humeur du 23/12/2021

L’année/qualité de vie est l’unité qui établit le rapport entre le coût financier d’une action médicale et son bénéfice sanitaire. On utilise souvent QALY (quality adjusted life years).
L’amputation d’un membre pour éviter la gangrène peut faire gagner 20 ans de vie dont la qualité diminuera de 25% par exemple, le gain sera de 15 QALYs pour environ 2000 € dépensés. La rentabilité est excellente. En Afrique, une perfusion intra-péritonéale d’eau bouillie peut sauver un nourrisson et lui faire gagner de 30 à 50 QALY pour un coût de cinquante centimes. Dans ce même continent, un euro dépensé pour la scolarisation d’une petite fille a une rentabilité encore supérieure si l’on ajoute les QALY gagnées par ses futurs enfants. On a calculé que faire gagner un kilo à un enfant ougandais coutait 15 centimes.
Les anticancéreux représentent un marché mondial de 180 milliards d’euros, évalué à 270 milliards en 2025. Trois des produits les plus prescrits (pembrolizumab, lenalidomide et ibrutinib) font gagner respectivement 1 mois, zéro et zéro par rapport à des traitements anciens et moins coûteux.
Le rendement du traitement de la maladie de Parkinson est assez bon (5 000 € par QALY). Un antiviral efficace contre l’hépatite C coûte 50 000 euros par patient. On vient d’autoriser un médicament préventif contre les formes graves de covid-19 au prix de 3000 €, sur des bases purement théoriques. Les progrès fulgurants des biotechnologies permettent de synthétiser les protéines manquantes de certaines maladies rares. L’une d’elles a été commercialisée dans l’amyotrophie spinale, horrible maladie génétique qui entraîne de grandes souffrances suivies de la mort des nourrissons avant l’âge de deux ans. Les autorités ont accepté son prix de 2 millions € par injection, sans avoir eu la preuve d’une amélioration de la qualité de vie, ni une prolongation significative de sa durée.
En Europe, il ne faut plus parler en années depuis longtemps mais en mois/qualité ou jour/qualité gagnés, sans compter que certaines actions médicales entraînent une perte. Tous les traitements fort coûteux proposés dans la maladie d’Alzheimer ont eu une rentabilité nulle, voire négative.
Cette façon de calculer n’est ni élégante ni éthique, le proverbe dit que la santé n’a pas de prix, le réalisme oblige cependant à considérer qu’elle a un coût. Certaines thérapies géniques ont déjà permis d’obtenir des gains de quantité/qualité de vie appréciables chez quelques dizaines d’enfants. Nous comprenons la joie des chercheurs et des parents devant ces résultats suscitant l’espoir. Cependant, le gain d’une seule QALY peut coûter plus de 100 millions €. Les plus riches démocraties n’ont ni les moyens de cette médecine, ni l’audace de fixer une limite au coût par QALY.
Une première audace serait de supprimer les traitements à rentabilité nulle ou négative chez les séniors pour mieux investir sur les graves maladies des enfants. C’est notre ultime espoir de progrès médical.
Alderman H, Konde-lule J, Sebuliba I, Bundy D, Hall A
Effect on weight gain of routinely giving albendazole to preschool children during child health days in Uganda : cluster randomised controlled trial
BMJ. 2006 Jul 15; 333(7559): 122
DOI : 10.1136/bmj.38877.393530.7C
Institut national du cancer
analyse économique des coûts du cancer en France
mars 2007
Pharoah PDP et coll
Cost effectiveness of the NHS breast screening programme: life table model
BMJ 2013; 346:f2618
DOI : 10.1136/bmj.f2618.
Prescrire rédaction
Lénalodimide (Revlimib) et myélome multiple en traitement d'entretien après autogreffe : résultats discordants
La Revue Prescrire, avril 2018, t 38, N° 414, p 245
Prescrire rédaction
Pembrolizumab (Keytruda) en première ligne dans certains cancers des voies aérodigestives métastasés ou récidivants
La revue prescrire, avril 2021, t 41, N° 450, p 252
Prescrire rédaction
Ibrutinib (Imbruvica) plus un anti-CD20 et leucémie lymphoïde chronique en première ligne
La revue Prescrire, sept 2021, T 41, N° 455, p 656
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La biomédecine a déplacé l’obsession diagnostique de plus en plus en amont dans le cours de la vie, chez des personnes ne présentant aucun symptôme. [...] L’obsession diagnostique et la technologie ont progressivement conduit la biomédecine à estimer que les signes paracliniques ont un potentiel de morbidité supérieur à celui des symptômes. Il devient ainsi licite de traquer ces signes paracliniques, le plus tôt possible, sans attendre des symptômes qui deviennent alors la preuve d’un retard diagnostique.
― Luc Perino