contre les prions pathogènes. En 2009, l'équipe de John Collinge de l'Institut de neurologie de Londres a effectué une analyse génétique des femmes qui avaient étrangement survécu à l'épidémie de kuru. Ils se sont aperçus qu’une nouvelle variante (G127V) des protéines prions était apparue et qu’elle conférait une résistance particulière à l’infection.
Cette "protéine mutante" a protégé la population de la maladie. Si cette modification génétique résulte bien du hasard, unique ressort de l'évolution des espèces, elle s’est transmise de génération en génération par sa capacité à protéger ses porteurs, selon le processus de la sélection naturelle.
Naturellement présente chez les mammifères, la protéine prion peut devenir pathogène en changeant sa conformation tridimensionnelle : elle se replie sur elle-même de façon très serrée, ce qui la rend hydrophobe, peu soluble et résistante à la dégradation. Peu à peu les protéines s'agrègent entre elles et forment des dépôts qui se multiplient à l’intérieur et à l’extérieur des cellules du cerveau, perturbant leur fonctionnement et leurs mécanismes de survie.
Pour confirmer la validité de ce mécanisme, les chercheurs ont utilisé des souris génétiquement modifiée pour reproduire cette "nouvelle" variante de la protéine appelée G127V. Les souris modifiées se sont ensuite révélées résistantes à toutes les maladies à prions testées.
Cette découverte pourrait servir à mieux comprendre d'autres maladies neurodégénératives à mécanisme similaire, comme les maladies d'Alzheimer ou Parkinson.
Asante EA, Smidak M , Grimshaw A, Houghton R, Tomlinson A , Jeelani A , Jakubcova T,Hamdan S, Richard-londt A, Linehan JM, Brandner S, Alpers M, Whitfield J, Mead S, Wadsworth JDF, Collinge J
A naturally occurring variant of the human prion protein completely prevents prion disease
Nature, 522, 478–481, (25 June 2015)
DOI : 10.1038/nature14510
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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