humeur du 08/03/2020
Lors d’une épidémie, les autorités n’ont pas d’autre choix que celui de la prudence, en ajustant progressivement les contraintes aux données des experts. Cela indépendamment de l’inflation médiatique et sans se préoccuper des conséquences économiques. Il n’y a donc rien à reprocher à notre ministère dans la crise actuelle.
Le risque de cet exercice imposé est de créer une inquiétude démesurée. Étrangement, le comportement général est assez serein. La France apparaît plus disciplinée et moins dépressive que ne l’est sa réputation sur ces deux traits. Serions-nous un peuple mûr, rompu aux folies et mensonges du web ? Aurions-nous tout compris des récupérations individuelles politiques et professionnelles inhérentes à ces crises ? Il semble que presque…
Pour aller dans le sens de plus de sérénité sans perdre celui de la réalité, parlons ici de l’aspect évolutionniste des épidémies, logiquement peu abordé en situation d’urgence.
La pression parasitaire désigne l’ensemble des nuisances provoquées par les microorganismes et leurs vecteurs (bactéries, virus, protozoaires, insectes et acariens). Cette pression est évidemment plus faible dans nos pays que dans les pays tropicaux, et nous avons développé divers moyens pour la maintenir au niveau le plus bas possible. Cependant, il y aura toujours de nouvelles souches de virus et de bactéries qui viendront troubler notre récente sérénité. Heureusement, car l’inverse signifierait la disparition de toute vie.
Ce qui a changé au cours des cinquante dernières années n’est pas le nombre ou la virulence des attaques, mais notre capacité clinique, épidémiologique et technologique à les détecter et à en préciser le germe. Il existe une sorte de hiérarchie de la détection. Lors d’une forte épidémie, il n’est pas besoin d’experts pour que le peuple constate l’augmentation de la mortalité. Au niveau inférieur, ce sont les cliniciens et les épidémiologistes qui font le constat. Puis au niveau le plus bas, seuls les microbiologistes peuvent détecter le risque.
Si les virologues n’avaient pas détecté ce coronavirus, les cliniciens auraient constaté une mauvaise grippe et les épidémiologistes n’auraient pas noté de variation de la mortalité par virose saisonnière. Mais les virologues ont eu raison de donner l’alerte, car une mutation chez un virus à transmission respiratoire (grippe, corona ou autre) n’est pas anodine a priori.
Les virus sont à la limite du vivant, car ils n’ont pas d’autonomie reproductive, ils doivent pour cela pénétrer une cellule et utiliser son matériel génétique. Malgré tout, ils répondent aux lois de l’évolution pour optimiser leur diffusion et leur reproduction. Tuer leur hôte n’est jamais un bon choix, car c’est l’équivalent d’un suicide. Inversement, une forte contagiosité est un choix qui leur assure une excellente diffusion, surtout si elle est respiratoire, bien plus efficace que la transmission sexuelle ou sanguine.
Cela peut expliquer que dans la plupart des épidémies, la virulence diminue régulièrement au profit de la contagiosité. D’autant plus si les populations possèdent déjà des anticorps pour des souches voisines et en développent de nouveaux pour la nouvelle souche. Lorsque les pics épidémiques sont passés, les virus continuent à circuler avec la plus grande discrétion possible. C’est leur intérêt.
Mais comme rien ne peut empêcher un virus à transmission respiratoire de faire le tour du monde, il est logique de tout faire pour confiner une épidémie à son début, en attendant que l’évolution ait le temps d’agir à son rythme plus lent. Mille morts en cinq ans sont préférables à mille morts en deux mois. CQFD.
Félicitons donc les autorités pour leurs précautions et les populations pour leur serein pressentiment de l’évolution. Tant que la science aura droit de cité, l’apocalypse virale devra attendre.
Alizon S, Hurford A, Mideo N, Van Baalen M
Virulence evolution and the trade-off hypothesis: history, current state of affairs and the future
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Clinical course and risk factors for mortality of adult in patients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective cohort study
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We shouldn’t worry when a virus mutates during disease outbreaks
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Tang X et al
On the origin and continuing evolution of SARS-CoV-2
National Science Review, 3 march 2020, nwaa036
DOI : 10.1093/nsr/nwaa036
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
Le séisme de l'émancipation a bouleversé collectivement l'intimité de chacun : la modernité démocratique - c'est sa grandeur - a progressivement fait de nous des hommes sans guide, nous a peu à peu placés dans la situation d'avoir à juger par nous-mêmes et à construire nos propres repères. Nous sommes devenus de purs individus, car aucune loi morale ni aucune tradition ne nous indiquent du dehors qui nous devons être et comment nous conduire. De ce point de vue, le partage permis/défendu, qui normait l'individualité jusqu'aux années 1950-1960, a perdu de son efficacité...
Le droit de choisir sa vie et l'injonction à devenir soi-même placent l'individualité dans un mouvement permanent...
Le partage entre le permis et le défendu décline au profit d'un déchirement entre le possible et l'impossible...
Au lieu que la personne soit agie par un ordre extérieur (ou une conformité à la loi), il lui faut prendre appui sur ses ressorts internes, recourir à ses compétences mentales. Les notions de projet, de communication, de motivation sont aujourd'hui des normes.
― Alain Ehrenberg
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