lucperino.com

Comité de la fertilité

humeur du 01/02/2024

Tous les présidents de la Vème république ont insisté sur l'impératif d'alléger l'administration et de diminuer le nombre de fonctionnaires. Malgré ce leitmotiv, aucun n'y est parvenu, quelle que soit sa tendance politique. Bien au contraire, le mille-feuille administratif s'est épaissi et le nombre des "assis" – comme les surnommait Rimbaud – n'a cessé d'augmenter.

Dans les hôpitaux, le personnel administratif strict est de 15% et l'ensemble du personnel non soignant est proche de 40%. Dans tous les secteurs, les normes et les procédures, souvent mal interprétées, alourdissent le fardeau du travail et en dégradent la qualité. La nocivité d'une norme est aussi inimaginable que celle d'un médicament, puisque les deux ont été conçus pour notre bien. On préfère ajouter de nouvelles normes ou de nouveaux médicaments pour corriger les effets indésirables des premiers.

Je dois donner au moins un exemple pour que ma critique ne soit pas triviale, voire populiste. La baisse de natalité qui atteint désormais notre pays vient de m'en fournir un. Cocasse.

Ne confondons pas les termes : ce n'est pas notre fertilité qui diminue, mais notre fécondité. La pollution et les perturbateurs endocriniens ont probablement un impact négatif sur la fertilité, mais il est très faible. Quant à la baisse de fécondité, elle relève essentiellement de facteurs sociétaux. Les inquiétudes économiques, écologiques et géopolitiques peuvent l'expliquer, mais toutes ces causes se résument à une seule qui est l'âge de plus en plus élevé de la première grossesse. Si les âges de la puberté et de la ménopause ont pu varier au cours des siècles et des environnements, il apparaît que l'âge du pic de fertilité des femmes n'a jamais varié : il est toujours de 24 ans. Et l'on oublie ou veut oublier trop souvent que le sperme se dégrade lui aussi avec l'âge.

Passés ces pics, la fécondité d'un couple va diminuant inexorablement. La PMA (procréation médicalement assistée) ne peut pas compenser ce déficit, tout en majorant les risques pour l'enfant à naître. Malgré sa large médiatisation, l'impact de la PMA sur la natalité reste faible (environ 3% des naissances en France où elle est beaucoup pratiquée, car remboursée jusqu'à 43 ans).

Devant ce constat, notre président, pourfendeur lui aussi de la pléthore administrative, a cependant décidé de créer un comité de la fertilité. J'ignore combien d'assis, experts, conseillers ou fonctionnaires émargeront à ce comité, quel sera son budget et la technologie mise en œuvre, mais ce sera assurément à fonds perdu. N'ayant aucune prise sur les macro-facteurs qui génèrent l'angoisse de la fécondation, ni sur les éventuels micro-facteurs qui diminuent la fertilité, tous ses membres, après des détours rhétoriques et de lourdes dépenses, finiront par conclure qu'il vaut mieux se féconder à 24 ans qu'à 43 ans.

C'est ce que j'ai tenté d'exposer dans cette très courte chronique, sans obliger le contribuable ni à me payer, ni même à me lire.

Bibliographie

François Escale
Les dépenses publiques hospitalières en France et en Europe
FIPECO, OCDE, Rapport de 2020

Hansen M, Kurinczuk JJ, Bower C, Webb S,
The Risk of Major Birth Defects after Intracytoplasmic Sperm Injection and in Vitro Fertilization
N Engl J Med 2002 346 725 730
DOI : 10.1056/NEJMoa010035

Wen J, Jiang J, Ding C, Dai J, Liu Y, Xia Y, Liu J, Hu Z
Birth defects in children conceived by in vitro fertilization and intracytoplasmic sperm injection: a meta-analysis
Fertil Steril 2012 Jun 97 6 1331 7 e1 4
DOI : 10.1016/j.fertnstert.2012.02.053

Profil de nos 5000 abonnés

Par catégorie professionnelle
Médecins 27%
Professions de santé 33%
Sciences de la vie et de la terre 8%
Sciences humaines et sociales 12%
Autres sciences et techniques 4%
Administration, services et tertiaires 11%
Economie, commerce, industrie 1%
Médias et communication 3%
Art et artisanat 1%
Par tranches d'âge
Plus de 70 ans 14%
de 50 à 70 ans 53%
de 30 à 50 ans 29%
moins de 30 ans  4%
Par motivation
Patients 5%
Proche ou association de patients 3%
Thèse ou études en cours 4%
Intérêt professionnel 65%
Simple curiosité 23%

Vous aimerez aussi ces humeurs...

La machine est un homme comme les autres - Depuis longtemps, les diagnostics ne sont plus cliniques, c’est-à-dire résultant [...]

Variabilité des critères du dépistage - En 1968, l’OMS établissait la liste des critères du dépistage des maladies, pour tenter [...]

Comprimés pour non-alcooliques - Nathalie a cinq ans, des cheveux bouclés et un visage d’ange.   Sa mère me consulte un [...]

Enseigner le flair médical - Dans les facultés de médecine, comme dans toutes les autres, on ne peut enseigner aux [...]

L'épidémiologie et le peuple - De toutes les disciplines de la médecine, l'épidémiologie est la plus complexe. Elle [...]

Vous aimerez aussi...

Meilleure survie des blondes au nord - Nous savons que l’exposition au soleil et l’état de pigmentation de la peau déterminent la [...]

Impact de l'introgression de gènes néandertaliens sur l'expression de notre génome - Le dernier néandertalien est mort il y a 40000 ans, mais une partie de son génome vit, en [...]

Sensibilité collatérale contre antibiorésistance - La sensibilité collatérale (CS) est une approche alternative prometteuse pour contrer le [...]

Microbiote et risque cardiovasculaire : rôle du TMAO - Le microbiote n’a pas fini de faire parler de lui. Déjà impliqué dans des maladies aussi [...]

Sélection naturelle pour la métabolisation des médicaments - L'homme moderne a subi diverses pressions sélectives ; dont un éventail de xénobiotiques qui ont [...]

La phrase biomédicale aléatoire

Tout entière axée sur la production, la consommation et le profit, l'économie de la fin du XIX° siècle (au sens large) n'est pas étrangère au succès du médicament sous toutes ses formes. Vanté par la publicité, source de profit considérable et pas toujours efficace, il se révèle paradoxalement un obstacle à la réalisation de projets médicaux surtout axés sur l'hygiène.
― Olivier Faure

Haut de page