dernière mise à jour le 02/07/2018
La ligne allant de Trieste à St Pétersbourg est nommée ligne Hajnal suite aux travaux de John Hajnal montrant la séparation de territoires possédant des types et niveaux de nuptialité très différents. Au nord et à l'ouest de cette ligne, les relations sociales se sont longtemps conformées au modèle du mariage en Europe de l'Ouest. C'est-à-dire que les hommes et les femmes se marient relativement tard ; beaucoup de gens ne se marient jamais ; les enfants quittent généralement la famille nucléaire pour former de nouveaux ménages, et les ménages ont souvent des membres non-apparentés. Ce modèle remonte au moins au treizième siècle et peut-être à la préhistoire.
Nous soutenons ici que cet environnement de parenté plus faible a poussé les Européens du Nord-Ouest à créer des communautés basées sur des règles morales partagées, plutôt que sur de plus étroits liens de parenté. Les membres de la communauté ont appliqué ces règles en surveillant non seulement le comportement des autres membres, mais aussi leur propre comportement et même leurs propres pensées. Initialement, cette nouvelle mentalité n'avait pas de base génétique. Les individus l'ont acquis dans les limites de la plasticité phénotypique. Au fil du temps, cependant, une base génétique se serait développée grâce à la survie et à la reproduction d'individus mieux indépendants sur le plan social, obéissant à des règles universelles, surveillant d'autres membres de la communauté, développant l’auto-surveillance, l’auto-évaluation, et l’autopunition.
Ces adaptations psychologiques - orientation sociale indépendante, adhésion à la règle universelle, empathie affective, prédisposition à la culpabilité - sont modérément à hautement héritables. Bien que ces règles soient universelles, elles n'ont nécessité que des changements mineurs pour évoluer à partir de mécanismes déjà présents mais limités à des contextes comportementaux spécifiques. L'empathie affective, par exemple, est un trait à l'échelle de l'espèce, mais se limite généralement aux relations avec les proches parents, en particulier entre une mère et ses jeunes enfants. Un scénario évolutif peut être discuté autour de deux questions principales. Ces traits mentaux sont-ils trop complexes pour avoir évolué sur une période de 30 à 300 générations? Sont-ils trop altruistes pour être durables?
Nos travaux arrivent à la conclusion suivante. Au sein des multiples aspects des relations sociales, la force de parenté ayant étant relativement plus faible au nord-ouest de la ligne Hajnal, nous pensons que les Européens du Nord-Ouest en sont venus à considérer les relations sociales davantage à travers le prisme des règles morales universelles. Ces règles ont été appliquées en surveillant non seulement les autres membres de la communauté mais aussi eux-mêmes. Le nouvel état d'esprit s'est initialement développé dans les limites de la plasticité phénotypique, mais au fil du temps il aurait été graduellement câblé à travers la sélection pour des orientations sociales plus indépendantes, l'adhésion à des règles plus universelle, plus d'empathie affective et plus de culpabilité.
Cet état d’esprit et de comportement a eu un succès limité au début. Pendant que les Européens du Nord-Ouest résistaient à la propagation de l'agriculture du sud et trouvaient d’autres moyens de construire des sociétés plus vastes et plus complexes, ces chasseurs-pêcheurs-cueilleurs restèrent confinés sur les côtes de la mer du Nord et de la Baltique. Même là, l'agriculture a fini par l'emporter, et leurs descendants sont restés longtemps marginaux sur la scène politique, économique et démographique. Ce fut ailleurs, principalement au Moyen-Orient, que les populations ont pu acquérir les éléments repères du développement culturel, par exemple la croissance urbaine, la construction de routes, la lecture et l'écriture, la construction de grandes villes, etc.
Les Européens du Nord-Ouest n'ont pris de l'avance sur le reste de l'humanité qu'avec la montée de l'économie de marché et le succès qu'ils ont eu an appliquant ce principe d'organisation à leurs propres sociétés. Ils réussirent parce que leurs relations sociales étaient déjà moins structurées par le principe organisateur rival, à savoir la parenté, et parce qu'ils étaient déjà psychologiquement adaptés à l'individualisme.
En somme, cette nouvelle mentalité libéra les Européens du Nord-Ouest des limites de la parenté et leur permit d’organiser leur société différemment. Ouvrant ainsi la voie à des développements historiques ultérieurs, notamment l'économie de marché et, plus tard encore, l'État moderne. Ils ont ainsi relevé le défi de créer des sociétés plus grandes et plus complexes tout en maintenant des relations sociales ordonnées.
Frost P
The Hajnal Line and Gene-Culture Coevolution in Northwest Europe
Advances in Anthropology, Vol.7 No.3, August 2017
DOI : 10.4236/aa.2017.73011
Hajnal J
European marriage patterns in perspective
Glass DV, Eversley DE, eds. Population in history: essays in historical demography. Chicago, Illinois, Aldine Publishing Company, 1965. 101-43
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon. Voir ICI
Variations ethniques pour la lipoprotéine (a) - Découverte en 1963, la lipoprotéine (a) ou Lp (a) a une structure proche de celle de la [...]
La biologie évolutionniste peut nous aider à relever de grands défis - Les différences entre espèces dans leur capacité à s’adapter aux changements environnementaux [...]
Influence de l’histoire évolutionniste sur la santé et les maladies - Abstract Presque toutes les variantes génétiques qui influencent le risque de maladie ont des [...]
Accouchement : le dilemme obstétrical - Le difficile processus de l’accouchement et de la naissance chez homo sapiens, souvent nommé le [...]
ADN poubelle de l'intelligence humaine - Les traits qui séparent les chimpanzés des humains semblent évidents, nous sommes pourtant des [...]
Du bon sens dans notre assiette - Anthony Berthou ▪ Actes Sud, février 2023 Les ouvrages sur la nutrition abondent, et [...]
Comment nous sommes devenus ce que nous sommes - David Reich ▪ Quanto, 2019 La science de l'ADN ancien, née dans les années 2000, a [...]
Destinées improbables
Le hasard, la nécessité et l'avenir de l'évolution - Jonathan B Losos ▪ La Découverte, 2021
Ce livre aborde trois aspects de la biologie de [...]
L'origine des troubles mentaux - Randolph Nesse ▪ Markus Haller, 2021 Randolph Nesse et George Williams ont été les premiers [...]
Sentir et savoir - Une nouvelle théorie de la conscience - Antonio Damasio ▪ Odile Jacob, 2021 Ce livre reprend et résume les recherches et les idées [...]
Les critères du DSM III, parce qu'ils étaient plus précis, plus techniques et validés par la psychiatrie, ont autorisé big pharma à promouvoir le traitement médicamenteux d'états problématiques, d'une manière que le bon sens aurait auparavant jugée abusive et contestable.
― Jerome C Wakefield