humeur du 01/11/2020
Les homicides sont un trait tristement répandu dans notre espèce. Pour autant, il n’est pas facile de tuer un congénère, car il faut outrepasser les inhibitions naturelles que l’évolution a mises en place pour limiter le meurtre intraspécifique, non profitable à l’espèce.
Idéologies, conquêtes territoriales, psychoses, passions amoureuses, drames familiaux sont autant de réalités bien identifiées à l’origine des homicides.
Il y a cependant de grandes différences de charge émotionnelle chez le meurtrier. Tuer avec une arme blanche fait couler plus d’adrénaline qu’avec une arme à feu. Les meurtres passionnels sont souvent impulsifs. Les querelles de voisinage peuvent conduire à des drames cocasses avec des armes improbables. Instruction militaire, idéologie, manipulation mentale, jalousie, haine ou colère accumulées, les processus de la désinhibition sont longs et tortueux avant tout homicide.
Mais lorsque la barbarie dépasse l’entendement, aucune neurophysiologie intime ne peut suffire, il faut un catalyseur externe. L’alcool est le plus connu, on ne pourra ou ne voudra jamais savoir de combien de féminicides il a été le catalyseur. Il a armé le bras de nos poilus.
Mais, il y a bien pire et beaucoup mieux depuis. Les preuves abondent désormais sur le rôle des amphétamines dans les actes terroristes, sur celui des benzodiazépines ou antidépresseurs sérotoninergiques dans les infanticides ou autres barbaries familiales. Les hallucinogènes et autres psychédéliques tordent la réalité et jouent le rôle du délire psychotique qui conduit à des actes insensés. Le cannabis est connu pour son induction psychotique.
Lors de chaque nouveau drame, les commentateurs et enquêteurs projettent leur rationalité sur celle de l’assassin. Recherche de la motivation : prosélytisme, mission divine ou radicalisation. Recherche des facilitateurs ou manipulateurs : famille, réseaux sociaux, sectes, djihadistes. Recherche du passé judiciaire, familial, scolaire, professionnel. Cela relève de la logique de toute enquête, mais ne s’intéresse qu’à ses aspects cognitifs et socio-culturels. Cela est insuffisant au-delà d’un certain seuil de barbarie. Cela revient à négliger le délire, l’impulsivité, le caractère irrépressible, la folie suicidaire, autant d’éléments qui ne peuvent se réduire à l’aboutissement de processus cognitifs ou neurophysiologiques normaux.
Le grand oublié est le catalyseur. Je n’ai jamais entendu parler de dosage de psychotropes après de telles barbaries. Nous savons doser facilement l’alcool, l’arsenic, la cotinine, le lithium, la digoxine et moultes médicaments, nos tests biologiques sont de plus en plus performants.
Pourquoi cet élément majeur et probablement peu coûteux reste-t-il l’élément manquant dans toutes ces enquêtes ?
Quel député proposera enfin de l’imposer, comme on l’a fait pour l’alcool après les accidents de la route ?
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