dernière mise à jour le 25/11/2024
Comprendre les processus évolutifs du cancer
Les méthodologies que nous utilisons pour étudier le cancer changent constamment. Ces dernières années, les chercheurs ont aligné les preuves pathologiques sur la théorie classique de l’évolution, ce qui s’accompagne à la fois d’opportunités et de défis. Ici, je discute d’un défi pratique sur le paysage évolutif de la tumorigenèse colorectale. Comment acquérir et traiter des échantillons de lésions pré-malignes. Je note également un résultat particulièrement surprenant, qui ne pouvait être glané que par une analyse orientée évolutionniste.
Exemple du cancer colorectal
En réponse à la baisse massive des coûts de séquençage, la stratégie expérimentale éprouvée de biopsie unique et de quelques loci a récemment cédé la place à l’échantillonnage multi-biopsies et au séquençage de nouvelle génération. Il me semble que la génétique du cancer du 21e siècle consiste maintenant à ratisser large et à utiliser la modélisation mathématique pour révéler de nouvelles informations évolutives. La mesure de l’hétérogénéité intratumorale est particulièrement essentielle car elle permet d’utiliser la phylogénétique et d’autres analyses susceptibles de découvrir avec précision le développement des cancers.
L’échantillonnage spatial des tumeurs est essentiel pour effectuer des analyses évolutives. La micro-dissection de petites lésions, telles que les adénomes, présente un défi supplémentaire.
Le cancer colorectal est une tumeur maligne bien étudiée. Il est vrai que de nombreuses caractéristiques génétiques communes (appelées « mutations conductrices ») sont en fait déjà connues, mais là encore, de nombreuses questions difficiles restent sans réponse. Par exemple, quelle est la relation précise entre les génotypes et les phénotypes du cancer ? Cela signifie que nous ne savons tout simplement pas quelles mutations clés sont responsables de la transformation des tissus bénins en cancers.
Les motivations de cette étude étaient donc claires : nous voulions améliorer la compréhension de la génétique du cancer du côlon et en particulier de la façon dont les adénomes (qui sont des lésions précurseurs bénignes) évoluent pour devenir des cancers. Cependant, pour ce faire, nous devions surmonter certains problèmes pratiques. Les adénomes sont courants et systématiquement retirés lors des procédures d’endoscope en clinique. Cependant, pour obtenir des échantillons frais congelés (et donc des données de séquence de haute qualité), un processus spécial devait être mis en place pour sécuriser les échantillons au fur et à mesure de leur retrait. De plus, comme je l’ai mentionné ci-dessus, l’échantillonnage multi-régions était également nécessaire pour permettre des inférences évolutives, mais les adénomes sont généralement petits et difficiles à micro-disséquer. Le pathologiste qui s’occupe de chaque patient a également besoin de suffisamment de matériel pour effectuer son travail de diagnostic, ce qui signifie que nous ne pouvons jamais avoir le champ libre du scalpel.
Comment avons-nous surmonté ces obstacles ? Parmi les auteurs se trouvent plusieurs gastro-entérologues et, grâce à eux, nous avons pu éthiquement organiser spécialement des collections d’adénomes. Pour échantillonner physiquement ces adénomes, nous avions simplement besoin de patience et de la volonté pour nous coordonner avec le pathologiste en service. Et bien sûr, une main ferme.
La découverte la plus surprenante de cette étude est survenue lorsque nous avons construit des arbres phylogénétiques à partir des données de séquençage de l’adénome. Dans au moins trois des neuf lésions échantillonnées, nous avons constaté que des mutations clés coexistaient dans les tissus, ce qui signifie qu’elles n’auraient pas pu être acquises séquentiellement ou sous forme de balayages sélectifs de la manière qui a été presque universellement supposée. Notamment, dans un adénome, pour lequel nous avons eu quatre biopsies, une biopsie avait une mutation dans le gène KRAS tandis que les trois autres avaient des mutations dans TP53, qui est un gène couramment attribué aux cancers (bien que cette lésion ait été vérifiée par deux pathologistes comme étant en fait un adénome). Les cancers, en revanche, semblent toujours avoir les mêmes mutations motrices présentes dans toutes les biopsies.
Si nous rassemblons les preuves, nous voyons que le chemin évolutif du tissu normal à l’adénome puis au cancer doit s’apparenter davantage à une compétition clonale résultant en un seul balayage plutôt qu’en plusieurs séries de balayages sélectifs comme on le supposait auparavant : le cancer colorectal, semble-t-il, n’est pas toujours une course de relais de mutation de pilote, mais un match de boxe.
Bien que le modèle classique du cancer colorectal puisse rester vrai dans certains cas, à la lumière des analyses évolutives, il semble que nous devions en repenser certains aspects.
Cross W, et al
The evolutionary landscape of colorectal tumorigenesis
Nat Ecol Evol 2018 Oct 2 10 1661 1672
DOI : 10.1038/s41559-018-0642-z
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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