humeur du 03/05/2021
Traditionnellement, la médecine a toujours tenté de limiter le nombre des maladies sans traitement. Dans les années 1970, ce principe séculaire s’est inversé avec l’apparition de traitements sans maladie.
La ménopause est un fleuron que l’évolution a façonné pour une meilleure survie des groupes humains. La médecine moderne en a fait une maladie lorsque la synthèse des œstrogènes est devenue facile. L’idée d’un traitement continu sur la moitié de la population adulte a stimulé l’imagination des marchands. L’épidémie de ménopause a été brutale, célébrée par les gynécologues et nombre de leurs patientes.
Comme on aurait dû s’en douter, il est impossible de modifier en quelques années ce que l’évolution a minutieusement concocté pendant des millions d’années. Une épidémie de cancers (sein, ovaires, poumons et nerfs) et de thromboses a suivi de près l’épidémie de ménopause, faisant s’effondrer le commerce florissant de la ménopause.
L’industrie sanitaire ne pouvait se résoudre à abandonner un tel marché. Fort heureusement, avec l’âge les os changent de texture à l’imagerie. C’est donc l’ostéoporose qui est devenue la nouvelle maladie des femmes mûres. L’épidémie dure encore, mais une nouvelle menace plane sur ce commerce, car on découvre que le risque fracturaire est sans rapport avec l’imagerie et n’existe que chez les sédentaires. Encore un créneau médicamenteux que la simple marche peut anéantir !
Il fallait donc inventer une nouvelle maladie. Tout expert du marketing sait que l’argumentaire du sexe n’a jamais failli. Les laboratoires ont alors inventé le « trouble du désir sexuel hypoactif féminin » (HSDD) afin de recycler des antidépresseurs sérotoninergiques qui arrivaient en fin de brevet. L’un d’entre eux, la flibansérine a été le premier traitement approuvé par la FDA dans cette indication. Ce traitement surnommé « Viagra des femmes « n’a pas encore franchi l’Atlantique, mais soyons patients… À moins que nos ménopausées européennes soient moins dupes ou moins atteintes de HSDD !
Enfin, de nouvelles études tentent de réhabiliter les œstrogènes pour préserver les fonctions cognitives des femmes ménopausées. Chacun sait que les fonctions cognitives baissent avec l’âge. Voilà un beau syllogisme mercatique en perspective : ménopause égale âge, donc ménopause égale déficit cognitif. Il faudra donc revenir aux œstrogènes pour rester intelligente.
Somme toutes, le harcèlement des femmes ne cesse jamais, il change simplement de nature.
Et si la chirurgie plastique parvient à vendre l'idée qu’une femme liftée peut être belle, c’est qu’il existe encore une clientèle captive pour les marchands de la ménopause. Je peux même les aider à imaginer d’autres syllogismes mercatiques autour des rides, des cheveux ou des muscles…
En attendant, je vais marcher avec ma vieille compagne de route, dont les cheveux blancs et les rides dessinent parfaitement sa belle vérité.
Baid R, Agarwal R
Flibanserin: A controversial drug for female hypoactive sexual desire disorder
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Main morbidities recorded in the women's international study of long duration oestrogen after menopause (WISDOM): a randomised controlled trial of hormone replacement therapy in postmenopausal women
BMJ. 2007 Aug 4;335(7613):239
Par catégorie professionnelle | |
Médecins | 27% |
Professions de santé | 33% |
Sciences de la vie et de la terre | 8% |
Sciences humaines et sociales | 12% |
Autres sciences et techniques | 4% |
Administration, services et tertiaires | 11% |
Economie, commerce, industrie | 1% |
Médias et communication | 3% |
Art et artisanat | 1% |
Par tranches d'âge | |
Plus de 70 ans | 14% |
de 50 à 70 ans | 53% |
de 30 à 50 ans | 29% |
moins de 30 ans | 4% |
Par motivation | |
Patients | 5% |
Proche ou association de patients | 3% |
Thèse ou études en cours | 4% |
Intérêt professionnel | 65% |
Simple curiosité | 23% |
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Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem