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Interférences entre virus respiratoires

dernière mise à jour le 28/08/2025

Le concept d’interférence virale est largement démontré. Les virus sont en concurrence ou en synergie tant chez un hôte que dans une population

Plusieurs virus respiratoires peuvent circuler au cours de la même période et infecter simultanément ou séquentiellement les voies respiratoires, entraînant des interactions virus-virus. Au niveau de l’hôte, l’évolution de l’infection d’un virus peut être influencée par une infection antérieure ou concomitante par un autre virus. L’infection par un premier virus pourrait favoriser ou réduire l’infection et la réplication d’un second virus, entraînant une interaction positive (additive ou synergique) ou négative (antagoniste).

Une interaction virus-virus positive correspond à une co-infection susceptible d’entraîner une augmentation de la gravité de la maladie et de la pathogenèse, par exemple le Covid19 et la grippe H1N1.

L’interaction virus-virus négative peut être homologue ou hétérologue selon que les 2 virus appartiennent à la même famille ou à des sérotypes ou familles différents. L’interaction homologue virus-virus implique que l’immunité réactionnelle croisée contre un premier virus empêche l’infection par un deuxième virus (par exemple, entre différents sous-types ou lignées de grippe). L’interférence virale hétérologue repose sur l’induction d’une réponse immunitaire innée non spécifique par un premier virus qui réduit ou empêche l’infection et la réplication d’un deuxième virus, par exemple les grippe A et le virus respiratoire syncytial (VRS).

Le mécanisme le plus probable des interactions virales négatives repose sur l’induction d’une immunité transitoire par le virus interférent. Ce processus implique des interférons et conduit à un programme de défense antivirale consistant en la production d’effecteurs qui inhibent directement la réplication virale, ainsi que de cytokines et de chimiokines.

 

Des infections virales récentes des voies respiratoires peuvent induire une période réfractaire pendant laquelle l’hôte est moins susceptible d’être infecté par un autre virus respiratoire. Cette interférence virale nécessite des co-expositions, ce qui signifie que les deux virus partagent des conditions écologiques communes (par exemple, le froid). Les facteurs qui pourraient prédire une interférence entre les virus respiratoires comprennent la capacité du virus interférent à induire une réponse rapide de l’interféron ; le degré de sensibilité du deuxième virus aux médiateurs immunitaires ; la mesure dans laquelle les différents virus neutralisent l’induction et les effets antiviraux de l’interféron ; et les modèles de réponse immunitaire innée différentielle déclenchés par chaque virus dans les voies respiratoires supérieures et inférieures.

La durée de la période réfractaire au niveau de l’hôte n’a pas été déterminée, mais pourrait correspondre à la période d’excrétion du virus et à la réponse immunitaire innée transitoire associée. Les modèles mathématiques qui simulent la co-circulation de la grippe saisonnière et du rhinovirus ont confirmé que l’immunité temporaire fournie par une réponse interféron pourrait être suffisante pour produire les pics épidémiques asynchrones enregistrés pour ces 2 virus. Au niveau de la population, le concept d’interférence virale correspond à un phénomène écologique dans lequel l’épidémie causée par un virus retarde le début ou avance la fin de l’épidémie causée par un autre virus. Ces épisodes sont difficiles à mettre en évidence car la dynamique de transmission des virus respiratoires peut être influencée par les comportements sociaux de différents groupes d’âge. Le taux de contact entre les personnes peut également varier en fonction des différentes périodes de l’année, par exemple lors de l’ouverture et de la fermeture des écoles. De plus, une grande partie des infections respiratoires sont asymptomatiques et ne nécessitent pas de tests, excluant ainsi une partie de la population des études. Les conditions environnementales telles que la température et l’humidité peuvent être des facteurs de confusion pour l’interférence virale. Des études épidémiologiques prospectives permettant de détecter plusieurs virus respiratoires dans des échantillons d’écouvillonnage nasopharyngé en série de participants sur plusieurs périodes épidémiques permettraient de mettre en évidence l’interférence virale. Le type d’interaction entre des virus respiratoires produisant des pics épidémiques distincts doit ensuite être confirmé en évaluant leur probabilité de co-détection chez les patients, ainsi que les mécanismes impliqués dans les modèles ex vivo et in vivo.

 

La réapparition du virus H1N1 en 1977 et la pandémie de H1N1 de 2009 à 2011 ont permis d’étudier les interactions épidémiologiques entre le virus nouvellement en circulation et les virus respiratoires saisonniers dans les hémisphères Nord et Sud, renforçant ainsi le concept d’interférence virale. Pendant la pandémie de Covid-19, les interventions non pharmacologiques (masques, confinement) ont empêché la circulation de la plupart des virus respiratoires. Par conséquent, leurs interactions potentielles avec le SRAS-CoV-2 du covid-19 n’ont pas pu être déterminées dans les études épidémiologiques, sauf dans certains rapports au début de la pandémie. Une revue systématique et une méta-analyse ont montré que les virus respiratoires les plus couramment co-détectés avec le virus du Covid-19 étaient les virus de la grippe, le virus respiratoire syncitial (VRS) et le rhinovirus (VRH). Ceci peut expliquer en partie pourquoi les enfants ont été moins infectés par le SRAS-CoV-2, car ils sont très souvent porteurs de VRS et de VRH.

Une fois les restrictions sanitaires levées, la circulation des virus respiratoires saisonniers reprend et les différents types d’interactions et d’interférences virales peuvent se reproduire à nouveau.

 

 

Bibliographie

Piret J, Boivin G
Viral Interference between Respiratory Viruses
Emerg Infect Dis 2022 28 2 273 281
DOI : 10.3201/eid2802.211727

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Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.

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