lucperino.com

Bel exemple d'adaptation à la plongée en apnée

dernière mise à jour le 30/04/2018

La rate hors-norme du peuple Bajau leur permet de plonger à 70 m de profondeur et de rester plusieurs minutes sous l'eau.

Des scientifiques ont découvert la première preuve d'une adaptation génétique de l'être humain à la plongée en profondeur, à savoir le développement exceptionnel de la rate du peuple Bajau en Indonésie.

Surnommés les «nomades de la mer», ces indigènes pêchent en descendant jusqu'à 70 mètres de profondeur avec pour seuls équipements des poids et un masque de bois.

Ils passent jusqu'à 60% de leur journée de travail à plonger à la recherche de poissons, pieuvres et autres crustacés --une durée similaire à celle des loutres de mer-- et peuvent passer jusqu'à treize minutes sous l'eau sans respirer.

Intriguée par de telles aptitudes, la scientifique américaine Melissa Ilardo s'est demandé s'ils avaient subi une modification génétique pour être en mesure de rester sous l'eau beaucoup plus longtemps que les autres humains.

Elle a passé plusieurs mois en Indonésie auprès des Bajau et d'un autre peuple qui ne plonge pas, les Saluan.

Elle a notamment prélevé des échantillons génétiques et effectué des échographies, qui ont montré que la rate des Bajau était environ 50% plus grosse que celle des Saluan.

Cet organe est important en matière de plongée car il libère davantage d'oxygène dans le sang lorsque l'organisme est placé dans une situation de stress, comme lorsqu'une personne retient son souffle.

La rate des Bajau était plus grosse, qu'il s'agisse ou non de plongeurs, et une analyse ADN en a révélé la raison: en comparant le génome des Bajau à deux populations différentes --les Saluan et les Han chinois--, les scientifiques ont trouvé 25 sites génomiques ayant d'importantes différences.

L'une d'elles se trouvait sur le gène PDE10A, considéré comme déterminant dans la taille de la rate des Bajau.

Chez les souris, ce gène «est connu pour réguler l'hormone thyroïdienne qui contrôle la taille de la rate, ce qui soutient l'idée que les Bajau ont peut-être évolué pour que leur rate dispose de la taille nécessaire pour accompagner leurs longues et fréquentes plongées», a souligné l'étude.

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer la façon dont cette hormone affecte la taille de la rate des humains. En attendant, cette découverte pourrait accélérer la recherche médicale sur la façon dont le corps réagit au manque d'oxygène dans différentes circonstances, comme la plongée mais aussi l'altitude, une intervention chirurgicale ou une maladie pulmonaire.

Bibliographie

Ilardo MA, Moltke I, Korneliussen TS, Cheng J, Stern AJ, Racimo F, De Barros Damgaard P, Sikora M, Seguin-orlando A, Rasmussen S, Van den Munckhof ICL, Horst RT, Joosten LAB, Netea MG, Salingkat S, Nielsen R
Physiological and Genetic Adaptations to Diving in Sea Nomads
Cell, Volume 173, Issue 3, p569–580.e15, 19 April 2018
DOI : 10.1016/j.cell.2018.03.054

Médecine évolutionniste (ou darwinienne)

Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.

Lire les chroniques hebdomadaires de LP

Vous aimerez aussi...

Ménopause expliquée par le conflit mère-fille - Les conflits mère-fille entre orques-épaulards peuvent expliquer la ménopause  Une équipe de [...]

Environnement de la grossesse, épigénétique et sensibilité aux maladies - Il existe désormais de nombreuses preuves épidémiologiques entre les expositions [...]

Longévité des mammifères : gros cerveau et gènes de l’immunité - Pourquoi les chats vivent-ils généralement plus longtemps que les chiens ? De nouvelles [...]

Cancer et inflammation, quelle est la force du lien - L’inflammation est connue depuis longtemps comme réaction de protection localisée des tissus à [...]

Effet abscopal - Par la multiplication cellulaire et le risque de mutation à chaque division, l’apparition de [...]

Vous aimerez aussi ces humeurs...

Survie après diagnostic de cancer - Lorsque l’on parle de taux de survie en cancérologie, c’est une erreur de mélanger les [...]

Vieux contre jeunes - De vieux militaires de la junte birmane oppriment leur jeunesse pendant que des ayatollahs [...]

La surmédicalisation est-elle un facteur de sous-médicalisation ? - Les évolutions de la médecine et de la société ont changé la cible des soins. [...]

Douleurs en souffrance - Les centres anti-douleur ont été créés dans les années 1970. L'algologie devint alors une [...]

Allergies alimentaires : encore un problème de surmédicalisation - Depuis une à deux décennies, l'un des problèmes du soin dans nos pays est celui de la [...]

La phrase biomédicale aléatoire

Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem

Haut de page