dernière mise à jour le 13/02/2021
Origine de l’humeur et de ses troubles
Résumé
Le terme «humeur» dans son usage scientifique se réfère à des états affectifs relativement durables survenant après une expérience positive ou négative dans un contexte ou un période susceptibles de modifier le seuil de réponse de l’individu. La capacité à exprimer une « humeur » semble être phylogénétiquement très répandue, et les mécanismes sous-jacents sont présents chez de nombreuses espèces animales, suggérant une fonction adaptative importante. Nous abordons ici la façon de classifier les humeurs parmi les espèces, et quels sont les avantages sélectifs de la capacité d'humeur. Les humeurs fondamentales peuvent être représentées sur une courbe à deux dimensions, où un axe représente la sensibilité aux peines et aux menaces, et l'autre, la sensibilité aux récompenses. L’humeur dépressive et l’humeur anxieuse représentent deux quadrants différents de cet espace. La fonction adaptative de l'humeur est d'intégrer les informations sur l'état récent de l'environnement et l'état physique actuel de l'organisme pour mieux affiner la répartition de l'effort comportemental. De nombreuses observations empiriques chez l’homme et chez les animaux sont compatibles avec ce modèle. Nous discutons ici les implications de cette approche adaptative du système de l’humeur pour les troubles de l'humeur chez l’homme.
Introduction
Le mot «humeur» est le plus souvent utilisé après les mots «troubles de». Cela n'est pas surprenant, car l'humeur est une composante primaire d’énormes sources de souffrance chez l'homme. Le « Global Burden of Disease » de l’OMS estime que le trouble dépressif est la troisième cause mondiale de morbidité. Dans les pays à revenu moyen ou élevé, et chez les femmes partout dans le monde, il est, d’une certaine façon, la plus importante source primaire. Les travaux de recherche sur l'humeur reflètent naturellement les priorités médicales, l’accent est mis sur les problèmes cliniques de l'humeur, plutôt que sur la psychophysiologie «normale» des systèmes de l'humeur. Et lorsque l’humeur «normale» est étudiée, l’accent est mis sur les mécanismes proximaux (comment l’humeur est contrôlée par le cerveau ou le système endocrinien ?) plutôt que sur la fonction adaptative (quelle est la valeur de survie de l'humeur, et comment régule-t-elle le comportement de l'individu dans son environnement naturel ?). Comme les écologistes du comportement, ce sont ces questions d’adaptation qui nous intéressent. Nous pensons qu’une telle perspective peut fournir des indications utiles aux chercheurs, même dans un objectif thérapeutique. Nous esquissons un compte et une définition des humeurs, une classification, et une recherche des fonctions adaptatives. Ce cadre nous fournit une définition de l'humeur assez précise pour être appliquée aux taxons, et confirme les données empiriques chez l’homme et les animaux. Nous discutons aussi brièvement sur les apports de cette perspective d'adaptation dans l’étude des origines et de la distribution des troubles de l'humeur chez l’homme.
Ce travail intègre plusieurs sources de connaissance, notamment les travaux sur les émotions comme facteurs de survie liés à la récompense et à la punition, la classification dimensionnelle des émotions, les signaux de détection des émotions, et le biais cognitif chez l’homme et les animaux. Nous nous inspirons aussi de l’écologie comportementale, par le suivi de l'adaptation aux environnements changeants, et aux liens entre décisions d'adaptation et état physique actuel de l'individu. Domaines de recherche prometteurs.
Emotion : La théorie de détection de signal
L’humeur appartient à la classe des phénomènes liés aux émotions. Les émotions sont des suites de changements cognitifs, motivationnels et physiologiques déclenchés par l'évaluation de situations environnementales spécifiques. La peur, par exemple, est une suite de réponses incluant une vigilance accrue, une attention détournée vers des sources potentielles de danger, et une préparation physiologique au combat ou à la fuite, activées par l'évaluation d’un danger. Les mécanismes neuronaux et hormonaux qui sous-tendent les émotions de base comme la peur semblent être hautement conservés chez une grande variété d'organismes, certainement tous les vertébrés, et il y a aussi d’importantes homologies de ces mécanismes chez les invertébrés. Cela suggère d’une part, des origines très anciennes, d’autre part, des pressions sélectives omniprésentes ayant conservé les processus émotionnels dans les systèmes organisés. Chez l'homme, les émotions ont aussi une valence subjective, car elles sont vécues comme intrinsèquement agréables ou désagréables. Cette composante subjective a été une priorité pour les théoriciens de l'émotion dans la psychologie humaine, mais ne peut évidemment pas être invoqué dans une définition de l'émotion applicable à l'ensemble des taxons, puisque nous n’avons pas accès à la connaissance de la subjectivité animale.
Il existe une longue tradition d'explication des caractéristiques des émotions d'un point de vue adaptatif; elles allouent les ressources cognitives et comportementales de l'individu vers les priorités adaptatives les plus urgentes dans l’environnement immédiat d’un monde donné. Cette vision des émotions implique qu’une valence négative a une valeur de survie positive, et il en existe des preuves. Chez l'homme, par exemple, les gens moins sujets à l’anxiété ont un risque plus élevé de mortalité à long terme par rapport aux plus anxieux. Dans une perspective adaptative, les émotions doivent être conceptualisées comme des détecteurs. Autrement dit, ce sont des mécanismes dont la fonction est de déterminer une situation X et de produire l'ensemble Y des changements cognitifs, physiologiques et motivationnels les plus adaptés. L'avantage de penser les émotions ainsi, c'est que nous pouvons nous appuyer largement sur la théorie de détection du signal pour faire des prédictions sur la façon dont les émotions doivent fonctionner si elles sont optimisées par la sélection naturelle.
Les organismes n'appréhendent pas directement l'état de leur environnement, mais reçoivent en permanence des signaux qui transportent des informations à ce sujet. Ces indices probabilistes sont associés à la présence de situations importantes pour la survie et l’adaptation, et il persiste généralement une incertitude sur ce qu'ils impliquent. Par exemple, un bruit peut être causé par l’approche d’un prédateur, mais il peut s’agir du simple bruissement des feuilles ; une couleur peut indiquer une nourriture ou n’être qu’un artefact de la lumière. Dans ces deux cas, la réponse adaptative pertinente produit un signal dont la distribution chevauche la distribution du bruit de fond. L'organisme doit donc déterminer la quantité d'informations susceptibles d'indiquer X, avant de mobiliser l'ensemble de la réponse appropriée Y. Cette quantité d'informations est ce que l'on appelle le seuil de détection.
Il y a quatre résultats possibles à tout problème de détection: un vrai positif (détecte X et exécute Y quand X est positif); un vrai négatif (ne détecte pas X et n’exécute pas Y quand X est négatif); un faux positif (détecte X et exécute Y même si X est négatif); ou un faux négatif (ne détecte pas X et n’exécute pas Y alors que X est positif). Si le niveau d'incertitude est fixe, l'abaissement du seuil conduit à plus de vrais positifs, mais aussi à davantage de faux positifs, et l’élévation du seuil conduit à plus de vrais négatifs, mais aussi plus de faux négatifs.
Le seuil de détection optimal - celui qui maximise la valeur attendue de la décision - est le produit de deux facteurs: la probabilité de l'événement X, et les coûts relatifs des quatre résultats différents. Si X est très probable un seuil bas doit être réglé, si X est très peu probable un seuil élevé doit être fixé. Si un faux négatif est très coûteux par rapport à un faux positif, alors toutes choses étant égales par ailleurs, un seuil bas doit être réglé, même si cela conduit à de nombreux faux positifs. Les émotions reflètent bien ces principes de base. En particulier, les émotions négatives telles que la peur et l'anxiété représentent le «principe du détecteur de fumée". Lorsque le coût du faux négatif peut être la mort tandis que celui du faux positif est une dépense calorique, le seuil est fixé de manière à produire de nombreux faux positifs, mais très peu de faux négatifs. Après avoir discuté des émotions en général et de la façon dont elles peuvent être analysées comme détecteurs de signaux, venons-en plus précisément à l'humeur.
Qu'est-ce que l'humeur ?
Les humeurs se différencient des états émotionnels aigus en ce sens qu'elles sont plus durables, et sont détachées de tout élément déclencheur immédiat. Cela ne veut pas dire que l'humeur d'un individu n'est pas liée à son environnement. Au contraire, l'humeur semble être une fonction d'intégration des expériences émotionnelles aiguës de l'organisme au fil du temps. Un animal éprouvant à plusieurs reprises des menaces spécifiques, développera progressivement un profil plus anxieux qui ressurgira, même en l’absence de menace. Un animal récompensé à plusieurs reprises développera une humeur plus positive, persistant entre les récompenses. Ce «débordement» temporel de l'état émotionnel au-delà d'un événement ou d'un contexte particulier est une condition nécessaire au concept d'humeur. Une personne qui éprouve une grande peur ou une grave perte manifeste une réaction émotionnelle aiguë. C'est lorsque cette peur ou cette tristesse déborde sur les activités et contextes ultérieurs que nous décrivons une humeur anxieuse ou triste ; et un trouble de l'humeur est évoquée lorsque ce débordement devient grave et prolongé. Ainsi, la question centrale porte sur la fonction adaptative de cette capacité d'humeur au-delà de la réaction d'émotion aiguë : pourquoi serait-il avantageux de transposer un état émotionnel d'une période ou d'une situation à d'autres ? Avant d'aborder directement cette question, nous devons d'abord examiner les façons dont les humeurs peuvent être classées.
Un certain nombre de propositions ont été faites en ce qui concerne le meilleur cadre de classification pour la compréhension des phénomènes émotionnels et de l'humeur. Ici, nous adoptons un cadre basé sur deux dimensions orthogonales, l'une relative à la capacité de réagir à une récompense, l’autre relative à la capacité de réagir à des peines ou sanctions (Figure). Les états d'humeur peuvent être classés par leurs coordonnées dans l'espace à deux dimensions. Bien que cela puisse ne pas montrer toutes les façons dont les humeurs peuvent varier, en particulier chez l'homme, cela montre les principaux axes de variation. Ce cadre est classique et offre plusieurs avantages.
Figure 1.
Cadre bi-axial pour classer les humeurs à travers les espèces.
(A) Axes représentent les seuils de détection pour répondre aux récompenses et aux punitions, respectivement. (B) Valence subjective des humeurs humaines sur les mêmes axes. (C) Position de certains troubles de l'humeur chez l’homme, sur les mêmes axes.
Premièrement, ce graphique est applicable à tout organisme, quelle que soit sa complexité cognitive ou sa capacité de sentiments subjectifs. Même les bactéries cherchent les récompenses et évitent les peines, et chez les invertébrés, les mécanismes de régulation des comportements sont homologues à ceux des vertébrés. Chez les humains, la structure subjective des émotions peut également être représentée sur le même graphique.
Deuxièmement, les récompenses et les sanctions sont des constructions fondamentales de la théorie de l'apprentissage animal, et ont des définitions opérationnelles claires. Les récompenses sont des stimuli qui peuvent être utilisés pour augmenter la fréquence d'un comportement, tandis que les punitions sont des stimuli qui peuvent être utilisés pour diminuer la fréquence d'un comportement.
Troisièmement, les réponses à la récompense et à la punition sont sous-tendues par des mécanismes spécifiques chez les vertébrés, et cet aspect neurobiologique est sous-jacent à ce graphique.
Quatrièmement, ce cadre fournit un lien naturel aux questions d'adaptation dont fait partie le système des récompenses et des punitions. Les récompenses primaires telles que la nourriture ou les partenaires ont une corrélation positive avec la forme physique au fil du temps évolutif. Les sanctions primaires telles que les dommages corporels, les toxines, l’isolement ont une corrélation négative avec la forme physique. Ainsi, la sélection naturelle favorise les mécanismes qui mènent, sur l'ensemble des environnements du temps évolutif des espèces, à des stratégies qui maximisent l’obtention de récompenses, tout en minimisant l'exposition aux sanctions.
Chaque point dans l'espace à deux dimensions de la figure 1 représente un état d'humeur possible. Mais que représentent les coordonnées ? Ici, nous pouvons utiliser le cadre de détection de signal discuté dans la section précédente. La position sur l'axe horizontal donne le seuil de réponse aux signaux de récompense. Plus on va à droite, plus le seuil est bas. Ainsi, les individus situés les plus à droite cherchent volontiers des récompenses même si les preuves de leur disponibilité sont faibles. Chez l'homme, ces états sont associés à un sentiment subjectif d'optimisme, avec des biais attentionnels vers la saillance des stimuli liés aux récompenses, et avec la volonté d'essayer de nouvelles stratégies axées sur la récompense. Le plus à gauche de l'axe horizontal représente un seuil élevé pour l'initiation du système de récompense. Chez l'homme, au plus à gauche de cet axe, on arrive au sentiment subjectif de dépression avec la triade : anhédonie, pessimisme et fatigue. Ces caractéristiques reflètent une réticence à initier des comportements de récompense : les sujets estiment qu’ils n’ont pas l’énergie pour essayer, qu’ils ne réussiront pas ou que ce ne sera pas agréable. (Il existe aussi d'autres caractéristiques de l'humeur dépressive spécifique à l'homme qui reflètent, de manière plausible, une fonction adaptative, mais nous n’en parlons pas ici). Chez les animaux, il est également prouvé que la répétition des récompenses déplace les individus vers un état de forte attente de récompense, tandis que la rareté des récompenses les déplace vers un état de faible espoir de récompense.
L'axe vertical de la figure 1 représente le seuil de réponse aux signaux de sanction. A l'extrémité inférieure de l'axe, ce seuil est faible. Cela signifie que la personne est anxieuse et qu’elle interrompt aisément d'autres activités pour se concentrer sur les dangers potentiels. Les traits de caractère sont l’hypervigilance, l'insomnie, l'excitation, et un biais attentionnel vers les saillances de menace. L'extrémité supérieure de l'axe représente un état de relaxation où le seuil de réponse à une sanction ou à une menace est élevé, et les traits de caractères susmentionnés sont totalement absents.
A noter que les deux axes de la figure 1 représentent deux seuils indépendants. A tout moment, un individu pourrait avoir un seuil élevé pour le système de récompense et un seuil bas pour le système d'évitement des sanctions, dans ce cas, les sujets sont à la fois déprimés et anxieux. Lorsque les deux seuils sont bas, les sujets sont anxieux mais pas déprimés. Lorsque les deux seuils sont élevés, les individus sont déprimés, mais non anxieux. Ainsi, les axes sont véritablement orthogonaux, bien que chez l’homme, la valence subjective globale de l'humeur est représentée par la droite y = x, avec des humeurs désagréables vers le bas gauche, et agréables vers le haut droit.
Pourquoi les animaux devraient avoir des états d’humeurs ?
Après avoir défini et classé les humeurs, nous sommes maintenant en mesure de revenir à notre question fondamentale de savoir pourquoi les organismes ont développé une capacité d'humeur. Pour rappel, l'humeur intègre une somme d’expériences émotionnelles aiguës ; une personne qui subit une peine ou une sanction, abaisse son seuil de détection des sanctions pour la prochaine période de temps, et une personne qui vit une récompense, abaisse son seuil de détection des récompenses pour la prochaine période de temps. Cela signifie qu’un long parcours sans récompense conduira à une humeur dépressive (à gauche de la figure 1), et de nombreuses sanctions conduiront à une humeur anxieuse (en bas sur la figure 1). Pourquoi serait-il bien adapté d’ajuster les seuils de cette façon ? Lorsqu’un évolutionniste pose cette question, il examine ce que serait l'alternative. Dans ce cas, la solution serait un système émotionnel à seuils fixes, vers lesquels retournerait chaque individu, après chaque expérience quel qu’en soit le résultat. Appelons cela une architecture à émotions fixes, en contraste avec l'architecture émotionnelle réelle des animaux.
Comme indiqué plus haut, le seuil optimal pour un détecteur dépend de deux facteurs: la probabilité de l'événement à détecter, et les gains relatifs aux quatre résultats possibles de la détection. Prenons la probabilité de l'événement en premier. Les environnements sont si variables dans l'espace et le temps que l'évolution ne peut pas intégrer d’informations détaillées sur les probabilités d'événements particuliers. Au lieu de cela, les individus utilisent leur expérience de vie pour établir des estimations dans le contexte où ils évoluent. Le monde est généralement autocorrélé: s’il m’est difficile d’obtenir un type de nourriture aujourd'hui, je peux en déduire que ce sera pareil demain. Si l'environnement est plein de prédateurs hostiles aujourd'hui, alors il est probable que ce sera également le cas demain. Si donc, l'environnement de demain est statistiquement prédit par celui d'aujourd'hui, il est logique que l'architecture de l'émotion exploite cette information plutôt que de la rejeter. Une expérience négative provoque une réaction aiguë, mais aussi un ajustement des attentes futures.
Une deuxième source de continuité entre les périodes successives de comportement est que c'est la même personne qui les exécute. Ceci est important, car les quatre résultats différents de détection de signal ne doivent pas être considérées comme absolus, mais plutôt liés à la condition physique de l'individu. Le coût d'un faux négatif dans le domaine de la prédation est plus élevé pour une personne boiteuse que pour une personne valide. Le coût d'un faux positif dans le domaine de la recherche de nourriture est plus faible pour un individu ayant des réserves énergétiques que pour une personne qui en a peu. En écologie comportementale, de tels exemples seraient traités sous forme de modélisation des stratégies d'adaptation en fonction de «l'État», où «État» englobe les attributs courants de l'individu tels que la boiterie ou les réserves d'énergie. Ici, nous continuons de nous référer à des attributs tels que la condition physique, pour éviter toute confusion avec les états émotionnels. La condition physique est une autre source d'autocorrélation, une personne boiteuse sera probablement boiteuse demain, et une personne mal nourrie aujourd'hui le sera probablement demain. Une architecture émotionnelle optimale doit rendre compte de cette persistance de la condition physique au long des épisodes de comportement, ce que ne fait pas une architecture à émotion fixe où les seuils sont toujours identiques.
Non seulement il y a deux sources d'autocorrélation affectant le seuil optimal de détection de signal chez les animaux - l'autocorrélation spatio-temporelle de l'environnement, et la persistance de la condition physique de l'individu - mais il y a aussi une interaction entre l'état de l'environnement et l'état physique de l’individu. Un monde contenant peu de récompenses aujourd'hui laisse prévoir le même demain, mais il laisse l'individu en moins bon état pour trouver une récompense demain. Un journée avec de nombreuses attaques par les prédateurs augmente non seulement l’estimation des prédateurs pour demain, mais diminue également l’énergie pour faire face aux attaques de demain. Par ce jeu de doublement des effets, les seuils de détection optimaux actuels sont très fortement influencés par les combats précédents (voir l'addendum). Le système des humeurs permet des ajustements continus des seuils de détection pour adapter le comportement à de telles situations, ce qu’une architecture à émotions fixes ne pourrait pas faire.
Pour résumer, avoir un système d'humeur, qui détermine les seuils de réponse aux signaux de récompense et de sanction, à chaque nouvelle expérience, plutôt qu'un système où les seuils sont fixés, est avantageux lorsqu’il y a des autocorrélations dans la prévalence des événements, et / ou dans l’état physique de l'individu. Plus fortes sont ces autocorrélations, plus les seuils doivent persister dans le temps. L'avantage adaptatif de la capacité de changer dynamiquement mais avec une humeur persistante sera meilleur si les autocorrélations sont intermédiaires. Si les autocorrélations sont nulles les seuils n’ont pas à persister d’une expérience à l’autre, tandis que si elles sont près de 1, les individus peuvent fixer des seuils pour la vie sans avoir besoin de réadapter l’humeur à la lumière des expériences. Ces idées relient l'étude de l'humeur à un modèle théorique sur la façon optimale dont les animaux devraient suivre l'évolution de l’environnement.
Interprétation adaptative des phénomènes d’humeur
Dans quelle mesure le cadre adaptatif décrit précédemment conduit aux phénomènes d’humeur observés empiriquement ? Il prédit que des expériences sans récompense relèvent le seuil de déclenchement d’un comportement orienté vers la récompense, ce qui va se manifester par une humeur dépressive. D'autre part, des sanctions répétées baissent le seuil de déclenchement de comportements d'évitement, ce qui se manifeste par une humeur anxieuse. Chez l’homme, les déclencheurs de dépression et d'anxiété sont conformes à ce cadre. Les récompenses (mariage, embauche) ont un effet antidépresseur. Chez les animaux, les expériences de modification de la répartition des récompenses et des punitions modifient les seuils comme prévu.
Le cadre prévoit également que toute modification de l'état physique influant sur les gains relatifs des quatre résultats possibles de détection est de nature à modifier les seuils, et donc l'humeur. Les limitations et infirmités physiques signifient généralement que les personnes sont moins capables de faire face à des menaces éventuelles non détectées, et peut-être moins en mesure d’essuyer un échec dans la recherche d’une récompense. Ces infirmités et limitations doivent ainsi être associées à une humeur anxieuse et dépressive ; les preuves épidémiologiques abondent chez l’homme. D'autres circonstances telles que la misère ou la solitude chez l’homme sont dépressogènes et anxiogènes pour les mêmes raisons. Il existe des exemples analogues chez les animaux, par exemple, les étourneaux sansonnet qui n’ont pas accès à l’eau pour se baigner deviennent plus sensibles aux signaux de danger. C'est sans doute parce que leur capacité d’envol est réduite par le mauvais état de leur plumage, ce qui diminue leur seuil optimal de détection des menaces.
Fait intéressant, lorsque les chercheurs veulent créer des états analogues à des troubles de l'humeur humaine chez les rongeurs de laboratoire, par exemple dans la recherche pharmacologique, ils le font soit en augmentant la fréquence des événements négatifs dans l'expérience quotidienne de l'animal, comme la défaite sociale contrainte ou le stress chronique léger, ou encore en manipulant la condition physique de l'animal pour le rendre moins apte à faire face à l'adversité, comme dans la bulbectomie olfactive. Les changements de comportement sont alors semblables aux troubles de l'humeur chez l’homme et sont corrigés par les antidépresseurs
Le cadre présenté ici peut être utile pour expliquer pourquoi les humeurs dépressives et anxieuses sont si souvent associées. Les seuils de récompense et de punition sont logiquement et mécaniquement distincts, il n'y a donc aucune raison que les humeurs anxieuses et dépressives soient corrélées, pourtant, elles le sont chez l’homme et partagent de nombreux prédicteurs épidémiologiques. Une explication générale possible est que la détérioration physique rend plus couteux à la fois les faux négatifs de détection de menace et les faux positifs de détection de récompense. Ainsi, tout impact négatif sur la condition physique pourrait entraîner simultanément anxiété et dépression. Cette approche peut aussi expliquer les origines développementales de la propension à l'anxiété et à la dépression ; des conditions défavorables, trouvées à la fois avant et après la naissance, augmentent le risque de dépression et d’anxiété à vie chez l'homme et chez les animaux. Ces troubles du développement peuvent provoquer des contraintes physiques permanentes conduisant l’adulte à moins d’aptitude face aux menaces et à l’absence de récompense. Dans ce cas, il est logique qu’ils baissent leur seuil de détection des menaces et élèvent leur seuil de détection des récompenses.
Importance du biais cognitif pour l’humeur
Dans le cadre de la figure 1, les caractéristiques qui définissent un état d'humeur particulier sont les deux seuils actuels de l'individu. La modification de l'humeur d'une personne ou d'un animal va donc changer la perception des stimuli ambigus ou intermédiaires. Les données empiriques confirment ceci. Chez l'homme, les personnes déprimées et anxieuses interprètent plus souvent un stimulus ambigu de façon négative que des sujets témoins. Ce phénomène est nommé « biais cognitif », largement répandu et bien documenté dans un grand nombre de taxons et doublement inadapté et préjudiciable. Inadapté d’un point de vue cognitif, car l’ajustement des seuils ne nécessite pas des capacités cognitives complexes. Inadapté, car ce biais provoque une distorsion de la réalité. En vérité, l’expérimentation ne peut objectivement définir quelle est la réponse correcte, donc on ne peut pas parler d’erreur cognitive ; le phénomène serait mieux décrit sous le terme de « réglage interne des seuils », mais la terminologie de « biais cognitif » est désormais établie.
Harding, Paul et Mendl ont été les premiers à démontrer le phénomène de biais cognitifs chez l’animal. Ils ont formé des rats à répondre à un son pour appuyer sur un levier distribuant de la nourriture et à un autre son pour ne pas appuyer sur le levier car cela provoquait un bruit très désagréable. Les animaux ont ensuite été séparés en deux groupes, soit dans un habitat normal, soit dans un habitat imprévisible et source de stress chronique léger. Les rats ont ensuite été soumis aux deux sons appris et à des sons intermédiaires, donc ambigus. Les rats de l’habitat imprévisible répondaient moins au son de la nourriture, mais aussi traitaient plus souvent les sons intermédiaires comme des sons à risque et appuyaient donc moins souvent sur le levier. Cet effet de base varie avec d’autres marqueurs de l’humeur, comme cela a été confirmé dans de multiples expériences chez les rats, moutons, chiens, porcs, macaques rhésus, étourneaux, poulets, et même chez les abeilles. Les seuils sont revenus à la normale avec des antidépresseurs chez les poulets et les hommes. Ceci suggère que la modification des seuils est au cœur du système de l’humeur dans tous les taxons. Ainsi la validation de la méthode de détection de signal, peut permettre d’évaluer l’humeur chez toutes les espèces, avec des implications importantes pour la science du bien-être animal.
Implications pour l’étude des troubles de l'humeur
Tout ce que nous avons discuté jusqu'ici concerne le fonctionnement normal du système de l'humeur. Nous avons affirmé que les principaux traits d'humeur, anhédonie, pessimisme et fatigue de la dépression, biais de vigilance à la menace, et réponse physiologique de l'anxiété, représentent divers moyens de remplir une fonction évoluée. Nous avons également vu que certains traits épidémiologiques de l'humeur dépressive et anxieuse, comme leur aggravation par les pertes et dangers, et leurs relations avec l'infirmité, l'isolement ou la pauvreté, peuvent avoir un but adaptatif. Comment devons-nous alors interpréter les troubles de l'humeur, ce qui est bien notre principale préoccupation clinique ? L'utilisation même du mot « trouble » implique que quelque chose dans le système a mal tourné, et que l'ensemble des symptômes résulte de ce dysfonctionnement. Cela est la base de l’étude neurobiologique des troubles de l'humeur. Pourtant, il est aussi largement reconnu que la dépression et les troubles anxieux peuvent être des réponses normales chez un sujet en bonne santé.
Encore une fois, la frontière entre le normal et le pathologique est extrêmement difficile à définir. Il n’existe aucun point de rareté statistique permettant d’affirmer l’anormalité dans la courbe de distribution des symptômes anxieux et dépressifs d’une population normale. Le Manuel diagnostique et statistique de l'American Psychiatric Association (DSM) définit arbitrairement une durée des symptômes supérieure à deux semaines pour poser le diagnostic de trouble dépressif, mais cette « anormalité » de durée dépend évidemment des événements de la vie de l’individu. Le DSM précise en effet qu’une durée supérieure peut être considérée comme normale en cas de deuil. Ainsi, toute limite purement symptomatique est forcément arbitraire, et un sujet malheureux n’est pas forcément anormal.
La pensée évolutionniste propose d'autres critères pour définir le trouble. Il y a trouble de l’humeur lorsque le système biologique ne produit plus les effets qui ont conduit à l’adaptation et que cela a des conséquences nuisibles. Cela ne dit pas ce qu’est une conséquence nuisible, il n’existe pas de système de mesure exacte d’un préjudice, il faut, ici encore, donner une limite arbitraire. En outre, il est très difficile - sauf dans les cas extrêmes - de montrer que l'humeur d'une personne est inadaptée à son environnement actuel, car nous avons rarement assez d'informations exhaustives et objectives sur sa vie. Cette difficulté est aggravée par le fait qu'il existe une variation génétique considérable affectant la réactivité des systèmes d'humeur. Cette variation a aussi été maintenue par des pressions sélectives variables agissant dans des environnements différents. Certaines personnes sont sujettes à des réactions d'humeur plus extrêmes que d'autres face aux mêmes déclencheurs environnementaux, même en l'absence de toute pathologie. Face à un tel polymorphisme, il est difficile de définir une normalité du niveau de réactivité du point de vue évolutif.
Finalement les systèmes de l'humeur ne sont pas différents de tout autre mécanisme biologique en ce sens qu'ils peuvent parfois se tromper, parfois devenir hypersensibles ou dérégulés. Horwitz et Wakefield ont raison de dire que nos diagnostics actuels de trouble de l’humeur sont un mélange de réactions normales chez des personnes normales et de cas véritablement pathologiques de dérégulation des systèmes d’humeur. Précisons, cependant, que les critères médicaux et thérapeutiques ne doivent pas dépendre de notre capacité à distinguer la fonction évoluée de la dysfonction. Dans la douleur physique, par exemple, l'administration d’analgésiques est presque universelle, alors qu’il s’agit exceptionnellement d’un dysfonctionnement du système de la douleur. Au contraire, notre propre évolution nous amène à des technologies pour adoucir la vie et nous n’avons plus besoin de justification pour soulager une souffrance, indépendamment de son mécanisme d’origine. Cela soulève évidemment des questions largement inexplorées quant à savoir si la manipulation pharmacologique pour des soulagements immédiats, pourrait avoir des conséquences négatives à long terme. Compte tenu de la preuve que l'anxiété modérée est associée à un risque légèrement réduit de mortalité, quelles seraient les conséquences d'une généralisation de traitements pharmacologiques pour l’anxiété modérée ? Il est surprenant de constater l’absence de réflexions et de recherches sur un tel sujet.
La perspective évolutionniste ne peut pas résoudre les problèmes de démarcation entre la normalité et la maladie, mais elle peut aider à élargir le débat sur la façon de faire face au fardeau sanitaire des troubles de l'humeur. Les buts et recherches thérapeutiques actuels se proposent des modifier les biais cognitifs et de stabiliser artificiellement les humeurs anxieuses et dépressives. Nous ne contestons pas l'importance de ces deux approches, mais penser en termes d’écologie comportementale nous amène naturellement à envisager les moyens de modifier les environnements pour alléger le fardeau de la souffrance. Autrement dit, si les environnements humains étaient moins sévères et plus gratifiants pour les personnes à risque (pauvres, chômeurs, groupes vulnérables, personnes socialement isolées) et si l'état physique des personnes était amélioré par les soins et la nutrition, il y aurait alors une forte réduction des humeurs dépressives et anxieuses. Cette réduction concernerait à la fois les véritables troubles de l’humeur et les diagnostics abusifs portés sur des personnes malheureuses. Ainsi, la perspective d’écologie comportementale nous permet de voir la dépression et l'anxiété non seulement comme des problèmes neurobiologiques individuels, mais aussi comme les conséquences des interactions entre le cerveau des individus et la façon dont nous structurons les sociétés et les environnements.
Conclusions
L'étude du rôle de l'humeur dans les différentes espèces animales est moins avancée que l'étude des mécanismes de ses changements. Après cette approche préliminaire, il subsiste beaucoup de questions ouvertes (addendum 2). Cependant, la compréhension de son utilité, éclaire la façon dont les conditions environnementales, les événements de la vie, et l’histoire du développement affectent l'humeur des individus. L'élaboration de cadres théoriques intégrés permet de relier la psychologie et l'écologie comportementale, et sera utile aussi bien pour l’épidémiologie psychiatrique que pour la science du bien-être animal.
Addendum 1 : modèle mathématique illustrant les effets de l'humeur.
Quelle quantité d'information faut-il à un détecteur chargé d’évaluer un danger X avant d’affirmer que X est bien présent ? La théorie de la détection du signal donne le seuil optimal par l’équation suivante :
λ > ((1-p) / p) * ((WTN + WFP) / (WTP + WFN))
λ est le rapport vraisemblable entre les informations qu’il faut recevoir pour valider X et celles qui ne le valident pas.
p est la probabilité d’un environnement X réel
Les W sont les retombées adaptatives (fitness) à long terme avec les quatre résultats possibles de la détection, le vrai positif (TP), le vrai négatif (TN), le faux positif (FP), et le faux négatif (FN).
Ainsi, plus X est fréquent dans l'environnement (p plus élevé), plus le seuil optimal devient faible, et si le faux négatif est très coûteux par rapport au faux positif, le seuil devient également plus faible (principe du détecteur de fumée).
Si l'environnement est dangereux aujourd'hui, comment cela affecte-t-il le seuil optimal pour détecter les menaces de demain ? Supposons un monde où la prévalence moyenne des menaces est μ ; le niveau actuel de la menace pt, est en partie prévu par la prévalence des menaces d’hier pt-1. Nous pouvons donc écrire la déviation attendue de pt à partir de μ comme β (pt-1 - μ), où β est le coefficient d’autorégression temporelle de l'environnement. En outre, il se pourrait que de fortes menaces d’hier, en appauvrissant la condition physique d'une personne, rendent plus difficile de supporter aujourd’hui des menaces non détectées ; tandis que peu de menaces hier ont conduit à une amélioration de la condition physique rendant plus facile à gérer des menaces non détectées. Nous exprimons ceci modifiant le WFN d’aujourd'hui d'une quantité proportionnelle à la menace de la prévalence d'hier δ (pt-1 - μ) (où δ est un facteur d'échelle). Le seuil optimal de détection de menace d’aujourd'hui est représenté par l’équation suivante :
λt > (1-μ-β (pt-1-μ)) / (μ + β (pt-1-μ)) * (WTN + WFP) / (WTP + (1 + δ (pt-1-μ)) WFN)
Dans cette hypothèse, les événements d'hier affectent le seuil optimal de détection des menaces d’aujourd'hui de deux façons : via le coefficient autorégressif de l'environnement (plus l’environnement est autocorrélé, plus les menaces d’hier abaissent le seuil optimal des menaces d’aujourd'hui, et inversement), et via le degré par lequel les menaces d’hier affectent la capacité de l'individu à faire face à des menaces non détectées aujourd'hui (plus l’effet de contagion δ est élevé, plus les menaces d’hier abaissent le seuil optimal d'aujourd'hui, et inversement). Nous pouvons voir comment ces forces interagissent en traçant le seuil optimal de détection des menaces d’aujourd'hui par rapport à la prévalence des menaces d’hier (les 5 modèles de paramètres et de courbes de la figure 2). Des modèles similaires pourraient être construits avec les récompenses : des expériences positives ou une amélioration de la condition physique d’hier affecteraient le seuil optimal de réponse aux signaux de récompense d’aujourd'hui.
Figure 2.
(A) environnement non-autocorrélé (β = 0) avec absence d’effet d'entraînement des menaces d’hier sur la condition physique d’aujourd'hui (δ = 0).
(B) Un environnement faiblement autocorrélé (β = 0,1) avec de petites retombées des menaces d’hier sur la condition (δ = 0,1).
(C) Un environnement faiblement autocorrélé (β = 0,1) avec de grandes retombées des menaces d’hier sur la condition (δ = 1).
(D) Un environnement fortement autocorrélé (β = 0,5) avec de petites retombées des menaces d'hier sur la condition (δ = 0,1).
(E) Un environnement fortement autocorrélé (β = 0,5) avec de grandes retombées des menaces d'hier sur la condition (δ = 1).
Le seuil optimal est exprimé en termes de vraisemblance de l’état actuel attendu en fonction de la présence ou non d’une menace.
Un autre modèle de paramètres est μ = 0,5, avec les 4 W égaux à 1
Addendum 2 : Les questions ouvertes dans l'évolution de l'humeur.
A l’issue de cette analyse assez simple, d’importantes questions sur la compréhension des phénomènes de l'humeur dans une perspective évolutionniste restent ouvertes. Nous soutenons que l'humeur implique une fonction d'intégration des expériences émotionnelles aiguës au fil du temps. Cependant, on sous-entend que cette fonction est une simple accumulation ou une moyenne. En réalité, les organismes peuvent être sensibles à la vitesse du changement de leur environnement local ou de leur condition physique. Cela est différent d’un simple calcul de moyenne, par exemple, les conséquences de deux mauvais résultats suivis par un bon peuvent différer de celles d'un bon suivi par deux mauvais. De tels effets de contraste ont en effet été largement documentés chez l'homme et chez les animaux. Ils peuvent conduire à des préférences apparemment irrationnelles, tels que des personnes préférant une solution impliquant plus de douleur globale, mais avec un gradient progressif, plutôt qu’une solution globalement moins douloureuse. Certaines règles de décision peuvent résulter de trajectoires adaptatives ancestrales. Il serait intéressant d'étudier dans quelle mesure la variation saisonnière bien connue de l'humeur humaine découle d’un environnement à orientation négative à l'automne et positive au printemps, même si les moyennes ne sont pas très différentes.
Un autre sujet de recherches serait de savoir comment et pourquoi l’humeur est étendue à différents domaines de la vie. Par exemple, pourquoi la couverture d’un nid par les oiseaux, pour réduire la perception du risque de prédation, a un effet sur les seuils de réponse aux signaux de toxines de leurs proies. Cette diffusion entre domaines n'est pas claire ; si les environnements ont tendance à être autocorrélés dans un domaine, cela n’explique pas que la prévalence de toxines dans une proie soit prévue par la prévalence des prédateurs. Il semble qu'il devrait y avoir des systèmes d'humeur distincts pour chaque domaine d'adaptation évolutive, plutôt qu'un niveau général d'humeur. Une explication possible de la généralisation de l'humeur entre les domaines est que l'état physique actuel d’un individu est le facteur déterminant de sa capacité à faire face à des résultats négatifs dans tous les domaines. Ainsi, tout comme nous avons plaidé pour la comorbidité de l'humeur anxieuse et dépressive, tout changement de condition physique a de profonds et multiples impacts.
Enfin, nous n'avons pas abordé les origines et la fonction de l'expérience subjective de l'humeur chez les humains. En définissant l’humeur en termes de seuils de réponse aux récompenses et sanctions, notre formulation permet une généralisation phylogénétique de l’humeur sans aborder le sujet d’une subjectivité ou d’une conscience chez les animaux. Cela ne signifie pas que le contenu subjectif n'est pas une composante importante de l'humeur chez l’homme, c’est même clairement l'aspect de l'humeur qui importe le plus aux gens. Pourquoi devrait-il y avoir des composants phénoménaux et empiriques de l'humeur et de l'émotion, et comment ceux-ci ont évolué à partir de mécanismes que nous partageons avec d'autres vertébrés est une question philosophique difficile, au-delà de notre sujet. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il ne puisse pas être abordé.
Traduction : Luc Perino
Nettle D , Bateson M
The Evolutionary Origins of Mood and Its Disorders
Current Biology 22, R712–R721, September 11, 2012
DOI : 10.1016/j.cub.2012.06.020
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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