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Réponse à Eric Solary

Posté le 11/03/2025 par Luc Perino

Cher Eric,

Lorsqu’un épidémiologiste questionne l’utilité d’un dépistage du cancer, on ne lui répond jamais sur la question qu’il a posée et l’on se contente généralement de répéter que le cancer est une maladie grave et fréquente qui aboutit à la mort dans la souffrance pour le malade et ses proches.
Ce discours émotionnel laisse entendre de façon peu élégante que celui qui a émis un doute est dépourvu d’empathie et d’émotion et qu’il ignore la gravité du cancer.
Malgré l’absence de science, épidémiologique ou autre, dans ce type de réponse, on se permet de mettre en doute la science, voire la conscience de celui qui questionne.
Pour éviter des échanges stériles de propagandes ou de croyances, il convient de se recentrer sur les fait, donc sur la science.
Un dépistage organisé est une politique de santé publique qu’il faut donc évaluer en termes de santé publique. La souffrance individuelle n’entre pas dans ce type d’évaluation.
Refaire l’historique du dépistage en nommant les personnes et institutions qui y ont contribué avec des intentions louables ne renseigne pas davantage sur les résultats.
Malgré l’échec global de la grande majorité des dépistages organisés (je ne parle évidemment pas des dépistages ciblés qui peuvent inversement être évalués en termes de santé individuelle), je répète que je n’ai aucun a priori, positif ou négatif, sur le dépistage organisé du cancer colorectal. Je dis simplement que je n’ai pour l’instant aucun moyen d’en juger et qu’il est probable que je n’en aurai pas tant que le critère choisi sera incorrect.
Le critère actuel de guérison sur la survie à cinq ans est irrecevable pour un cancer (ou autre maladie) totalement asymptomatique. Et ce critère restera totalement irrecevable tant que l’on n’aura pas abandonné le dogme de la continuité physiopathologique. Non, toutes les cellules cancéreuses n’évoluent pas vers l’inflation continue, la métastase et la mort, ou du moins à une fréquence et un rythme qui, étant inconnus, invalident définitivement le critère de guérison actuellement utilisé.
Je connais votre implication sans faille dans la recherche en cancérologie et je vous en félicite. Pour cette raison, je n’attends pas de vous un discours de propagande ou une éloge de nos institutions, mais une bibliographie valable sur le rapport coût/bénéfice du dépistage organisé en termes exclusifs de santé publique.
Je peux vous fournir le design d’une étude qui permettrait aux institutions dont vous vous réclamez d’approcher la vérité. Comparer deux groupes de 5000 patients décédés du cancer du côlon, l’un ayant participé au dépistage et l’autre jamais. Il suffirait de noter l’âge moyen constaté à la mort dans chacun des groupes. Une telle étude ne me paraît pas hors de portée pour une institution qui accepte généreusement de mettre de l’argent dans le dépistage.
Tout autre type d’argument peut relever de l’humanisme, de l’empathie ou de la générosité, autant de nobles sentiments dont je m’estime assez pourvu, mais qui ne suffisent pas à satisfaire mon irrépressible besoin de rigueur scientifique.
Je suis d’accord avec votre remarque préliminaire sur notre étrange période où la science est parfois remise en cause sans vergogne par les "puissants" de ce monde. Je pense que nous devons réagir à cette menace avec toujours plus de science.

Amitiés

Luc

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La phrase biomédicale aléatoire

L’éthique est le nouveau mot d’ordre en temps de crise. C’est la promesse moderne faite pour corriger, amoindrir, adoucir la dureté et la violence du monde que nous mettons en place. Elle est une solution pour humaniser le champ des pratiques sociales à grands renforts de processus, de normes et de règles. Quand l’homme n’est plus capable de vivre la bienvenue fondamentale qui bouleverse l’existence, il se rabat sur les substituts normatifs (moraux, juridiques, réglementaires) qui ont le goût et l’odeur de la bienvenue, mais n’en ont pas la texture.
― Marc Grassin et Frédéric Pochard

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