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Thérapies divines et divinatoires

humeur du 28/05/2019

J’ai récemment assisté à quatre enterrements de personnes âgées, d’une génération où la célébration comporte obligatoirement une messe par respect pour les convictions du défunt. Dans ces 4 cas, le prêtre était un africain issu d’une de nos anciennes colonies. Comme les médecins, les prêtres se font rares, et l’on est obligé de faire appel à de la « main d’œuvre » étrangère.
Pendant que ces officiants parlaient d’espérance, de résurrection et d’agneau de Dieu, je donnais libre cours à quelques divagations. Amicale : les africains mettent un point d’honneur à payer leur dette en nous rapportant la bonne parole que nos missionnaires leur avaient livrée à domicile au XIX° siècle.  Moqueuse : le racisme à totalement disparu de notre pays au point de confier le salut de notre âme à des noirs. Méchante : la misère de ces pays favorise des vocations qui garantissent le gite et le couvert sans trop d’efforts.
Tout aussi récemment, j’ai trouvé dans ma boîte des tracts des professeurs Kolida, Bangaly, Diakarya et Haoussouba. Tous médiums et voyants originaire de la même Afrique que nos prêtres. Leurs propositions thérapeutiques ont attiré mon attention d’indécrottable clinicien.
Kolida traite l’impuissance sexuelle et garantit le retour de la personne aimée. Il propose aussi des séances de désenvoûtement et affirme une réussite totale dans les cas les plus désespérés
Bangaly assure les succès sentimentaux et commerciaux et peut résoudre tous les maux, particulièrement « tout ce qui vous agace dans votre vie ».
Diakarya se présente comme un marabout aux dons similaires, il promet des mariages durables et accepte de faire des visites à domicile, (ce qui devient rare avec la pénurie de médecins).
Enfin Haoussouba affiche ses 25 ans d’expérience et garantit, lui aussi, la réussite sexuelle, sentimentale ou commerciale, mais en 4 jours maximum. Et, plus médicalement, il a des solutions pour grossir, maigrir et soigner le mal de dos.
L’Afrique n’est pas la championne du télé-achat ni des offres thérapeutiques. Nous disposons en Occident de plus de 300 types de psychothérapies, d’une centaine de thérapeutiques dites alternatives, de nombreuses sociétés d’audit, de coaching, d’accompagnement, remplies de conseillers et formateurs aux inspirations toujours renouvelées. Le nombre de soignants risque de dépasser le nombre de soignés, la concurrence est rude.
Nos pillages matériels et nos arrogances culturelles de colons n’ont pas amoindri la force tranquille de l’Afrique. Avec leur bonhomie naturelle, nos amis africains ne seraient-ils pas en train de préparer la plus insidieuse des vengeances ? Nous avons perdu l’expertise de Dieu et des divinations. Ce marché a toujours été le plus profitable dans toutes les civilisations et toutes les époques. Ces nouveaux entrepreneurs africains de la foi et des théismes ont de quoi ébranler le marché grouillant de nos thérapies. La concurrence s’annonce de plus en plus rude... 

Deux textes sur la médecine clinique

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La phrase biomédicale aléatoire

Les sciences biomédicales ne cessent d’osciller entre le « dur » du côté de l’anatomie et de la biologie, le « mou » du côté du soin et de son avatar le placebo. La clinique y occupe une position intermédiaire, entre la « dureté » de l’orthopédie et la « mollesse » de la psychosociologie, elle continue à chercher sa place entre science et art.
― Luc Perino

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