humeur du 05/07/2021
On dit qu’un évènement est traumatisant, stressant ou stresseur quand il déclenche un ensemble de réactions physiologiques rassemblées sous le terme général de stress. Ces réactions sont généralement assez brèves, mais peuvent avoir des répercussions dont la durée dépend de plusieurs facteurs dont deux sont très importants : la précocité et l’intensité. Nous savons tous que les traumatismes de l’enfance entraînent des troubles psychologiques qui peuvent durer très longtemps. Chez l’adulte, la violence d’un traumatisme peut provoquer un long syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Le stress est également connu pour déclencher des coronaropathies, des ulcères, de l’urticaire, des troubles musculo-tendineux, des lombalgies et nombre de troubles somatomorphes.
Une question se pose régulièrement sur sa possible relation avec les cancers. La plupart des études concluent à l’absence de lien. Ce qui semble logique, puisque le stress agissant principalement sur le système nerveux autonome, on voit mal comment il pourrait agir sur les mutations des divisions cellulaires. Pour le très fréquent cancer du sein, par exemple, on n’a pas réussi à établir de lien.
Néanmoins, ces études constatent deux faits cliniquement intéressants. D’une part, le diagnostic de cancer est lui-même un stresseur à l’origine de plusieurs troubles psychologiques et cognitifs qui vont à leur tour influencer défavorablement l’évolution de la maladie. D’autre part, les personnes plus anxieuses se soumettent plus volontiers au dépistage et reçoivent donc plus souvent ce diagnostic qui vient majorer leur anxiété. Il apparait que le dépistage et le diagnostic précoce augmentent le nombre de diagnostic chez les personnes vulnérables au stress et créent un cercle vicieux de contrôles qui finit par dégrader la vie plus que le cancer lui-même. La mortalité cardiovasculaire est multipliée par 6 et le suicide par 12 dans la semaine qui suit un diagnostic de cancer.
On a longtemps cru que les schizophrènes avaient moins de cancers, la réalité est que la gravité de leurs symptômes ne leur offre pas l’opportunité de la cancérophobie, et que leur moindre durée de vie leur laisse moins de temps pour les dépistages et les diagnostics.
Si les personnes anxieuses ou stressées semblent avoir plus de cancer, ce n’est pas par un mécanisme physiopathologique intime, mais par un accès plus compulsif à la médecine et au dépistage. Le conseil le plus sensé à leur donner est de ne pas abuser des dépistages et diagnostics précoces, et d’attendre sagement qu’un cancer se manifeste sans équivoque. Le pronostic sera peut-être meilleur, car les thérapeutiques se sont améliorées et que leur stress sera plus tardif, donc moins délétère sur le déroulement de la maladie. CQFD
On pourrait faire la même recommandation aux personnes moins anxieuses, mais c’est probablement inutile, car elles savent déjà qu’il est préférable d’attendre qu’un cancer soit clinique pour commencer à s’en tourmenter.
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Par catégorie professionnelle | |
Médecins | 27% |
Professions de santé | 33% |
Sciences de la vie et de la terre | 8% |
Sciences humaines et sociales | 12% |
Autres sciences et techniques | 4% |
Administration, services et tertiaires | 11% |
Economie, commerce, industrie | 1% |
Médias et communication | 3% |
Art et artisanat | 1% |
Par tranches d'âge | |
Plus de 70 ans | 14% |
de 50 à 70 ans | 53% |
de 30 à 50 ans | 29% |
moins de 30 ans | 4% |
Par motivation | |
Patients | 5% |
Proche ou association de patients | 3% |
Thèse ou études en cours | 4% |
Intérêt professionnel | 65% |
Simple curiosité | 23% |
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Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem