dernière mise à jour le 02/05/2016
Il est désormais bien établi que le diabète de type 1 résulte d’une destruction irréversible des cellules bêta par un mécanisme auto-immun nécessitant le recours à l’administration définitive d’insuline. Agir sur les acteurs à l’origine de cette destruction, comme les cytokines et les chémokines produites par les cellules de l’immunité, interférer dans les interactions entre lymphocytes et cellules endothéliales de l’îlot, réduire l’activation des cellules effectrices de l’immunité au niveau intestinal et au sein des ganglions pancréatiques, enfin induire une tolérance sont autant de pistes thérapeutiques potentielles et prometteuses.
Depuis la mise en évidence en 1976 par G. F. Bottazzo d’anticorps anti-îlots de Langerhans dans le sérum de diabétiques de type 1 et les essais thérapeutiques dans les 20 ans qui ont suivi, d’importantes étapes dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie ont été franchies. Il importe désormais :
• de constater l’importante hétérogénéité des lésions histologiques d’insuline entre les patients et de la réduction de la masse des cellules bêta. Des cellules bêta peuvent en effet persister au sein des îlots plusieurs dizaines d’années après le diagnostic clinique ;
• de noter la difficulté d’avoir des biomarqueurs qui reflètent parfaitement en périphérie le mécanisme inflammatoire présent au sein des îlots et l’impossibilité à quantifier in situ la masse de cellules bêta ;
• de retenir l’importance des facteurs de l’environnement comme les infections virales, l’alimentation, l’obésité dans la modulation épigénétique à l’origine de la forte augmentation de l’incidence de la maladie depuis 20 ans ;
• de prendre en compte, dès l’élévation de la glycémie, l’importance des mécanismes d’amplification de la perte des cellules bêta par apoptose suite au stress oxydant et à l’induction de stress du réticulum, mais aussi suite à l’activation de la réponse immunitaire après des modifications antigéniques post-translationnelles qui donnent lieu à des épitopes très immunogéniques. Ces nouvelles données ouvrent la voie à des approches beaucoup plus personnalisées, notamment par la recherche de bons répondeurs pour les protocoles d’immuno-intervention et/ou d’inductions de tolérance.
Si le diabète 1 est bien une maladie auto-immune, les immuno-interventions ciblées devraient en théorie moduler l’histoire naturelle de la maladie et prévenir l’hyperglycémie en cas d’intervention précoce. Le succès des interventions dans les modèles animaux a donné lieu à différentes modalités d’intervention. Alors que la prévention de la maladie reste l’objectif ultime, la plupart des essais cliniques se sont concentrés sur le début clinique du diabète avec comme objectifs la protection des cellules bêta et le maintien d’une insulinosécrétion endogène. Il s’agit de protocoles de prévention tertiaire, avec comme cible le maintien des taux de C-peptide, et comme conséquences la réduction de la variabilité glycémique et potentiellement, à plus long terme, celle des complications du diabète. À l’inverse, d’autres stratégies cherchent, en prévention primaire, à prévenir l’auto-immunité chez des sujets sélectionnés sur la base d’un risque génétique par exemple lors d’un dépistage néonatal. En prévention secondaire, les études cherchent à étudier l’impact sur l’incidence de la maladie clinique chez des sujets porteurs de marqueurs d’auto-immunité dans des populations à haut risque, notamment apparentés du 1er degré de diabétiques.
Comme la population concernée n’a aucun signe d’auto-immunité ou d’anomalies métaboliques, les approches doivent par définition être dénuées de tout effet secondaire. La plupart des études ont été d’ordre nutritionnel avec soit des évictions, soit des supplémentations alimentaires. Parmi les protocoles mis en place ou à l’étude figurent les modifications des protéines du lait de vache, le régime sans gluten, l’apport d’acides oméga-3 et les supplémentations en vitamine D. Il est à noter qu’aucun essai de prévention primaire impliquant une vaccination contre des virus cibles ou une stratégie antigène spécifique n’a été initié.
• Le lait de vache
Sur la base d’études épidémiologiques et de méta-analyses suggérant une relation entre l’introduction précoce du lait de vache chez le nouveau-né et le développement du diabète de type 1, une étude pilote finlandaise a pu, chez 250 enfants apparentés de type 1 et suivis sur 10 ans, démontrer que l’utilisation précoce d’un lait avec un hydrolysat de la caséine est associée à une réduction de la prévalence des auto-anticorps par rapport à une alimentation lactée traditionnelle avec un Hazard ratio (HR) abaissé de 0,51 (IC : 0,280,91). Cette étude a donné suite à un essai multicentrique randomisé, TRIGR (Trial to Reduce Incidence of Diabetes in Genetically at Risk), afin d’étudier l’évolution de l’incidence de la maladie chez des nouveau nés avec un génotype HLA à risque ; les résultats du suivi à 10 ans sont attendus en 2017. Une autre étude, FINDIA (Finnish Dietary Intervention Trial for the Prevention of Type 1 Diabetes), a testé l’éviction de l’insuline bovine dans le lait de vache et a démontré la possibilité d’une réduction de l’auto-immunité humorale dans le groupe expérimental. À ce stade, et en attendant les résultats de l’étude TRIGR, il n’est pas encore établi si l’introduction précoce du lait de vache chez des enfants avec HLA de susceptibilité a réellement un rôle pathogène ou si l’allaitement maternel prolongé a un rôle protecteur.
• Le gluten
Partant des études observationnelles indiquant que le développement de l’immunité anti-cellules bêta chez l’enfant coïncide avec la diversification alimentaire et l’introduction du gluten, de la forte prévalence de la maladie cœliaque chez les enfants avec diabètes de type 1 et du rôle joué par l’immunité intestinale, des études de suppression du gluten de l’alimentation ont été réalisées. L’étude BABYDIET ayant randomisé 150 enfants apparentés au 1er degré à des DT1 avec un génotype HLA à risque en décalant l’introduction du gluten à 12 mois, n’a pas montré de réduction du risque de développer des auto-anticorps et un diabète. Cette piste a été par la suite abandonnée.
• La vitamine D
Contrairement aux données expérimentales très prometteuses, les études rétrospectives sur la relation entre taux de 25-OH vitamine D et risque de diabète sont assez discordantes. Au cours de l’étude prospective DAISY (Diabetes Autoimmunity Study in the Young) chez des apparentés de type 1, la supplémentation en vitamine D des enfants n’a pas réduit le risque d’auto-immunité anti-îlots et la progression vers le diabète de type 1. En revanche, une méta-analyse de 4 essais contrôlés a indiqué une réduction du risque de diabète de 29 % (Odds ratio [OR] : 0,71 ; IC : 0,60-0,84). Des essais contrôlés et randomisés sont prévus avec une longue durée de suivi pour évaluer l’intérêt d’une supplémentation en vitamine D dès la petite enfance.
• Insuline
Sachant que l’insuline est un auto-antigène important de la cellule bêta, plusieurs essais d’intervention avec l’insuline administrée par différentes voies ont été entrepris, sur les bases de données expérimentales prometteuses. L’étude DPT-1 (Diabetes P -Type 1) a comporté deux études en parallèle, l’une avec de l’insuline injectable avec une dose quotidienne de 0,25 U/kg chez 339 apparentés avec un risque de diabète de 50 % à 5 ans, et une autre avec 7,5 mg/j d’insuline orale versus placebo chez 372 apparentés avec un risque de 25-50 % à 5 ans. Dans l’étude avec insuline injectable, deux hypothèses étaient testées : d’une part, la mise au repos des cellules bêta via l’insuline exogène avec la réduction de l’expression des auto-antigènes et, d’autre part, un effet immuno-modulateur de l’insuline. Malheureusement, aucune différence dans l’incidence de la maladie n’a été observée avec le groupe contrôle non traité. Dans le protocole insuline orale, alors qu’aucun effet n’a été noté dans la population totale de l’essai, un retard d’apparition du diabète de 4,5-5 années dans le sous-groupe porteur d’anticorps anti-insuline à un titre élevé à l’inclusion a été constaté. L’effet protecteur a persisté après l’arrêt du traitement, ce qui suggère l’induction d’une tolérance. Un nouvel essai incluant des sujets avec les mêmes caractéristiques a débuté dans le cadre du réseau Trialnet.
• La glutamate décarboxylase-65
Fortement argumentées par des résultats probants chez la souris NOD, les stratégies vaccinales utilisant la GAD65 avec des sels d’aluminium comme adjuvant ont été utilisées chez l’homme dans des études de phase II et de phase III. Les études initiales de phase II chez des patients avec un diabète LADA, ainsi qu’une étude IIb chez des diabétiques de type 1, âgés de 10 à 18 ans, ont donné des résultats prometteurs tant sur le plan immunologique, avec une réorientation du système immunitaire vers une activité Th2, que sur le plan métabolique avec des taux plus importants de peptide-C. Cet enthousiasme n’a été confirmé ni par des études récentes de phase II/III, ni dans une étude randomisée de phase III contre placebo avec 2 modalités différentes d’administration de GAD65-Alum chez 334 diabétiques âgés de 10 à 20 ans. Dans cette étude, il n’y avait aucune différence concernant la valeur du peptide-C à 15 mois, la dose d’insuline quotidienne utilisée et les valeurs d’HbA1c, alors que le profil immunitaire était favorablement modifié avec une baisse de la quantité de cellules Th1/Tc1 circulantes.
• Les peptides de la protéine de choc thermique Hsp60
À la suite de la démonstration d’effets protecteurs spectaculaires dans les modèles expérimentaux de diabètes auto-immuns, des essais d’administration sous-cutanée de peptides de Hsp60 ont été initiés. En raison de la fixation de Hsp60 au TLR2, les effets protecteurs ont été associés avec une orientation Th2 du système immunitaire et une action anti-inflammatoire. Plusieurs études ont utilisé un variant du peptide p277 dans lequel 2 cystéines sont mutées en valine pour améliorer la stabilité (Diapep 277, Andromeda Biotech) avec un effet marginal.
• Le nicotinamide
Le nicotinamide est une forme hydrosoluble de vitamine B6 qui, chez l’animal, augmente la production d’insuline et prévient le développement du diabète. Une étude de prévention dans une population d’âge scolaire menée en Nouvelle-Zélande avait indiqué une réduction de 50 % de l’incidence du diabète dans le groupe traité d’enfants ICA positifs (avec anticorps anti-ilots pancréatiques). Toutefois, deux larges études multicentriques (DENIS et ENDIT) chez des apparentés de diabétiques de type 1 ayant un risque de diabète de 40 % à 5 ans n’ont pas retrouvé d’effets cliniques de prévention.
• Des traitements d’immunomodulation
Ils sont de nouveau envisagés au stade de prédiabète. Le réseau Trianet conduit un essai avec l’anticorps anti-CD3 teplizumab chez des apparentés à haut risque de diabète en présence de 2 spécificités d’auto-anticorps et une anomalie de la tolérance glucidique lors d’une charge orale en glucose. Une autre étude concerne l’abatacept chez des apparentés avec 2 autoanticorps et une tolérance au glucose normale. Ces deux études sont au stade du recrutement.
Depuis les années 1980, un certain nombre d’essais, avec historiquement la ciclosporine, ont démontré qu’il était possible d’interférer avec le cours de la maladie et de protéger les cellules bêta par des traitements immunosuppresseurs en augmentant le nombre et la durée des rémissions cliniques et/ou en maintenant le taux de peptide-C circulant. Toutefois, ces effets ont toujours été transitoires et n’induisaient pas de tolérance, avec parfois des effets secondaires dissuasifs pour une utilisation en clinique. Les essais avec le mycophénolate mofétil (MMF) n’ont pas permis d’obtenir d’effets, probablement parce que ce traitement a pour cible la population CD4+ CD25+, dont une partie a des propriétés régulatrices. Les essais avec le rituximab ciblant la population lymphocytaire B CD20+ ont indiqué des effets sur le maintien des taux de peptide-C et sur les taux d’HbA1c. Ce résultat est intéressant sur le plan conceptuel, car illustrant l’importance des coopérations T et B, mais les effets secondaires importants et l’absence de tolérance limitent les applications cliniques d’une telle stratégie. D’autres approches ciblant d’autres voies du système immunitaire, comme les CTLA4-Ig qui bloquent les voies de costimulation CD28-B7 (abatacept) ou des agents anticytokines, soit antiTNFα (étanercept), soit anti-IL-1 (anakinra, canakinumab), ont été testées dans des études pilotes ou sont en cours dans de plus larges études. Une amélioration significative, mais partielle et temporaire, des paramètres métaboliques a pu être notée dans ces essais.
Des données plus importantes ont été obtenues ces dernières années avec l’administration d’anticorps anti-CD3 humanisés comme otélixizumab et teplizumab. Ces deux études ont souligné que, pour être efficace, la dose administrée d’anti-CD3 doit être suffisante, au prix d’un certain nombre d’effets secondaires et qu’il n’y a pas, contrairement au modèle de la souris NOD, d’arguments pour un effet à long terme par induction de tolérance.
Les approches combinées peuvent tout d’abord associer deux agents immunosuppresseurs qui agissent sur deux voies différentes du système immunitaire afin de renforcer l’immunosuppression. C’est le principe des essais associant anti-CD3 et anti-CD25, ou IL-2 et rapamycine. Progressivement, il est apparu nécessaire d’intégrer, d’une part, la particularité de la cellule bêta, cellule très fragile et exposée au stress métabolique et, d’autre part, le principe d’un mécanisme auto-immun chronique et très hétérogène en fonction des individus, cela expliquant des données histopathologiques très variables selon les patients. Malgré les difficultés persistantes pour quantifier in vivo la masse des cellules bêta, il apparaît logique d’envisa ger des approches combinées agissant sur le système immunitaire et sur les cellules bêta. L’obtention récente d’agonistes injectables du GLP-1 et de son récepteur est un élément important dans cette stratégie, même si la preuve d’une régénération cellulaire bêta reste hypothétique chez l’homme. Des essais combinant anti-CD3 et exénatide vont débuter.
Il est surprenant de constater qu’alors que le mécanisme auto-immun de perte des cellules bêta est un processus très lent, celui-ci est relativement résistant aux approches d’immuno-intervention. La vitesse de destruction et de perte des cellules bêta est par nature hétérogène. Elle reflète l’activité des mécanismes T régulateurs et des cellules effectrices de l’immunité, l’importance et la vitesse d’amplification de la réponse lymphocytaire antigène dépendante, l’importance de la production de néoantigènes dans le cadre de mécanismes inflammatoires locaux ou de stress métabolique, les capacités de prolifération et de récupération des cellules bêta. Une meilleure compréhension des mécanismes pathogéniques sous-jacents devrait permettre de mieux individualiser les thérapeutiques d’immuno-intervention dans le cadre du diabète de type 1 et de personnaliser les approches thérapeutiques.
Thivolet C
Où en est-on des essais de vaccination/prévention dans le diabète de type 1 ?
JIM. 28/08/2014
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