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Théorie hygiéniste

dernière mise à jour le 15/11/2025

L’EFFET DES INFECTIONS SUR LA SUSCEPTIBILITÉ AUX MALADIES AUTO-IMMUNES ET ALLERGIQUES

Les infections peuvent induire des maladies auto-immunes. Les mécanismes invoqués sont le mimétisme moléculaire et une augmentation de l'immunogénicité des auto-antigènes causée par l'inflammation de l'organe cible. Paradoxalement des agents infectieux peuvent aussi réduire des allergies et désordres auto-immuns

 

Cette métanalyse résume les preuves que le principal facteur de l'augmentation de la prévalence de ces maladies dans les pays industrialisés est la réduction de l'incidence des maladies infectieuses au cours des trois dernières décennies.

Ce concept n'est pas nouveau. En 1966, par exemple, Leibowitz a constaté que le risque de SEP est accru chez les personnes qui ont passé leur enfance dans une maison où le niveau d'hygiène est élevé.

Environ 20 ans plus tard, Strachan a observé que le risque de rhinite allergique était inversement lié au rang de naissance et à la taille de la famille. Il a suggéré que les infections dans la petite enfance jouent un rôle dans la prévention de la rhinite allergique.  

 

TENDANCES ÉPIDÉMIOLOGIQUES CONTRASTÉES DANS LES PAYS DÉVELOPPÉS

Les données épidémiologiques confirment une augmentation constante de l'incidence des maladies allergiques et auto-immunes dans les pays développés au cours des trois dernières décennies. L'asthme , la rhinite, la dermatite atopique, la sclérose en plaques (SEP), la maladie de Crohn chez les adultes et le diabète de type 1
chez les jeunes enfants.

La prévalence de l'asthme, du rhume des foins et de la dermatite atopique a doublé chez les écoliers suédois entre 1979 et 1991. L'incidence de la SEP a également doublé entre 1969 et 1986 en Allemagne.  L'incidence de la maladie de Crohn a plus que triplé en Europe du Nord entre les années 1950 et les années 1990. L'incidence de ces troubles a apparemment commencé à augmenter dans les années 1950 et continue de le faire aujourd'hui, bien que l'incidence de certaines de ces maladies semble atteindre un plafond.

Parallèlement, il y a eu une diminution évidente de l'incidence de nombreuses maladies infectieuses dans les pays en développement grâce aux antibiotiques, à la vaccination ou, plus simplement, à l'amélioration de l'hygiène et des conditions socio-économiques. Notamment la tuberculose, la rougeole, les oreillons, l'hépatite A et les infections intestinales.

De plus, l'âge auquel la colonisation de la flore intestinale se produit diffère d'un pays à l'autre : la colonisation intestinale par des bactéries à Gram négatif, par exemple, se produit plus tard dans les pays développés que dans les pays moins développés, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. La forte prévalence des infections parasitaires, notamment à plasmodium et à schistosomes dans les pays du sud, contraste avec l'absence de ces maladies dans les pays développés. En outre, la fréquence des infestations par des parasites mineurs tels que les oxyures au cours de la dernière décennie a diminué dans les pays en développement.

 

LA RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES MALADIES ALLERGIQUES ET AUTO-IMMUNES

 

Le gradient Nord-Sud

Les maladies allergiques et auto-immunes ne sont pas réparties uniformément entre les continents, les pays, les régions bien circonscrites d'un pays donné ou les groupes ethniques. Un examen de la distribution révèle plusieurs phénomènes importants et probablement interdépendants. L'un d'entre eux est le gradient nord-sud : l'incidence des maladies diminue du nord au sud dans l'hémisphère nord (et réciproquement du sud au nord dans l'hémisphère sud). Ce gradient est manifeste pour la SEP et le DT1 en Europe. Une comparaison entre l'Europe et l'Afrique fait apparaître une tendance similaire et encore plus nette. Il existe des différences géographiques similaires pour l'allergie et la maladie de Crohn en Europe, pour la SEP, le DT1 et la maladie de Crohn en Amérique du Nord, et pour la SEP en Australie.

 

Facteurs génétiques

D’autres explications à ce gradient sont des facteurs génétiques. Par exemple, au Japon, il y a une faible fréquence d'allèles HLA (DR3 et DR4-DQB1*0302) qui augmentent la probabilité de DT1. Inversement,  l'incidence du DT1 1 est élevée chez les habitants de Sardaigne et leurs les descendants émigrés en Italie continentale.

 

Facteurs environnementaux

D’autres facteurs pourraient expliquer l'augmentation rapide de l'incidence des maladies allergiques et auto-immunes dans les pays en développement. Il existe des données frappantes sur l'incidence de la SEP, du DT1 et de l'asthme dans les populations migrant d'un pays à l'autre où les taux de ces troubles diffèrent. Le taux de développement du DT1 chez les enfants de Pakistanais qui ont émigré au Royaume-Uni est le même que celui des habitants non-immigrés, soit environ 10 fois plus élevé que son incidence au Pakistan. En Israël, la SEP est fréquente chez les immigrants d'Europe et rare chez les immigrants d'Afrique ou d'Asie. En revanche, parmi les Israéliens de souche d'origine européenne, africaine ou asiatique, la prévalence de la SEP est aussi élevée que celle des immigrants européens. Il est également à noter que la fréquence du lupus érythémateux systémique est considérablement plus faible chez les Africains de l'Ouest que chez les Noirs américains, deux populations dérivées du même groupe ethnique mais exposées à des environnements différents. À l'inverse, les Britanniques qui migrent vers le nord de l'Australie ont une fréquence réduite de SEP.

 

Interactions entre les facteurs génétiques et environnementaux

Le degré d'influence des facteurs génétiques et environnementaux sur la susceptibilité aux maladies auto-immunes et allergiques est encore mal défini. Le meilleur indice provient des taux de concordance de ces maladies chez les jumeaux monozygotes. Le taux est de 25 % dans le cas de la SEP, de 40 % dans le cas du DT1 et de 75 % dans le cas de l'asthme. Des progrès importants ont récemment été réalisés dans l'identification des zones chromosomiques qui comprennent des gènes qui prédisposent les personnes à la SEP, au DT1 et à l’asthme, mais très peu d'informations sont disponibles sur les gènes eux-mêmes, à l'exception des gènes HLA dans les maladies auto-immunes. Une tâche cruciale consiste à identifier lequel de ces gènes module directement la sensibilité aux facteurs environnementaux incitatifs ou protecteurs. Par exemple, on peut citer l'observation, chez des patients atteints de maladies atopiques, de polymorphismes uniques des gènes codant pour l'interleukine-10 et le facteur de croissance TGF-b, deux cytokines qui pourraient contribuer à l'effet protecteur des infections sur les maladies allergiques.

 

Statut socio-économique

Les différences socioéconomiques sont un facteur évident de l'écart nord-sud. Plusieurs études ont révélé une fréquence plus faible de maladies immunologiques chez les populations ayant un statut socio-économique faible. Le graphique 3 montre la corrélation positive entre le produit national brut et l'incidence de l'asthme, du DT1 et de la SEP dans 12 pays européens. Dans les régions du Yorkshire et de l'Irlande du Nord, il existe une corrélation positive statistiquement significative entre la faible incidence du DT1 et certains indices socio-économiques (chômage, absence de voiture, conditions de logement surpeuplées et vie dans un logement locatif plutôt que dans un bien acheté). Des données similaires ont été rapportées pour la maladie de Crohn dans la province canadienne du Manitoba. Il est également frappant de constater la différence entre l'incidence de l'asthme entre les Allemands de l’ouest et de l’est, malgré leur socle génétique commun.

Certaines infections dans les pays européens peuvent être réparties selon un gradient sud-nord qui est une image miroir du gradient pour les maladies auto-immunes. Cela a été démontré dans le cas de l'infection par le virus de l'hépatite A (VHA). Parmi les recrues militaires italiennes, l'atopie était moins fréquente chez les séropositives pour le VHA que chez les séronégatifs. Les faibles niveaux socio-économiques et les températures élevées sont deux caractéristiques communes aux pays du Sud, peuvent prédisposer les habitants aux infections.

 

Infection infantile

Lorsque l'infection est un facteur incriminant, elle survient souvent tôt dans l'enfance. Dans le Yorkshire, une étude a démontré une corrélation entre l'incidence du DT1 et le degré de mixité sociale, dont la fréquentation des crèches. Les jeunes enfants qui ont des frères et sœurs aînés à la maison et ceux qui fréquentent une crèche pendant les six premiers mois de leur vie ont par la suite une incidence plus faible d'asthme et de DT1. Les enfants de petites familles avaient tendance à avoir une incidence réduite d'atopie lorsqu'ils fréquentaient une crèche dans la petite enfance. Un autre facteur influent est la qualité des soins médicaux, qui varie considérablement d'un pays à l'autre en ce qui concerne l'utilisation des vaccins et des antibiotiques. L'administration d'antibiotiques aux enfants pendant la première année de vie augmente le risque d'asthme et d'allergie chez les enfants ayant une prédisposition génétique à l'atopie. Les antibiotiques pourraient agir en diminuant le nombre d'épisodes infectieux ou en modifiant la flore intestinale. La composition de la flore digestive diffère en effet entre les nouveau-nés qui développent une allergie et ceux qui n’en développent jamais.

 

Autres facteurs

D'autres facteurs comme le climat, l’ensoleillement, les différences culturelles, l’alimentation ne doivent pas être systématiquement écartés. Par exemple, la pollution de l'air peut jouer un rôle dans l'asthme, mais en réalité elle affecte simplement sa gravité clinique, mais pas son incidence. La prévalence de l'asthme à Athènes, en Grèce, est relativement faible, malgré les niveaux élevés de pollution de l'air. L’incidence de l'asthme n'est pas plus faible à la campagne qu'à la ville, sauf chez les personnes élevées dans des fermes, où l'on peut supposer que les enfants sont exposés à des agents pathogènes animaux. Une étude récente menée en Autriche, en Allemagne et en Suisse a confirmé ces résultats et a montré que les allergies étaient moins fréquentes lorsque les enfants étaient exposés tôt et pendant une période prolongée aux animaux de ferme et au lait de vache. D'autres facteurs de risque peuvent inclure des lésions organiques causées par des toxines environnementales et l'effet immunomodulateur d'une carence en vitamine D. Dans des expériences sur des animaux, la vitamine D prévient ou diminue l'intensité du diabète auto-immun et de l'encéphalomyélite allergique expérimentale. Chez l’homme, une carence en vitamine D semble influencer le risque de DT1 et de SEP.

 

EST-CE QUE LA DIMINUTION DE L’INCIDENCE DES INFECTIONS EST BIEN LA CAUSE DE L’AUGMENTATION DES MALADIES ALLERGIQUES ET AUTO-IMMUNES ?

À l’encontre de la théorie hygiéniste, il existe des preuves anecdotiques que l'exposition aux maladies infectieuses est associée à une diminution des manifestations des maladies immunitaires. Il a été rapporté que la rougeole améliorait la gravité du syndrome néphrotique et de la dermatite atopique et qu'elle supprimait transitoirement l'hypersensibilité retardée à la tuberculine. Récemment, il a été rapporté que l'administration délibérée d'un lactobacille non pathogène à des femmes enceintes atopiques, donc à leurs nouveau-nés, réduisait considérablement l'incidence de la dermatite atopique chez les nouveau-nés. De même, l'administration de probiotiques (qui sont des microbes vivants non pathogènes incorporés dans les aliments) aux nourrissons atteints de dermatite atopique a amélioré les lésions cutanées.

Les enfants qui ont reçu des antibiotiques pendant la petite enfance avaient une incidence plus élevée d'allergies et d'autres troubles atopiques que les enfants qui n'en avaient pas reçu - une découverte conforme à l'observation selon laquelle la kanamycine orale augmente la production de cytokines qui favorisent les réactions allergiques chez les souris infantiles. En outre, le traitement régulier aux anthelminthiques d'enfants dans un bidonville de Caracas, au Venezuela, où les helminthes sont endémiques, a été associé à une incidence accrue d'hypersensibilité immédiate aux allergènes environnementaux (sur la base de tests cutanés et de tests d'anticorps IgE spécifiques).

 

Modèles animaux

La meilleure preuve d'une relation causale entre les infrctions et les maladies allergiques ou auto-immunes provient de modèles animaux. Il a été observé de manière constante que les maladies auto-immunes chez les souches sensibles de souris ou de rats se développent plus tôt et à un taux plus élevé chez les animaux élevés en milieu stérile que ceux élevés dans un environnement conventionnel. Chez les souris diabétiques non obèses (NOD) et chez les rats, le recours à l'accouchement par césarienne et à des conditions de vie isolées augmente l'incidence du diabète de 40 % à 80 %.

Le diabète est prévenu chez les souris en infectant les jeunes souris avec des mycobactéries, le virus de la chorio-méningite lymphocytaire, le virus de l'hépatite murine, le schistosome et les filaires.  Le traitement avec des bactéries tuées ou des extraits bactériens (streptocoques ou klebsiellae) offre un degré de protection similaire contre le diabète chez les souris. Le traitement par des mycobactéries protège également contre l'encéphalomyélite allergique expérimentale et inhibe la production d'anticorps IgE.

 

MECANISMES SOUS-JACENTS

 

Lymphocytes T auxiliaires de type 1 et de type 2

On ne sait pas comment les infections protègent contre les maladies allergiques et auto-immunes. Le développement de la plupart des maladies auto-immunes dépend des cytokines inter-leukine-2 et interféron-g produites par les lymphocytes T auxiliaires de type 1 (Th1), tandis que le développement de maladies allergiques nécessite l'interleukine-4 et l'interleukine-5, toutes deux produites par les lymphocytes T auxiliaires de type 2 (Th2). La régulation négative réciproque des cellules Th1 par les cytokines Th2 et des cellules Th2 par les cytokines Th1 soulève la possibilité que ces cytokines soient impliquées dans la protection médiée par l'induction contre l'allergie ou l'auto-immunité. Contrairement aux rapports initiaux, il existe une tendance à une association entre les maladies allergiques et les maladies auto-immune chez les patients individuels : la fréquence des maladies atopiques augmente chez les patients atteints de DT1 et de polyarthrite rhumatoïde. Ces observations correspondraient au concept de mécanismes communs sous-jacents à la protection médiée par l'infection contre l'immunité et l'allergie.

 

Lymphocytes T régulateurs et cytokines

Chez les souris NOD et chez les rats atteints d'encéphalomyélite allergique expérimentale - une maladie auto-immune démyélinisante - la protection contre ces affections conférée par le traitement par mycobactéries peut être transmise à des animaux non infectés par les lymphocytes T CD4+ et cette protection est abrogée par le traitement au cyclophosphamide, un médicament qui peut agir de manière sélective sur les lymphocytes T régulateurs. Chez les souris, la protection contre le DT1 offerte par l'administration de mycobactéries tuées peut impliquer la production de cytokines Th2 dans les îlots, et une telle protection peut être annulée par un traitement avec des anticorps contre l'interleukine-4 et l'interleukine-10. Cependant,  étant donné que les mycobactéries protègent les souris du diabète même si les animaux n'ont pas les gènes fonctionnels de l'interleukine-4 et de l'interleukine-10, d'autres mécanismes peuvent être responsables de cet effet. Le mécanisme d'action des lymphocytes T régulateurs CD25+ est encore mal défini, mais peut impliquer le facteur de croissance (TGF-b).

Deux groupes d'enquêteurs ont constaté qu'il y a beaucoup moins d'interleukine-10 dans les poumons des patients asthmatiques que dans les poumons des sujets témoins, bien qu'il y ait un rapport contradictoire. Inversement, l'infection à schistosome chez les enfants gabonais est associée à une augmentation des taux sériques d'interleukine-10 et à une diminution de l'incidence de l'hypersensibilité immédiate aux antigènes des acariens, et l'administration orale de lactobacille, qui protège contre l'atopie, stimule la production d'interleukine-10. Quoi qu'il en soit, l'interleukin-10 n'est pas le seul facteur puisque, comme nous l'avons déjà mentionné, l'administration de protéines mycobactériennes tuées protège contre le DT1 chez des souris chez lesquelles le gène de l'interleukine-10 a été éliminé.

Dans l'ensemble, les données suggèrent que les agents infectieux stimulent la production de cellules régulatrices dont les effets s'étendent au-delà des réponses au microbe envahisseur. L’inter-leukine-10 et le TGF-b, qui peuvent être produits par CD25+ et d'autres lymphocytes T régulateurs, peuvent inhiber les réponses Th1 et Th2 et sont des candidates plausibles en tant que médiateurs de cette régulation. Il est intéressant de noter dans ce contexte que la protection induite par M. vaccae contre l'inflammation bronchique allergique est médiée par les lymphocytes T CD4+ CD45 RBlow spécifiques de l'allergène et inhibée par les anticorps neutralisants contre l'interleu-kin-10 et le TGF-b.

 

Autres mécanismes

Un deuxième mécanisme pertinent pour l'influence de l'infection sur l'allergie et l'auto-immunité est la compétition antigénique, dans laquelle la réponse immunitaire à un antigène est diminuée par une réponse immunitaire concomitante contre un antigène non apparenté. La concurrence est maximale lorsque l'antigène non apparenté est administré quelques jours après l'administration du premier antigène. La compétition antigénique peut affecter à la fois la production d'anticorps (y compris celle des IgE) et les réponses immunitaires à médiation cellulaire, ainsi que les réponses auto-immunes et allergiques. Les mécanismes de la concurrence antigénique restent inconnus malgré de nombreuses enquêtes.

Le transfert d'anticorps antiviraux maternels aux nouveau-nés peut également jouer un rôle dans la susceptibilité aux maladies immunitaires. Zinkernagel a suggéré que la diminution de l'exposition des femmes à des virus particuliers avant la grossesse pourrait par la suite réduire le degré de protection contre ces virus accordé à leurs nouveau-nés. L’exposition à ces virus pourrait provoquer chez les enfants une réponse immunitaire qui pourrait conduire à une maladie auto-immune. Cette hypothèse pourrait s'appliquer au développement du DT1, dans lequel le virus de la rubéole et le virus Coxsackie B ont été impliqués.

Un autre mécanisme par lequel les bactéries et les virus pourraient protéger contre les troubles immunitaires est lié aux récepteurs de type Toll (TLR), qui sont des récepteurs pour divers composants bactériens. TLR2 sert de récepteur pour le peptidoglycane et les lipoprotéines bactériennes, TLR4 comme récepteur pour le lipopolysaccharide à Gram négatif, TLR5 comme récepteur pour la flagelline et TLR9 comme récepteur pour le motif CpG de l'ADN bactérien. Lorsqu’ils se lient à ces ligands bactériens, les TLR stimulent les cellules mononucléaires à produire des cytokines, dont certaines pourraient réguler à la baisse les réponses allergiques et auto-immunes. Un effet médié par TLR explique probablement l'effet protecteur du motif CpG contre le diabète chez les souris NOD. L'étude du rôle des TLR dans les maladies allergiques et auto-immunes humaines ne fait que commencer. Il existe d'autres mécanismes par lesquels les agents influents peuvent avoir des propriétés immunosuppressives qui ne sont pas liées à la réponse immunitaire aux antigènes spécifiques. Les superantigènes, qui sont des composants de certains produits bactériens ou de protéines virales, peuvent induire la délétion ou, parfois, l'activation des lymphocytes T exprimant un gène V du récepteur V des lymphocytes T . Le rôle possible des superantigènes dans la protection contre les maladies immunitaires est illustré par le fait que l'encéphalomyélite allergique expérimentale est prévenue par un traitement par l'entérotoxine staphylococcique B. Il a également été démontré que l'entérotoxine staphylococcique B 122 favorise le développement de la néphrite lupique chez la souris.

Des études récentes ont indiqué que l'immunosuppression induite par la rougeole pourrait être médiée par l'effet direct de deux protéines du virus de la rougeole sur les cellules mononucléaires. Une grande variété d'infections parasitaires sont associées à une immunosuppression généralisée, un effet qui n'est apparemment pas directement lié à la réponse immunitaire antiparasitaire.

 

Implications cliniques

La relation entre la réduction de l'incidence des maladies infectieuses et l'augmentation de l'incidence des maladies allergiques et auto-immunes, d'une part, et l'effet protecteur apparent des infections contre les maladies à médiation immunitaire, d'autre part, a des implications cliniques évidentes. Un problème majeur avec ces corrélations est que les infections contribuant à la protection ou à la susceptibilité sont mal définies. De plus, certains agents infectieux peuvent déclencher des maladies allergiques ou autonomes. Deux axes de recherche sont nécessaires : l'un devrait porter sur le renforcement de l'expérience épidémiologique, notamment par le biais d'études prospectives. Certaines maladies allergiques et auto-immunes se prêtent à des enquêtes épidémiologiques prospectives parce qu'elles surviennent tôt dans la vie (comme la dermatite atopique, l'asthme et le DT1), ce qui réduit la durée de l'enquête. Le deuxième axe de recherche devrait tenter de réduire l'incidence de certaines maladies allergiques et auto-immunes par immunostimulation inoffensive. Des résultats positifs impliquant un traitement avec un extrait mycobactérien et des probiotiques ont récemment été rapportés chez des patients atteints de dermatite atopique. La vaccination avec le BCG a donné des résultats négatifs chez les patients atteints de DT1, peut-être parce que la durée du traitement était trop courte. Cette approche a produit des résultats encourageants chez les patients atteints de SEP et elle devrait être étudiée plus avant une fois que le traitement se montrera sûr.

Les stratégies vaccinales doivent être examinées dans le cadre de l'hypothèse hygiéniste, notamment en lien avec la vaccination par le BCG. Le problème est complexe. Les vaccinations peuvent provoquer une immunostimulation et donc avoir un effet favorable, ou elles peuvent prévenir des infections « protectrices » et donc avoir un effet défavorable. Il est important de souligner qu'il n'existe pas de données solides indiquant un rôle positif ou négatif des vaccinations dans le développement de maladies auto-immunes ou allergiques. Le bénéfice potentiel de l'antibiothérapie dans les situations où le rôle pathogène d'une bactérie est douteux doit être soigneusement évalué. En plus du problème de la résistance aux antibiotiques, un traitement inutile aux antibiotiques pourrait réduire le degré d'immunostimulation physiologique fourni par les bactéries commensales.

Il y a une certaine ironie dans le fait que nous devons maintenant chercher de nouvelles façons de reproduire les maladies infectieuses contre lesquelles nous nous sommes battus avec beaucoup de succès au cours des trois dernières décennies. Le défi est important en raison de la morbidité élevée des maladies allergiques et auto-immunes. En fait, il pourrait s'étendre à d'autres troubles immunitaires, notamment les lymphomes non hodgkiniens dont la fréquence augmente également dans les pays industrialisés.

 

 

 

Médecine évolutionniste (ou darwinienne)

Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.

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La phrase biomédicale aléatoire

Nous n'hésitons pas à envoyer en prison un médecin qui aurait prescrit un médicament dangereux sans en informer son patient, mais nous sommes impuissants devant une firme qui en aurait vendu des millions en connaissance de cause.
― Mikkel Borch-Jacobsen

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