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Intolérance au lactose

dernière mise à jour le 15/05/2014

I / Les mots et les faits

  • Lactose : principal glucide (sucre) du lait.
  • Lactase : enzyme qui permet la digestion du lactose par hydrolyse en le transformant en galactose et glucose.
  • Intolérance au lactose : incapacité partielle ou totale à digérer le lactose par manque ou insuffisance de lactase.

  • Évidemment, tous les mammifères, dont l’homme, digèrent le lactose au début de leur vie, puisque le lait est leur alimentation exclusive.
  • Après le sevrage, les mammifères perdent progressivement la lactase et ne sont plus capables de digérer le lactose.
  • Cependant, certains hommes des peuples qui ont élevé des bovins après le néolithique ont subi une mutation leur permettant de continuer à produire de la lactase, et donc, à digérer le lactose.

  • Il y a trois types d’intolérance au lactose
    • L’intolérance primaire congénitale est une maladie héréditaire rarissime dont on nous ne parlerons pas ici. (On l’appelle aussi l’alactasie congénitale autosomique récessive. Déficience totale du gène LCT producteur de lactase. Les nourrissons homozygotes en mouraient tous auparavant.)
    • L’intolérance primaire de l’adulte : c’est la plus fréquente et la seule dont nous parlons ici.
    • Les intolérances secondaires à des maladies comme la maladie cœliaque ou la maladie de Crohn. Il y a aussi des intolérances secondaires passagères après une gastro-entérite par exemple. Nous n’en parlons pas ici.


II/ Combattre les idées reçues

  • L’intolérance au lactose n’est pas véritablement une maladie. Tous les êtres humains adultes étaient intolérants au lactose avant le néolithique.
  • L’homme est bien le seul mammifère qui boit du lait à l’âge adulte, car il a su apprivoiser des animaux producteurs de lait pour se nourrir.
  • C’est donc la tolérance au lactose qui est une modification récente dans l’espèce humaine, par rapport à l’intolérance qui était la norme.

  • Deux « camps » s’opposent souvent pour le traitement des intolérants au lactose :
    • Le camp des rigoristes qui recommandent un régime strictement sans lactose. Ce sont souvent des adeptes des médecines alternatives.
    • Le camp des laxistes qui pensent que la consommation de lactose va finir par habituer l’organisme. Ce sont souvent des industriels du lait et de ses dérivés.
  • Les deux camps ont tort :
    • Un régime sans lactose strict est quasi impossible, car le lactose se trouve dissimulé dans de nombreux produits alimentaires : potages, jus de fruits, biscuits, pain, céréales de petit-déjeuner, gaufres, crêpes, brioches, soupes, purées instantanées, chips, bacon, saucisses, hot-dog, margarine, vinaigrettes, barres de protéines, bonbons, etc. Ainsi que dans les excipients de plusieurs médicaments.
    • Malgré les nombreuses publications enthousiastes, il n’y a pas d’augmentation secondaire de production de lactase après déficience. Il s’agit d’une mutation évolutionniste qui ne se fait pas en une seule génération !
    • Il semble au contraire que l’on devient de plus en plus intolérant avec les années, car la production de lactase diminue progressivement entre 3 et 20 ans et plus…
  • La vérité est entre les deux :
    • Il faut adapter la consommation de lactose au niveau de l’intolérance.
    • Les signes cliniques d’intolérance varient beaucoup, car la production résiduelle de lactase est très variable d’un individu à l’autre.
    • Les intolérants peuvent consommer entre 3 et 100 gr de lactose par jour sans avoir de symptômes gênants. (¼ de litre de lait correspond à 12 gr de lactose.)
    • Seulement 20% des intolérants présentent des signes cliniques après absorption d’¼ de litre de lait.

  • C’est pourquoi le terme « Intolérance » n’est pas très adapté, il serait préférable de parler de « non digestion » ou « d’indigestion » du lactose. En effet, le fait de ne pas bien digérer le lactose ne donne pas toujours des signes cliniques du registre de « l’intolérable » ou de « l’intolérance ».

III/ Les idées-forces


  • Il ne faut ABSOLUMENT pas confondre l’intolérance au lactose avec l’allergie aux protéines du lait de vache (APLV) qui est rare et très grave pour les nourrissons non allaités par leur mère.
  • Hélas, cette confusion entre intolérance au lactose et APLV est fréquente sur des sites médicaux populaires. Les nourrissons ne sont jamais intolérants au lactose (rarissime) alors qu’environ 2% d’entre eux sont allergiques aux protéines du lait de vache.
  • L’allaitement au sein évite évidemment ce problème.
  • L'ALPV est une maladie diagnostiquée assez tôt chez le nourrisson. L'intolérance au lactose est diagnostiquée souvent tardivement chez l'adulte

  • Les symptômes de l’intolérance au lactose apparaissent entre 30 minutes et 24 heures et ils sont essentiellement digestifs : ballonnements, diarrhées, douleurs abdominales, crampes abdominales, vomissements (surtout chez l'enfant), parfois aussi une constipation.

  • Pour faire le diagnostic, le plus sûr moyen est de supprimer le lactose pendant un certain temps et de le réintroduire dans l’alimentation. On peut ainsi voir quels sont les symptômes directement liés à l’intolérance au lactose.
  • En cas de doute, le test le plus efficace est le dosage de l’hydrogène expiré. On fait absorber 10 gr de lactose.Si le lactose est digéré, il y a libération précoce d’hydrogène. Sinon, la libération est tardive et confirme l’intolérance. (Car le lactose est alors détruit par la flore du colon, ce qui libère de l’hydrogène et du méthane)

  • Le test de mesure de la glycémie après absorption de lactose est très peu utilisé et très peu précis.

IV/ L'espace d'éducation et de progrès


  • Le test génétique, en prélevant des cellules à l’intérieur de la joue, ne se pratique pas couramment. Il est utilisé essentiellement en cas de suspicion d’alactasémie héréditaire (hors sujet).
  • 70% de la population mondiale reste toujours naturellement intolérante au lactose, alors que 30% de la population a acquis une capacité à tolérer le lactose.
  • Cette intolérance est donc très fréquente. Voici le pourcentage d’intolérants selon les régions :
    • 5% à 10% dans les pays d’Europe du Nord
    • 10% à 20% en Amérique du Nord
    • 20% au nord de la France
    • 60% au sud de la France
    • 60% en Amérique latine
    • 70% en Afrique noire
    • 95% en Asie
  • La TOLÉRANCE au lactose est donc un très bel exemple d’adaptation évolutive de l’espèce humaine dans certaines régions d’élevage.

  • Il ne faut pas confondre les symptômes d’intolérance au lactose avec ceux du syndrome dit « du côlon irritable ». Ce sont très souvent les mêmes.
  • Beaucoup de patients réellement intolérants au lactose conservent les mêmes symptômes quel que soit le régime avec ou sans lactose !

  • Une intolérance au lactose n’entraîne pas de carence en calories, protéines, vitamines et oligoéléments. S’il y a carence, il faut donc rechercher d’autres maladies causales
  • Les produits laitiers représentent un bon apport en calcium et en vitamine D. En cas de régime sans lactose, il faudra donc consommer d'autres aliments riches en Calcium et vitamine D, voire des suppléments.
  • Les comprimés de lactase n'ont aucune efficacité démontrée.

V/ Radio trottoir des erreurs quotidiennes


  • Je ne mange plus aucun produit lacté, car on m’a découvert une intolérance au lactose. (Il est parfois préférable de supprimer le lait. Mais les yoghourts, fromages et autres dérivés du lait sont très souvent sans risque, car ils ont déjà subi une hydrolyse, donc une digestion partielle du lactose.)

  • Je ne comprends pas, on me dit que je peux tout de même consommer du lait. (Oui, c’est très souvent possible à condition de ne pas dépasser ¼ de litre par jour. Il faut aussi savoir que les symptômes sont moindres quand le lait n’est pas consommé seul. Il passe mieux derrière d’autres aliments.)

  • J’ai arrêté de prendre des laitages, mais j’ai toujours autant de ballonnements et de douleurs intestinales. (Il faut savoir que le syndrome du côlon irritable est très fréquent, c’est probablement votre cas. Supprimer le lait ne guérit pas tous les problèmes !)

  • On me dit que ce n’est pas une maladie, mais je souffre beaucoup. (Il est difficile de dire exactement ce qu’est une maladie. En réalité, vous n’êtes pas adapté aux changements majeurs de l’alimentation qu’a subis l’homme depuis l’invention de l’agriculture et de l’élevage. C’est tout de même une maladie, mais elle n’est pas très « anormale » puisqu’elle concerne 70% de la population mondiale !)

Bibliographie

Heyman MB.
Lactose intolerance in infants, children, and adolescents.
Pediatrics 2006;118:1279-86.

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